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Visa, l’amie compréhensive et généreuse

Lucas Blouin et Yannick Clérouin|Édition d'avril 2022

Visa, l’amie compréhensive et généreuse

Visa a enregistré 10 400 milliards de dollars en volume de paiement en 2021. (Photo: 123RF)

L’ART D’INVESTIR. Imaginons que j’ai une amie qui soit une femme d’affaires émérite. Cette Visa dernière entretient des relations avec des millions de commerçants et des milliers de banques du monde entier. Sa réputation est si bonne qu’il me suffit d’évoquer son nom lorsque vient le temps de payer la note au restaurant. Cette amie est compréhensive, elle n’hésite jamais à me prêter de l’argent sans intérêt pendant quelques semaines. Elle est aussi très généreuse, au point de me rembourser jusqu’à 3 % de la valeur de mes dépenses annuelles. De plus, elle se porte toujours à ma défense lorsque je traite avec des gens malhonnêtes.

Cette amie, vous la connaissez déjà. Il s’agit de Visa (V, 224,25 $US), la société qui exploite le plus important réseau de cartes de crédit et de débit du monde.

 

Un modèle fort rentable

Le modèle d’affaires de l’entreprise de San Francisco repose sur sa capacité à relier plusieurs partis dans une transaction exigeant un paiement: les consommateurs, les commerçants et les institutions financières. Lorsqu’un consommateur utilise sa carte pour effectuer un achat, Visa assure la liaison entre l’institution financière de l’acheteur et celle du commerçant afin que le paiement se règle en bonne et due forme. Contrairement à la croyance populaire, Visa n’émet pas de cartes puisqu’elle n’est pas une banque. Elle ne court donc aucun risque sur le plan du crédit.

Il y a de nombreux avantages à traiter avec Visa pour chaque parti impliqué. Par exemple, le consommateur n’a pas à traîner de l’argent papier ou à être physiquement sur place pour effectuer un achat. Il peut aussi recevoir des ristournes sur ses achats ou encore bénéficier d’un délai de grâce pour régler son solde de crédit. Du côté du commerçant, même s’il absorbe des frais élevés sur chaque transaction, il s’évite tout de même des risques non négligeables, dont ceux liés à la manipulation de l’argent papier ou à l’encaissement de chèques sans provision. De plus, en acceptant les cartes Visa, ce dernier s’assure d’offrir à ses clients une des options de paiement les plus populaires du monde. Pour leur part, les institutions financières ont un intérêt pécuniaire important dans le processus. Ces dernières perçoivent des frais à chaque transaction effectuée par l’entremise des cartes qu’elles ont émises, en plus de facturer des intérêts sur tout solde impayé.

Visa occupe une position plus qu’enviable sur le marché des solutions de paiement, partageant un duopole avec Mastercard (MA, 362,95$US). La taille de son réseau constitue un puissant avantage concurrentiel. La société a enregistré 10 400 milliards de dollars en volume de paiement en 2021. Elle compte également 3,8 milliards de cartes en circulation, plus de 80 millions de points de vente qui acceptent ses cartes et des partenariats avec plus de 15 000 institutions financières. Pour un concurrent émergeant, il serait pratiquement impossible de convaincre simultanément les consommateurs, les commerçants et les banques d’adopter à grande échelle une autre solution de paiement. D’ailleurs, les nouveaux acteurs du paiement tels Square (rebaptisée Block-SQ, 128,77 $US), PayPal (PYPL, 112,49 $US) et Venmo ne peuvent se passer des réseaux de Visa et de Mastercard et doivent leur verser des redevances.

 

Retrouver la rentabilité prépandémie

Visa n’est pas sans connaître son lot de défis, même si elle a affiché une impressionnante croissance de 26 % du volume de paiements sur son réseau au plus récent trimestre, comparativement à la même période précédant la pandémie.

La crise sanitaire a grevé sa rentabilité au cours des deux dernières années. Les marges nettes réalisées sur chaque dollar transigé dans le réseau ont diminué de manière marquée, en raison, notamment, du ralentissement des voyages internationaux. Il faut comprendre qu’une transaction réalisée à l’international, par exemple une carte canadienne utilisée en Europe, est nettement plus rentable pour Visa. Pour ce type de transaction, l’entreprise prélève en effet des frais plus élevés, en plus d’éviter de verser des redevances aux émetteurs de cartes. Si certains investisseurs craignent qu’elle ne soit en mesure de retrouver sa rentabilité antérieure, nous pensons au contraire que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne retourne aux marges bénéficiaires qu’elle dégageait avant la pandémie.

Nous ne pouvons passer sous silence la guerre en Ukraine et les conséquences humaines de ce triste événement. À l’égard des effets négatifs sur Visa, la société a précisé que 5 % de ses revenus nets provenaient des marchés combinés de l’Ukraine et de la Russie. Par prudence, nous considérons dans notre évaluation du titre que ces revenus seront perdus à jamais puisque les dommages découlant de la guerre sur l’économie ukrainienne pourraient prendre des années à se renverser. On ne sait pas non plus si Visa pourra retourner en Russie un jour.

En dépit de sa taille, Visa continue de montrer des perspectives de croissance intéressantes à long terme. Pour illustrer ce propos, nous estimons que plus de 50 % des paiements effectués par les ménages du monde sont réalisés à l’aide de billets de banque ou de chèques. Avec la démocratisation du commerce en ligne, la proportion des dépenses payées électroniquement est appelée à continuer de croître de manière importante.

Le titre peut sembler cher pour certains investisseurs. Or, en considérant la position dominante et la qualité du modèle d’affaires de l’entreprise, l’évaluation accordée au titre au moment d’écrire ces lignes nous semble justifiée. De notre expérience, les entreprises extraordinaires comme Visa ne se négocient que très rarement au rabais.

Les associés, les employés et les clients de Medici détiennent une participation dans Visa.


EXPERTS INVITÉS

Lucas Blouin est gestionnaire de portefeuille adjoint chez Medici.

Yannick Clérouin est gestionnaire de portefeuille adjoint chez Medici.