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Les PME peuvent aussi bénéficier d’avantages concurrentiels

Dominique Beauchamp|Édition de la mi‑octobre 2020

À PORTEFEUILLE OUVERT. LES AFFAIRES - Les petites capitalisations traversent un long désert en Bourse. ...

À PORTEFEUILLE OUVERT.

LES AFFAIRES – Les petites capitalisations traversent un long désert en Bourse. Comment expliquer cette contre-performance par rapport aux grandes capitalisations ?

Joseph Sirdevan – Je crois qu’il faut faire attention aux généralisations. Au Canada, en particulier, les petites capitalisations se retrouvent souvent dans les secteurs des ressources et de l’énergie, ce qui fausse les moyennes. Il y a aussi un biais dans les statistiques. Plusieurs petites et moyennes entreprises ont été acquises ou elles ont assez grossi pour se hisser parmi les plus grands indices. L’incroyable explosion de l’évaluation des plus grandes sociétés fausse aussi le portrait et magnifie le retard des plus petites. Cela dit, il est en effet inhabituel que les PME n’aient pas autant profité de la chute des taux d’intérêt ces dernières années, comme elles le font habituellement. De toute façon, chez nous, on concentre nos placements dans peu d’entreprises performantes, sans nous préoccuper des indices.

L.A. – Justement, comment procédez-vous pour choisir une vingtaine d’élues ?

J.S. – Au Canada, nos sept analystes assurent le suivi d’environ 125 entreprises. Les candidates doivent satisfaire cinq critères de croissance durable. Le plus important concerne l’avantage concurrentiel. Plusieurs de nos entreprises dominent leur niche, ce qui leur confère un potentiel de croissance au-dessus de la moyenne. L’autre secret de la sauce est le prix raisonnable que nous payons pour la croissance des bénéfices et des flux de trésorerie en fonction de modèles établis sur cinq ans. Nous exigeons aussi une structure de capital saine. La répartition du capital des hauts dirigeants a aussi une grande importance. On achète les élues lorsque la volatilité des marchés nous donne l’occasion de les acheter sous leur juste valeur.

L.A. – La pandémie a-t-elle débusqué des surprises dans vos entreprises ?

J.S. – Je dirais plutôt que la chute du mois de mars a surtout offert l’occasion d’acheter de nouveaux titres et d’ajouter aux placements existants, à bon prix. Nous avons notamment acheté des actions Badger Daylighting (BAD, 39,86 $) à prix d’aubaine lorsque son action a plongé. Nous croyons que le spécialiste de l’excavation bénéficiera des dépenses en infrastructures des deux côtés de la frontière. Pour les mêmes raisons, nous avons aussi racheté des actions de SNC-Lavalin (SNC, 21,48 $), lorsque son action est retombée à près de 22 $. Le principal fabricant nord-américain d’autobus New Flyer (NFI, 15,86 $) souffre de l’effet du confinement sur le transport public, mais la société réduit ses coûts et assainit son bilan en attendant que les commandes reportées soient réactivées. Nous avons ajouté à ce placement pendant la dégringolade du printemps.

L.A. – Avez-vous des exemples de PME qui bénéficient d’un avantage concurrentiel durable ?

J.S. – L’américaine Oshkosh (OSK, 78,00 $ US) est première ou deuxième dans la plupart de ses spécialités, soit les chariots élévateurs, les camions militaires, les moteurs de camions de pompier, les ambulances, les bétonnières ou les grosses dépanneuses. Ses marques sont aussi fortes. L’efficience de son réseau d’usines et de distribution se traduit aussi par un solide fonds de roulement qui devrait passer de 14 $ US à 26-27 $ US par action d’ici 2025-2026. Nous avions vendu son titre autour de 80 $ US et l’avons racheté à près de 50 $ US. Le producteur de viandes Aliments Maple Leaf (MFI, 24,61 $) a aussi des usines et un réseau de distribution de plus en plus efficaces, des avantages que les investisseurs sous-estiment. L’entreprise pourra les exploiter pour faire sa place dans le créneau prometteur de la viande végétale. Le transporteur aérien de colis Cargojet (CJT, 230 $) devient aussi un partenaire de plus en plus incontournable pour les expéditeurs. Plus son volume augmente, plus le coût unitaire baisse et plus les clients veulent en profiter. C’est un placement de longue date qui répond encore à nos critères.

L.A. – Votre approche vous tient habituellement à l’écart des ressources naturelles. Pourquoi avoir ajouté des aurifères dans vos fonds ?

J.S. – Premièrement, les conditions semblent réunies pour que l’or avance. La masse monétaire grimpe tandis que le spectre d’une dépréciation des monnaies plane étant donné l’effort sans précédent que consacrent les banques centrales et les gouvernements à atténuer les dommages économiques de la COVID-19. Une fois cette thèse établie, nous avons ensuite sélectionné deux producteurs qui présentaient de solides bilans et des coûts avantageux et dont le cours s’échangeait au rabais par rapport à la valeur d’actif nette de leurs réserves. Nous avons acheté Kirkland Lake Gold (KL, 67,05 $) dans nos portefeuilles généralistes et le producteur intermédiaire Torex (TXG, 21,49 $) dans le fonds à petite capitalisation. Torex a aussi l’avantage d’opérer ses mines et ses gisements à 180 km de la ville de Mexico, une région facile d’accès qui représente moins de risque géopolitique qu’ailleurs.