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Le combo restauration et bourse apaisera-t-il votre faim?

Jean Décary|Édition de la mi‑octobre 2023

Le combo restauration et bourse apaisera-t-il votre faim?

(Photo: 123RF)

La pandémie de COVID-19 a grandement éprouvé le milieu de la restauration. L’heure est maintenant à l’embellie et les ventes ont même dépassé en 2022 celles de l’année prépandémique au Québec. Idem au Canada et aux États-Unis. Est-ce un bon moment pour investir dans le secteur ?

La restauration à service complet a repris sa place devant la restauration à service rapide, dont les ventes étaient plus élevées pendant la pandémie, selon les récentes données du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. «Entre 2021 et 2022, les recettes des restaurants à service complet ont enregistré une hausse de 37 % à 7,6 milliards de dollars (G $), alors que dans les restaurants à service rapide, la croissance a été un peu plus modeste, soit de 16 %, à 6,6 G $», peut-on lire dans un document publié en mai dernier.

En 2019, dernière année avant la pandémie, les revenus des secteurs de la restauration à service complet et rapide avaient atteint respectivement 7,4 G $et 5,5 G $, selon le même document.

«Ça reste globalement une industrie difficile — tout le secteur de la restauration — où les barrières à l’entrée sont très basses et la compétition, très intense», fait remarquer Jean-Philippe Bouchard, vice-président et gestionnaire de portefeuille à Giverny Capital. Il croit que certains joueurs ont su habilement tirer leur épingle du jeu en développant des marques de commerce qui ont trouvé un écho favorable auprès du consommateur. «Il y a aussi des entreprises qui vont bénéficier d’économies d’échelle; opérer mille restaurants versus un seul vous procure cet avantage compétitif.»

Une entreprise que Giverny Capital détient en portefeuille depuis 2007 est le groupe d’alimentation MTY, aujourd’hui un important franchiseur de l’industrie en Amérique du Nord, mais qui est aussi opérateur. L’entreprise a vu le jour à Montréal en 1979 et compte plusieurs bannières canadiennes et américaines, comme Yuzu Sushi, Scores, Ben & Florentine, Bâton Rouge, Sushi Shop et Papa Murphy’s, pour n’en nommer que quelques-unes.

«Ils ont fait une cinquantaine d’acquisitions depuis 1999.» Selon Jean-Philippe Bouchard, c’est le type de société qui va bien performer à long terme malgré les aléas de l’économie (récessions, inflation, incertitudes, etc.) grâce à leur diversification. «Ils ont plus de 90 bannières, ils peuvent répondre à une demande variée:nourriture mexicaine, japonaise ou même de la crème glacée.» Cette diversification est aussi présente sur le plan géographique, 60 % de leur chiffre d’affaires provenant des États-Unis, 35 % du Canada et le reste à l’international. «On leur a reproché de ne croître que par acquisition, mais au dernier trimestre, ils ont affiché une croissance organique de 5 % en raison d’une hausse de l’achalandage dans leurs établissements.»

Pour Jean-Philippe Bouchard, l’inflation — si elle perdure — va rester un défi pour toute l’industrie. Sur une base annuelle moyenne, selon Statistiques Canada, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 6,8 % en 2022, après avoir progressé de 3,4 % en 2021.

«L’augmentation observée en 2022, un sommet en 40 ans, représente la hausse la plus forte depuis 1982 (+10,9 %)», peut-on lire dans le rapport. Les aliments (en hausse de 8,9 %), aux côtés du transport et du logement, ont représenté la plus forte hausse.

Il y a deux façons pour les restaurants d’aborder le problème de la hausse des coûts des aliments, selon le gestionnaire de chez Giverny Capital:en refilant la hausse aux consommateurs ou en essayant d’être plus efficaces et de réduire leurs coûts de fonctionnement. «Tous les joueurs de l’industrie font face à ces défis.»

Il existe aussi, selon lui, une autre crainte de la part de l’investisseur, celle-ci infondée, concernant la présence de MTY dans les tours de bureaux ou les centres d’achat. «Dans les faits, ils y sont beaucoup moins présents qu’en 2013. Cela représente aujourd’hui 15 % du nombre total d’établissements versus 45 % il y a 10 ans.»Selon lui, MTY a bien su gérer la crise pandémique en tablant notamment sur des solutions novatrices. «Je pense, par exemple, à leur bannière Papa Murphy’s, qui confectionnait des pizzas qui pouvaient ensuite être cuites à la maison.»

«L’aspect discrétionnaire est inhérent à l’industrie de la restauration», concède Érik Weldon, directeur de la recherche chez Allard, Allard & Associés, qui avoue qu’en matière d’investissements dans le secteur, la société a choisi de demeurer temporairement sur les lignes de côté. «On a adopté une approche prudente et attendons de voir comment la situation va se développer.»

Il rappelle qu’ils ont longtemps été d’heureux actionnaires de Recettes illimitées, jusqu’à son rachat récent par Fairfax Financial Holdings (FFH, 1126,47 $) à l’automne 2022. Recettes illimitées, basée en Ontario, est une entreprise de restauration à service complet qui franchise et exploite un grand nombre de bannières, dont St-Hubert, Harvey’s, The Keg et Swiss Chalet. «Vu les multiples plutôt bas qu’affichait l’entreprise à la sortie de la pandémie, Fairfax en tant qu’investisseur valeur a peut-être saisi l’occasion qui se présentant à lui pour l’acheter en totalité», évalue-t-il pour expliquer ce rachat complet par le conglomérat canadien.

Selon Érik Weldon, les cours de plusieurs entre-prises de restauration ont bien performé depuis l’amorce de la période postpandémique, même si la reprise a été plus lente au Canada qu’aux États-Unis, notamment pour les opérateurs de restaurant à service complet. «Ça reste un secteur cyclique, mais il y a fort à parier que dans un futur pas trop éloigné, nous serons à nouveau actionnaires d’une entreprise du secteur», dit-il, soulignant que sa firme mise sur une stratégie d’investissement dite «de valeur»et qu’elle a pris en 2022 une tangente plus défensive. «On continue à suivre quelques noms du secteur attentivement, mais pour l’heure, nous n’avons pas encore fait notre choix.»

 

SUIVANT: CONSEILS DE L’EXPERT

 

CONSEILS DE L’EXPERT

Les cours de plusieurs entreprises de restauration ont bien fait depuis l’amorce de la période postpandémique

Érik Weldon, directeur de la recherche, Allard, Allard & Associés (Photo: courtoisie)

«Ça reste un secteur cyclique, mais il y a fort à parier que dans un futur pas trop éloigné, nous serons à nouveau actionnaires d’une entreprise du secteur. On continue à suivre quelques noms du secteur attentivement, mais pour l’heure, nous n’avons pas encore fait notre choix.»

 

 

Les fonds négociés en bourse comme sortie de secours?

L’investisseur qui souhaite investir dans le secteur de la restauration sans avoir à miser sur un titre en particulier pourrait opter pour un fonds négocié en Bourse (FNB) sectoriel. Le FNB AdvisorShares Restaurant (EATZ, 19,67 $US), par exemple, investit exclusivement dans les entreprises qui sont actives dans l’industrie (restaurants, bars, services de traiteurs, etc.). On y retrouve plus d’une vingtaine de titres (de petite, moyenne et grande capitalisation), dont McDonald’s, Restaurant Brands, Domino’s Pizza (DPZ, 371,05 $US) et Wendy’s. Les frais de gestion du fonds sont de 0,60 %. Depuis un an, le FNB a enregistré une progression d’un peu plus de 4%.

D’autres FNB offrent des solutions d’investissement dans le secteur de la consommation discrétionnaire, mais ne ciblent pas exclusivement l’industrie de la restauration. Par exemple, le FNB Consumer Discretionary de Vanguard (VCR, 268,22 $US) a une exposition de 10 % du portefeuille dans le secteur de la restauration. On y retrouve entre autres des titres comme McDonald’s, Starbucks et Chipotle Mexican Grill (CMG, 1839,50 $US). Il y a aussi le FNB iShares S&P Global Consumer Discretionary Index (XCD, 47,05 $), avec protection contre la devise, et le FNB Invesco Leisure and Entertainment (PEJ, 38,47 $US), qui offre des produits similaires.