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Je suis contre l’ouverture d’un CELIAPP à 18 ans

Le courrier des lecteurs|Publié le 21 Décembre 2023

Je suis contre l’ouverture d’un CELIAPP à 18 ans

«Contrairement à ce qui est véhiculé, l'achat d'une maison est un style de vie et pas nécessairement un investissement.» (Photo: 123RF)

Un texte de G. Rousseau, un passionné de planification financière

Auteur (et gardien de but)
Montréal.

COURRIER DES LECTEURS. J’aimerais réagir concernant l’article publié dans le journal Les Affaires intitulé: «CELIAPP: pourquoi vous devriez l’ouvrir le plus tôt possible».

Ce titre a attiré mon attention, puisque j’ai donné mon humble avis de ne pas ouvrir son CELIAPP tout de suite et de se concentrer à remplir son CELI régulier à ma nièce qui vient d’avoir 18 ans. Avec des cotisations autorisées bientôt augmentées à 7000$ par année, c’est déjà tout un défi pour un jeune étudiant d’épargner cette somme, nous en convenons. En particulier durant les années où ils ne paient pas ou presque pas d’impôt. Si par tout hasard il y avait des surplus, il pourrait les déposer dans un compte non enregistré, le temps de commencer à payer de l’impôt réellement. 

La raison pour laquelle je ne suis pas d’accord avec l’auteur de l’article est que le CELIAPP semble avoir que des avantages, mais en fait, il cache deux inconvénients non négligeables: 

 

  • Il est possible de retirer les sommes investies dans le CELIAPP sans inconvénient fiscal si, et seulement si, on achète une maison. Cela semble évident, mais on est loin d’avoir la flexibilité du CELI qui permet de retirer l’argent comme bon nous semble pour des dépenses importantes qui peuvent être requises autre qu’une maison. 
  • Le CELIAPP doit avoir été utilisé dans les 15 ans sinon il doit être transféré dans un REER (sans impact sur les droits de cotisations, ce qui est très bien), mais il ne faut pas oublier que ce ne sont pas tous les jeunes de 33 ans (18+15) qui seront prêts à acheter une maison. L’exemple de ma nièce est intéressant, puisqu’elle aimerait faire des études en médecine. Or, peut-être qu’elle ne sera pas prête à 33 ans. Si elle avait été prête à seulement 35 ans, elle n’aurait pas pu profiter de la puissance du CELIAPP et aura dû «Rapper» en utilisant les limites du RAP en plus de devoir rembourser la somme plutôt que de profiter d’une somme beaucoup plus substantielle sans obligation de remboursement. Il ne faut pas oublier que la limite du CELIAPP est une limite de cotisation et non de retrait (ce qui est très différent de la limite pour «rapper» ses REER). Un jeune qui placerait à 5% de rendement 8000$ par an à partir de ses 25 ans jusqu’à concurrence de la limite de 40 000$ (à 29 ans) disposerait d’un montant d’environ 62 000$ à mettre sur sa mise de fonds à 40 ans sans impact fiscal. Donc, 27 000$ supplémentaire que le RAP pour l’aider à acquérir une propriété en plus de pouvoir «rapper» son 35 000$ s’il dispose de somme dans son REER pour le faire. Un total non négligeable de 97 000$ pour une mise de fonds. Enfin, il pourrait également y ajouter les sommes accumulées dans son CELI si requis. Un joli pactole tout ça!

 

Je pense humblement que ce qui devrait être recommandé pour un jeune de 18 ans, surtout s’il se destine à de longues études, est de maximiser son CELI. Lorsqu’il aura un plan d’acheter une maison avec un horizon de temps qui est de 15 ans et moins, il pourra facilement utiliser les sommes accumulées dans son CELI pour maximiser rapidement son CELIAPP et profiter à ce moment des déductions sur un salaire qui en vaudra probablement plus la peine.

S’il ne sait pas s’il voudra une maison, il pourrait ouvrir son CELIAPP à 25 ans et disposer d’un délai qui le mène à 40 ans pour acheter une maison. Il faut mentionner que les droits de cotisation au CELI seront récupérés l’année suivant les retraits, il n’y aurait pas d’impact à utiliser le CELI en début de vie adulte. Les cotisations dans un CELI de 7000$ par année de 18 ans à 25 ans lui permettront d’accumuler près de 60 000$ (à 5% d’intérêt). Et il peut utiliser cette somme pour ce qu’il souhaite! 

Enfin, il ne faut pas oublier que, contrairement à ce qui est véhiculé, l’achat d’une maison est un style de vie et pas nécessairement un investissement.

Historiquement, les rendements boursiers ont été beaucoup plus payants que le marché immobilier en plus d’éviter les frais fixes astronomiques1. Pour des gens plus bohèmes ou qui doivent se déplacer souvent pour le travail, l’achat d’une maison peut être un boulet plutôt qu’une solution. En encourageant la jeunesse à «immobiliser» son épargne dans un CELIAPP, on lui ferme la porte à l’utilisation de son capital à un autre but qui peut être tout aussi utile pour la construction de son patrimoine que l’achat d’une propriété. 

Cela dit, je crois qu’il faut encourager tous les adultes qui ont un travail stable à ouvrir un CELIAPP, qu’ils aient ou non le but d’acheter une maison pendant que lui et/ou son conjoint ne sont pas propriétaires afin d’obtenir des droits de cotisation au REER supplémentaires. Mais pas pour un jeune de 18 ans.

 

1Dans le livre de zéro à millionnaire de Nicolas Bérubé (un excellent livre que je recommande à tous), nous apprenons que l’investisseur milliardaire Warren Buffet a acheté sa maison en 1958 au coût de 31 500$ et qu’elle est maintenant évaluée à 700 000$. Cela semble impressionnant, mais l’auteur nous apprend que Warren Buffet aurait accumulé un portefeuille de 23 millions de dollars s’il avait investi les 31 500$ dans le marché boursier.