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Entreprise incorporée: quatre mythes à déboulonner

Michel Lefebvre|Publié le 14 août 2024

Entreprise incorporée: quatre mythes à déboulonner

On ne devrait pas souscrire une assurance maladies graves sans en comprendre réellement la teneur. (Photo: 123RF)

Michel ­Lefebvre est planificateur financier indépendant à financiste.ca et conseiller en sécurité financière. L’article est écrit en collaboration avec L’Institut de planification financière.

 

En planification financière, comme dans bien des domaines d’expertise, la réponse à une question est très souvent « ça dépend ». Lors de mes rencontres avec des propriétaires d’entreprise incorporée, je constate souvent qu’ils ou elles ont souscrit une assurance qui n’est pas adaptée à leur situation précise, un « copier-coller » de produits trop souvent mal compris. Examinons quelques mythes sur les produits d’assurance pour entrepreneurs incorporés.

 

1. Les primes de mon assurance vie, si souscrite par ma société incorporée, sont déductibles d’impôt.

Dans la plupart des cas, les primes d’assurances vie ne sont pas déductibles par l’entrepreneur dans sa société. Cependant, la société pourrait payer les primes d’assurance avec de l’argent moins imposé. Dans ce cas, il peut être pertinent de faire payer les primes par l’entreprise. Attention : l’entreprise doit être la titulaire et la bénéficiaire de la police. Dans le cas contraire, l’entrepreneur devrait considérer cette prime comme un avantage imposable.

Les prestations d’assurance vie (moins les coûts de base rajustés) seront versées au compte de dividende en capital (CDC). Le CDC permet de verser un dividende libre d’impôt à l’actionnaire. Vous devriez être accompagné d’un comptable, qui mettra à jour les comptes fiscaux comme le CDC.

 

2. L’assurance maladies graves est une excellente police à souscrire dans mon entreprise.

On ne devrait pas souscrire une assurance maladies graves sans en comprendre réellement la teneur. Contrairement à ce que l’on peut croire, elle ne protège pas contre toutes les maladies graves, mais bien contre une liste de maladies répondant à une définition bien précise. Le besoin pour ce produit est assez restreint, surtout au Québec, où les soins de santé sont moins coûteux qu’ailleurs. Ce type d’assurance devrait passer après l’assurance vie, l’assurance invalidité et une saine épargne dans des véhicules enregistrés. Si vous déterminez, à l’aide de votre planificateur financier, que vous avez besoin de ce produit, il est préférable d’y souscrire en votre nom personnel.

Si elle était souscrite dans la société, la prestation de cette assurance serait libre d’impôt pour celle-ci. Cependant, pour être transmise au propriétaire personnellement, l’entreprise devra verser un dividende imposable à l’actionnaire.

 

3. L’assurance maladies graves avec une stratégie fiscale de primes partagées est une exception au précédent mythe et fait de ce produit un incontournable pour propriétaires d’entreprises.

Cette stratégie vient de l’idée que l’entreprise peut souscrire une assurance maladies graves avec le remboursement des primes (après 10 ou 15 ans, par exemple). L’entreprise paie la portion d’assurance (de base) et l’actionnaire paie la portion « remboursement des primes ». Cette stratégie veut qu’après 10 ou 15 ans, vous résiliiez la police et receviez le remboursement de toutes les primes payées par l’actionnaire et l’entreprise. Cette méthode permettrait ainsi de sortir l’argent libre d’impôt à l’actionnaire.

Voici quelques problèmes avec cette stratégie :

 

  • L’assurance est détenue par l’entreprise, donc non optimale si vous recevez la prestation. Elle ne pourrait sortir de l’entreprise sans être imposée.
  • Dans cette stratégie, la prime est habituellement au moins 50 % plus chère que lorsque l’assurance est souscrite personnellement. En cas de diagnostic de maladie se qualifiant, vous recevrez la même prestation, mais vous perdrez tout l’argent du remboursement de primes et vous aurez payé trop cher.
  • Afin de profiter de cette stratégie, vous devez résilier la police d’assurance et ainsi perdre la protection contre le risque de maladies graves (raison d’être de la police).

 

 

4. Les assurances vie entière ou universelle sont les meilleures options pour financer la retraite dans mon entreprise.

Le besoin initial de l’assurance vie dans un contexte d’entreprise est presque toujours temporaire. Le concept d’investissement dans une police d’assurance pour financer la retraite n’est pas optimal. Ce type de police présente de nombreux inconvénients, comme l’obligation de cotiser annuellement, la faible valeur de rachat pendant les dix premières années et le coût prohibitif pour transférer le contrat à la personne assurée en cas de fermeture ou de vente de l’entreprise.

La question des produits d’assurance pour l’entrepreneur n’est pas simple. Choisir les bons produits et le bon mode de détention demande d’amalgamer des connaissances sur votre santé physique et financière ainsi que sur les besoins financiers de votre

famille. Vous devez aussi comprendre les implications sur votre fiscalité personnelle et d’entreprise. Il faut être capable de se projeter dans l’avenir avec de bonnes hypothèses et nécessairement inclure un peu de finance comportementale dans la réflexion. Pour ces raisons, il est important de rechercher plusieurs opinions et d’être accompagné par votre planificateur financier.