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Le vaccin de Pfizer est sécuritaire selon Caroline Quach-Thanh

La Presse Canadienne|Publié le 15 Décembre 2020

Le vaccin de Pfizer est sécuritaire selon Caroline Quach-Thanh

«On n’a pas eu besoin d’attendre 18 mois pour aller ramasser les fonds nécessaires pour passer à la prochaine étape». (Photo: Frank Augstein pour La Presse canadienne)

Si le vaccin contre le coronavirus de Pfizer et BioNTech a été développé aussi rapidement, c’est qu’on s’est donné les moyens de le faire et aucun coin n’a été tourné rond, explique une experte interrogée par La Presse canadienne.

Et si vous vous faites vacciner et que vous avez ensuite l’impression pendant deux jours qu’un camion lourd vous est passé sur le corps, rassurez−vous : vous n’êtes pas en train de mourir et c’est plutôt la preuve bien tangible que votre système immunitaire vous défend.

« Ce qui fait qu’on a réussi à le développer aussi rapidement, c’est qu’entre chacune des phases (…), on n’a pas eu besoin d’attendre 18 mois pour aller ramasser les fonds nécessaires pour passer à la prochaine étape », a résumé la docteure Caroline Quach-Thanh, du CHU Sainte-Justine.

« Il y a eu des investissements gouvernementaux énormes. On peut chialer contre les États-Unis tant qu’on veut ; ils ont mis des milliards dans le développement d’un vaccin pour permettre aux pharmaceutiques de passer d’une phase à l’autre, d’avoir les infrastructures nécessaires pour le faire. À la fois le privé et le public (…), tout le monde a mis de l’argent pour que ces vaccins-là puissent avancer. »

Santé Canada a aussi mis les bouchées doubles pour effectuer les vérifications nécessaires avant d’autoriser l’utilisation du vaccin au pays, ajoute-t-elle.

Par exemple, au lieu d’être tenus de transmettre leurs données à des moments précis, les chercheurs étaient en mesure de le faire dès qu’elles étaient disponibles, et l’agence gouvernementale a « mis un nombre incalculable de personnel juste sur ces dossiers-là », a dit la docteure Quach.

Au Comité consultatif national de l’immunisation, que la docteure Quach préside, le nombre de réunions est passé de trois par année à une toutes les deux semaines. « On travaille 24 heures sur 24, sept jours sur sept », a-t-elle dit.

« Il faut que les gens réalisent que la raison pour laquelle ça va plus vite, c’est qu’il y en a des gens qui ont travaillé là-dessus, a poursuivi la docteure Quach. Il y a des ressources qui ont été mises là, il y a des ressources qui ont été retirées d’autres dossiers, il faut reconnaître le travail qui a été fait. »

Aucun compromis

Et tout ça sans faire le moindre compromis concernant la sécurité de ce vaccin et de ceux qui suivront, assure-t-elle.

Quelque 40 000 personnes ont jusqu’à présent reçu les vaccins de Pfizer et de Moderna lors d’essais cliniques de phase 3, et rien d’inquiétant n’a été décelé lors des suivis à sept jours et à 28 jours.

La seule partie qui manque pour le moment est le suivi sur deux ans — qui se fera au cours des prochains mois et pendant lequel il ne se passe « habituellement pas grand-chose » — mais cela n’a rien d’anormal quand on se souvient que le SRAS-CoV-2 a fait surface il y a seulement un an.

Il est donc un peu frustrant pour les experts d’en entendre certains déplorer l’absence de ces données en même temps qu’ils dénoncent que le Canada ne soit pas le premier à disposer du vaccin.

« On ne pouvait pas attendre deux ans, a dit la docteure Quach. Sérieusement, on se serait fait décapiter si on avait dit, ’excusez−nous, il n’y a pas de vaccin, alors on va continuer à confiner et à déconfiner comme ça pendant encore deux ans’. »

Elle souligne que certains vaccins, comme celui de Sanofi, n’ont pas donné les résultats escomptés et sont de retour sur les planches à dessin.

Elle rappelle aussi que Santé Canada a accordé une homologation conditionnelle au vaccin de Pfizer. Il n’est ainsi pas recommandé pour les gens immunosupprimés, pour les gens qui ont des maladies autoimmunes, pour les femmes enceintes et pour les enfants tant et aussi longtemps qu’on ne disposera pas des données nécessaires.

« On ne le donne pas à tout venant. La prudence est déjà de mise, a dit la docteure Quach. Mais les gens à qui on recommande la vaccination, c’est parce qu’on a l’impression que sur la foi des évidences qui nous ont été présentées, sur les 40 000 personnes qu’on a dans les études randomisées contrôlées, on n’a aucune crainte de manifestations cliniques inhabituelles. »

Les plus âgés se souviendront peut−être de ces malheureux qui se sont retrouvés affligés par la poliomyélite après avoir été vaccinés contre cette maladie, ce qui pourrait en partie expliquer la frilosité dont semblent souffrir certains membres de la population.

Mais il n’y a aucun risque que ça se produise cette fois−ci, puisqu’aucun organisme vivant n’est injecté. Le but du vaccin est d’enseigner au système immunitaire à reconnaître et à attaquer la protéine qui se trouve à la surface du coronavirus.

« Mais les gens ont raison, a admis la docteure Quach, qui consacrera une bonne partie de son temps des Fêtes à l’examen des vaccins de Johnson & Johnson et d’AstraZeneca. C’est une technologie qu’on ne connaît pas. C’est une première fois chez l’humain pour les maladies infectieuses, et oui, il faut être plus prudent. »

Ceux qui recevront le vaccin peuvent s’attendre à ressentir des symptômes allant de légers à modérés, comme une douleur au site de l’injection, des maux de tête et de la fièvre, mais cela ne devrait pas interférer avec leurs activités quotidiennes.

De tels symptômes — que la docteure Quach compare à ceux ressentis après le vaccin Shingrix contre le zona — sont ressentis par environ 80 % de ceux qui ont été vaccinés, ce qui est nettement plus élevé que lors de la vaccination contre la grippe, mais ils s’estomperont habituellement au bout de deux jours.