Un rebond de l'inflation aux États-Unis reste plus probable qu'une forte dégradation de l'emploi, selon Michelle Bowman. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Le double mandat de la Réserve fédérale américaine (Fed), la banque centrale qui gère la politique monétaire, est de maximiser l’emploi et de maintenir la stabilité des prix.
Pour ce faire, elle contrôle la masse monétaire et augmente ou diminue les taux d’intérêt lorsque l’économie ralentit ou croît trop rapidement. Plus de 400 économistes sont à son emploi.
Tous les mois de décembre, elle fait ses prévisions pour l’année suivante. La réflexion d’aujourd’hui vise à évaluer la justesse de ses prévisions, en comparant ce qui s’est réellement passé au niveau de la croissance réelle de l’économie de l’année qui a suivi sa prévision de décembre.
Observations:
1. Pour toute la période, soit depuis 1996, la Fed a prévu une croissance moyenne de 2,76% alors que la croissance moyenne réalisée fût de 2,45%, ce qui semble à première vue respectable. Cela représente donc un écart (erreur) moyen de 10,4% par rapport à la moyenne réalisée.
2. Si le graphique ci-dessous illustre que la Fed a relativement bien prévu ce que Alan Greenspan — qui a dirigé l’organisme de 1996 à 2005 — a déjà affirmé, à savoir qu’il est plus important de prévoir les revirements des tendances que les chiffres exacts.
Il demeure que d’une année à l’autre, des écarts substantiels ont existé. Par exemple, pour 2023, à la suite du significatif resserrement monétaire qui visait à ramener l’inflation à la cible de 2% en provoquant un ralentissement de la croissance économique, la Fed avait prévu +0,50%. La croissance effectivement réalisée fut de +2,54%, soit un écart de +2,04%. La Fed avait donc significativement sous-estimé la croissance à venir.
La quantification de cet écart (erreur) important est de 80,3%, soit l’écart divisé par la croissance réalisée.
Et si ce calcul d’erreur est appliqué à toute la période, le résultat est de 114,32%.
Toutefois, si les importants écarts (erreurs) de:
• 2008; (prévue: +2,15% contre réalisée: +0,11% reliée à l’accident financier, et pour lequel, toutefois, certains lui ont attribué une part de responsabilité en allant trop loin dans la dérèglementation, et
• 2020; (prévue: +2,00% contre réalisée: -2,20%) pardonnable, puisque reliée à la pandémie, la moyenne du calcul de l’écart (erreur) passe à 44,38%, ce qui demeure quand même non-insignifiant.
3. Par ailleurs, la Fed a prévu des croissances de l’économie réelle supérieures à celles qui ont été réalisées, dans 63% du temps, soit 17 années / 27. Donc une tendance à l’optimisme même si elle se défend, à juste titre, d’être parfaitement objective.
4. Ci-dessous, les données relatives à chacun des derniers présidents
Conclusion
Même si l’art de la prévision est «tout juste un peu mieux qu’aléatoire», comme l’a déjà affirmé Ben Shalom Bernanke, ancien président de la Fed, il demeure que l’exercice auquel les prévisionnistes se soumettent est essentiel, surtout au niveau des changements de tendances. Il doit toutefois être conjugué au conditionnel et accompagné d’une grande humilité.
Récente prévision: le 20 mars 2024, la Fed a mis à jour sa prévision pour la croissance économique réelle pour 2024. De +1,4% prévue en décembre 2023, la prévision est maintenant de +2,1%.
Réserve importante: ces observations ont été faites sur des données historiques qui ne sont pas garantes du futur.
Sources des données: Federal Reserve. The Bureau of Economic Analysis