Pascal Désilets, PDG de la fromagerie L'Ancêtre (Photo: 123RF)
TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. Les entreprises de la transformation alimentaire doivent investir dans de nouvelles technologies pour surmonter la pénurie de main-d’œuvre et améliorer leur productivité, dans un contexte où les coûts de production augmentent fortement.
En août 2023, le gouvernement du Québec octroyait plus de 1 million de dollars (M$) en prêts et subventions à la fromagerie L’Ancêtre, une entreprise de Bécancour spécialisée dans le beurre et les fromages biologiques, pour soutenir ses projets d’automatisation.
« Nous avons acheté récemment des équipements qui nous permettent d’automatiser de plus en plus la coupe et l’emballage de nos fromages en bloc, tranchés et râpés, explique le PDG, Pascal Désilets. Ce sont des machines qui nous viennent de l’Europe, du Japon ou encore des États-Unis. » L’entreprise estime avoir investi 12 M$ au cours des dix dernières années dans ces améliorations.
On parle par exemple de machines thermoformeuses, qui servent à emballer et à sceller les aliments, d’emballeuses automatisées horizontales et verticales ou de systèmes pour calculer le poids des produits. « Nous voulons suivre la demande des consommateurs, qui désirent des emballages plus intéressants visuellement et qui allongent la durée de vie des produits, et celle des détaillants qui souhaitent recevoir des produits à poids fixes, déjà prêts à la vente », précise Pascal Désilets.
Il ajoute que l’automatisation permet également d’améliorer la santé et la sécurité des travailleurs en réduisant le nombre de tâches répétitives, ce qui favoriserait, selon lui, la rétention des employés. La formation des travailleurs représente d’ailleurs l’un des principaux défis lors de l’implantation de ces nouvelles technologies. Ceux-ci doivent apprendre à travailler avec les nouveaux équipements, mais aussi à les entretenir.
« En ce moment, la hausse des taux d’intérêt ralentit un peu les grands projets d’automatisation, mais nous continuons tout de même à investir, car c’est essentiel pour assumer notre forte croissance », explique Pascal Désilets.
Pluie d’investissements
Les investissements se succèdent également à un rythme effréné à Agropur. En 2023, la coopérative a injecté 168 M$ dans la construction d’une nouvelle usine à Little Chute, au Wisconsin, ce qui lui permettra d’augmenter ses capacités de production de fromage et de produits laitiers à valeur ajoutée.
L’entreprise a aussi investi 34 M$ à Truro, en Nouvelle-Écosse, pour ajouter une nouvelle ligne d’extrusion de crème glacée. L’extrusion consiste à compresser la crème glacée dans un tube, puis à l’expulser en petits blocs qui peuvent être mis sur un bâtonnet.
S’ajoute à cela des investissements de 15 M$ dans l’arrondissement montréalais de Saint-Laurent pour produire du lait premium, par exemple sans lactose ou enrichi de protéines, et de 9 M$ à l’usine de Woodstock, en Ontario, pour une machine à découper le fromage et l’automatisation de la mise en caisses. « Nos efforts d’automatisation depuis 2018 ont fait doubler la production annuelle de fromage de cette usine », précise Stéphane Le Gal, président de la Division des catégories pour le Canada.
Pour Agropur, l’objectif reste le même : consolider son leadership dans les produits laitiers à valeur ajoutée, pour lesquels il y a une très forte demande sur le marché. Cette automatisation pose des défis de gestion du changement, qui l’amène à modifier sa façon de travailler. À Woodstock, par exemple, l’entreprise instaure une culture qui fait des salariés les « propriétaires » de leur portion de la ligne de production. Ceux-ci participent activement à l’amélioration des procédés à partir de ce qu’ils vivent et observent au quotidien.
Remplacer des travailleurs introuvables
À Nortera, on a recours à l’automatisation pour surmonter la pénurie de main-d’œuvre, particulièrement vive dans les entreprises qui offrent des boulots saisonniers. « Lorsque le taux de chômage est aussi bas qu’il l’est actuellement, les gens se trouvent plus facilement des emplois à temps plein, ce qui complique notre recrutement pour certains postes », souligne le directeur général, Daniel Vielfaure.
L’automatisation sert donc à supprimer des postes pour certaines tâches plus répétitives et peu spécialisées, comme l’emballage, la palettisation ou la mise en boîte de sachets surgelés. « Nous effectuerons trois gros investissements cette année dans différentes usines, qui nous permettront d’éliminer tout près de 80 postes que nous n’arrivons pas à pourvoir présentement, ajoute-t-il. Nos nouveaux actionnaires ont les moyens et l’envie de nous accompagner dans ces investissements, donc stratégiquement, pour nous, c’est très intéressant. »
Rappelons que Nortera est issue du rachat, en 2021, de Bonduelle Americas Long Life par le Fonds de solidarité FTQ et la Caisse de dépôt et placement du Québec.