Les réseaux et les infrastructures de télécommunication ont été assez puissants au Canada pour répondre à l’explosion de la demande durant le confinement. (Photo: 123RF)
TÉLÉCOMMUNICATIONS. La généralisation inattendue du télétravail a rendu le domaine des télécommunications encore plus crucial qu’il ne l’était déjà. Le «tout en ligne» a aussi posé avec encore plus d’acuité les problèmes de connectivité qu’éprouvent les habitants des milieux ruraux. Les Affaires s’intéresse aux impacts à long terme qu’auront les derniers mois sur ce secteur névralgique.
Internet a tenu le coup. Pas de manière uniforme, pas partout. Mais on peut affirmer que, globalement, les réseaux de télécommunication canadiens ont résisté quant au volume de téléchargement et de téléversement sans précédent provoqué par les mesures de confinement visant à combattre le coronavirus.
Selon des données colligées par l’Association canadienne des télécommunications sans fil, l’Internet résidentiel par liaison filaire a connu, en mars et en avril, des pointes d’augmentation de téléchargement allant jusqu’à 48,8 % et jusqu’à 69,2 % d’augmentation de téléversement.
Cette explosion vertigineuse a entre autres été causée par un recours massif au télétravail pour garder les entreprises en activité : un travailleur québécois sur deux a effectué du télétravail au plus fort de la crise, selon l’Institut national de santé publique du Québec.
À l’exception de quelques ralentissements de service, tout s’est passé rondement. Étonnant, non ? Quelle autre infrastructure pourrait soutenir une augmentation soudaine de 50 % de sa fréquentation sans broncher ? Imaginez une hausse similaire du nombre de voitures dans les rues de Montréal… Ce serait la catastrophe !
Forte croissance
«Le Canada est un des pays qui dépense le plus par personne dans son réseau et ses infrastructures de télécommunication, explique Bernard Bureau, vice-président à la stratégie réseau et à l’architecture de Telus. Nous avons des réseaux forts et puissants qui nous ont permis de répondre sans trop de mal à la nouvelle demande.»
Ce qui a joué en faveur des opérateurs de télécommunication, c’est qu’ils font face à une demande de bande passante toujours plus grande. «Nos réseaux sont bâtis pour soutenir une forte croissance de la demande», explique Marie-Hélène Labrie, première vice-présidente et cheffe des affaires publiques, des communications et de la stratégie de Cogeco. Ainsi, de 2014 à 2018, la consommation mensuelle de bande passante en téléchargement a plus que doublé au Canada, passant de 66,4 Go à 192,9 Go, selon le dernier Rapport de surveillance des communications du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).
Bien sûr, tout n’a pas été parfait. De petites localités ont subi des ralentissements ou des coupures de services. «Un des défis a été de maintenir la connectivité dans les foyers des régions éloignées qui n’ont pas de réseau filaire et où l’Internet résidentiel est livré par la 4G», explique Bernard Bureau.
Par contre, la crise a aussi eu l’effet d’accélérer l’implantation de nouveaux projets et de nouveaux services de télécommunication. Bell, par exemple, a annoncé qu’elle devançait «de plusieurs mois» le déploiement de son service Internet résidentiel sans fil à large bande à 137 000 foyers situés en milieu rural.
Cogeco a pivoté vers un service de branchement à distance, où le technicien effectue le travail extérieur, pendant que le client s’occupe des manipulations à l’intérieur de la résidence. «Je crois que ces services continueront d’être appréciés après la pandémie, note Marie-Hélène Labrie. Beaucoup de gens veulent avoir la flexibilité de terminer eux-mêmes l’installation de service.»
Incidence sur les forfaits
Dans l’éventualité où le télétravail se maintient à long terme, nous pourrions assister à une reconfiguration des forfaits Internet. «La consommation de bande passante en télétravail est très différente de celle faite dans un contexte de divertissement, fait remarquer Duncan Stewart, directeur de la recherche du secteur technologies, médias et télécommunications chez Deloitte Canada. Les télétravailleurs utilisent plus de données en téléversement, en raison de l’utilisation fréquente des plateformes de vidéoconférence. Les forfaits devront être rééquilibrés pour refléter cette consommation.»
Aussi, les standards de connectivité sont habituellement plus élevés dans un contexte professionnel ; personne ne veut perdre un client en raison d’un ralentissement de service. Ce constat amène Duncan Stewart à se demander si c’est l’employé ou le travailleur qui payera la facture, en fin de compte.
Plus globalement, l’effet majeur que pourrait avoir la crise sur l’industrie est la création de nouveaux marchés de consommation pour les opérateurs. «L’augmentation de la consommation de bande passante ne concerne pas seulement le télétravail, souligne Duncan Stewart. On s’attend aussi à une augmentation des services de télémédecine et d’éducation à distance.» Par conséquent, la pandémie constitue possiblement «un point de bascule» en matière d’adoption des technologies de télécommunication, croit-il.