L’industrie n’a plus le choix de s’adapter et de développer des technologies innovantes pour assurer la stabilité de ses mines. (Photo: 123RF)
SPÉCIAL CLIMAT: ADAPTEZ VOTRE ENTREPRISE. Les changements climatiques provoquent déjà des dommages sur les sites miniers québécois, nuisant à leur rentabilité et à leur acceptabilité sociale. Des infrastructures sont ébranlées, les risques de contamination des sols et de l’eau existent.
L’industrie n’a plus le choix de s’adapter et de développer des technologies innovantes pour assurer la stabilité de ses mines. Un défi qui pourrait amener le Québec à devenir un expert en réparation des territoires.
«Clairement, l’impact des changements climatiques, on le voit», s’exclame Mapi Mobwano, président et chef de la direction d’ArcelorMittal Exploitation minière Canada, qui a dû investir dans des stratégies d’inspection et de maintenance pour protéger ses infrastructures de la Côte-Nord après des événements météorologiques extrêmes.
«Au troisième trimestre, on a eu 98 mm de pluie en moins de 48 h, dont 78 mm en moins de 24 heures, raconte Mapi Mobwano. En décembre dernier, ce sont des vagues déferlantes qui ont débordé par-dessus les digues et ont affecté une partie du chemin de fer et du port»de Port-Cartier, deux «liens stratégiques»par lesquels transitent chaque année plusieurs millions de tonnes de minerai de fer.
Le défi des résidus miniers
Si toutes les phases de vie d’une mine vont être affectées par les changements climatiques, au risque de «nuire de façon ponctuelle, mais non négligeable à la rentabilité», la gestion des résidus reste le principal défi pour les minières, indique Bruno Bussière, professeur titulaire de la Chaire industrielle CRSNG-UQAT sur la restauration des sites miniers.
À l’étape de la restauration du site, après l’exploitation, les infrastructures déployées devront résister aux événements climatiques extrêmes pendant des centaines d’années afin d’assurer la stabilité physique et chimique des déchets et ainsi limiter les risques de contamination environnementale.
Autrement dit, les barrières à l’oxygène créées aujourd’hui empêcherontelles encore les résidus de s’oxyder si les conditions climatiques changent? À Saint-Michel-des-Saints, Nouveau Monde Graphite se prépare à mettre en opération une mine de graphite en 2026, tout en innovant dans sa gestion des résidus. Ces derniers seront entreposés au fur et à mesure de l’exploitation de la mine selon une méthode dite de «codispo-sition», c’est-à-dire que les rejets concentrés en soufre et pouvant générer de l’acide et contaminer les cours d’eau seront enfouis sous des couches de résidus non générateurs d’acide.
«Ce qui est innovant, c’est qu’on va fermer le site en même temps qu’on l’opère, pour réduire les risques [liés aux changements climatiques] au moment de la restauration», explique Martine Paradis, vice-présidente à l’environnement et aux infrastructures durables de l’entreprise.
«Aujourd’hui, ce n’est pas un bon investissement de tourner les coins ronds; il y a une pression des financiers pour que l’industrie minière adapte ses technologies, indique Bruno Bussière. Les ingénieurs doivent deviner à quoi va ressembler le climat dans 100 ou 200 ans. Cette méthode de codisposition devrait augmenter la stabilité physique des résidus. On a espoir que cela réduira les risques de contamination.»
Une économie de réparation
Plusieurs options sont étudiées par les chercheurs, comme la réutilisation des matériaux miniers dans la restauration pour minimiser le volume des rejets, ou la revégétalisation des sites, illustre Bruno Bussière. «Chaque site minier est unique et complexe», explique Rodrigue Turgeon, codirecteur de MiningWatch Canada, organisation de soutien de la société civile relativement à l’industrie minière. Il explique que des études sont menées sur la biorestauration, soit l’utilisation de plantes et d’OGM pour décontaminer les sites miniers, mais face à la course contre la montre lancée par l’industrie [pour l’extraction de minéraux dits critiques et stratégiques pour la fabrication de batteries notamment], «la science est à la remorque».
L’avocat en droit de l’environnement, également porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, s’inquiète de voir l’industrie «refiler la facture de la restauration minière aux générations futures», car «on ne manque pas seulement d’argent, mais aussi de compétences et de main-d’œuvre» pour assurer la stabilité des sites miniers quant aux aléas climatiques.
«Le Québec est connu pour son expertise en hydroélectricité; pourquoi on ne développerait pas une expertise en matière de restauration ? C’est vers là que l’économie de demain doit aller, on doit migrer d’une économie extractive vers une économie de la réparation du territoire, et se donner le luxe de refuser des projets qui n’ont pas d’allure», conclut-il.