La croissance d’e2ip Technologies passe par le Maroc
Jean-François Venne|Édition de la mi‑octobre 2023Éric Saint-Jacques, PDG d'e2ip Technologies (Photo: courtoisie)
SPÉCIAL 300 PME. E2ip Technologies s’est installée au Maroc en 2019 avec un objectif bien précis en tête : créer une entreprise marocaine dotée d’une grande autonomie pour appuyer sa croissance à l’international. Elle a réussi, malgré une pandémie mondiale et une terrible catastrophe naturelle.
Le 8 septembre dernier, le Maroc a été secoué par le plus fort tremblement de terre de son histoire. Située à Casablanca, à 350 km au nord de l’épicentre, la nouvelle usine d’e2ip n’a pas été touchée, mais ses dirigeants et ses 138 employés se sont vite mis en mode solution. « L’un de nos travailleurs a perdu des membres de sa famille lointaine dans un village du Haut Atlas, explique le PDG, Éric Saint-Jacques. Nous avons donc concentré notre aide vers ce village. »
L’entreprise a notamment acheté des vivres pour plusieurs semaines et 150 abris portables pour héberger des familles sans toit. Ses employés sont allés les distribuer eux-mêmes. Un groupe d’ingénieurs de la firme a développé et installé des centaines de projecteurs rechargeables avec panneaux solaires dans cette région privée d’électricité.
« Cette réaction incarne bien notre vision, précise le PDG. Nous sommes propriétaires d’une entreprise marocaine que nous voulons pérenne et ancrée dans la communauté. »
Un choix qui s’impose
E2ip se spécialise dans la conception de composants et d’appareils électroniques, notamment des circuits imprimés. En 2018, ses dirigeants ont fait un double constat. D’un côté, la pénurie de main-d’œuvre manufacturière en Amérique du Nord et au Québec menaçait de freiner la volonté de croissance de l’entreprise. De l’autre, pour rester compétitifs dans les grandes chaînes d’approvisionnement mondiales, ils devaient délocaliser certaines activités de fabrication dans des pays aux coûts de production moins élevés.
La firme, qui s’apprêtait à adopter son nouveau nom (elle est devenue e2ip en 2019, à la suite du regroupement de GGI Solutions, ClickTouch et HeatSeal), hésitait surtout entre le Mexique et le Maroc. Ce dernier montrait plusieurs avantages. C’est un pays francophone, dans lequel la main-d’œuvre est très éduquée et très stable, comparativement au Mexique, par exemple, où on voit de forts roulements de personnel.
« C’était crucial pour nous, car nous voulions établir une entreprise pérenne dotée d’une main-d’œuvre spécialisée, qui deviendrait un point d’ancrage de notre développement international », explique Éric Saint-Jacques.
Se rendre au Maroc est en outre beaucoup plus rapide que d’aller au Mexique. L’usine se situe dans un vaste parc techno-industriel aux abords immédiats de l’aéroport Mohammed V, où l’on retrouve aussi des hôtels et des restaurants. Un vol sans escale de nuit dure environ sept heures. Pour parvenir à des installations semblables au Mexique, on doit prendre au moins deux vols, en plus d’un transport routier d’une heure ou deux pour arriver à destination.
Par ailleurs, les clients d’e2ip sont de grandes firmes internationales, comme Boeing, Airbus, Stryker, Baxter, etc., qui sont très présentes en Asie et cherchent à rééquilibrer leurs chaînes d’approvisionnement. « Notre présence au Maroc nous positionne très bien pour en profiter », assure le PDG.
Un gros imprévu
En 1919, Winston Churchill avait déclaré que la seule opposition que les ministres britanniques devaient craindre était celle des événements. C’est un peu ce qui est arrivé à e2ip. Ses dirigeants ont développé et mis en œuvre leur projet pendant des mois en 2019, puis inauguré leur usine en octobre. Moins de six mois plus tard, le Maroc se retrouvait confiné en raison de la pandémie de COVID-19. Le pays a été « fermé » pendant 14 mois. « Nous aurions aimé être plus présents lorsque l’usine marocaine a débuté ses activités, mais c’était impossible », se souvient Éric Saint-Jacques.
À part cet imprévu, il estime ne pas avoir rencontré de défis particuliers. Actuellement, l’entreprise casablancaise roule à plein régime et le PDG qualifie son ouverture de « meilleure décision de notre histoire ». Il estime qu’elle leur confère une capacité presque infinie de croissance rapide, qu’ils n’auraient pas eue en restant seulement au Québec.
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Les conseils d’Éric Saint-Jacques
1. « Ouvrir des installations à l’étranger exige beaucoup de temps et d’argent, donc on doit s’assurer que ça vaut le coup. On doit bien calculer le rapport entre le coût d’opportunité, le coût du capital et le niveau d’investissement d’un côté et les économies d’opération et la valeur des opportunités de croissance de l’autre. »
2. « On a intérêt à se voir comme les propriétaires d’une entreprise de l’autre pays, plutôt que d’une entreprise québécoise installée dans un autre pays. C’est une forme de respect de la communauté dans laquelle on s’installe et c’est une bonne manière de créer un plus fort engagement des employés envers le projet. »