David Leonard, ergonome et président-directeur d’Option ergonomie (Photo: courtoisie)
SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL. Quand Novaxis Solutions a demandé à ses employés de transmettre une photo de leur espace de travail à la maison, en début de pandémie, ce n’était pas pour publier sur les réseaux sociaux. La firme informatique voulait plutôt s’assurer que tout le monde était bien installé. « Les normes du travail continuent de s’appliquer à la maison, rappelle Matthieu Blokkeel, directeur administratif et marketing de l’entreprise basée à Québec. C’est important pour nous que chacun ait de bonnes conditions de travail, pour éviter qu’une personne s’abîme un poignet ou se blesse au dos. »
Partant d’une culture de télétravail quasi inexistante avant la pandémie, Novaxis Solutions a fait un apprentissage accéléré depuis un an. L’entreprise a aujourd’hui une politique de télétravail en bon et due forme – signée par les employés –, selon laquelle la direction se garde le droit de vérifier la conformité de l’espace de travail à la maison. Un budget annuel est aussi alloué à l’achat de matériel visant à améliorer l’ergonomie des lieux.
Voilà un exemple à saluer. Selon David Leonard, ergonome et président-directeur d’Option ergonomie, plusieurs employeurs attendent qu’un premier employé se blesse avant d’agir. D’ailleurs, celui qui est aussi ergothérapeute dit n’avoir jamais reçu autant de demandes de consultation individuelle de la part de travailleurs prêts à payer eux-mêmes pour un traitement d’ergothérapie. Un autre signe que les employeurs doivent s’intéresser à la question dès maintenant.
De la formation collective à l’aide personnalisée
Les interventions proposées dépendent bien sûr du budget disponible. Si certaines entreprises offrent à leurs employés une formation de groupe suivie d’une consultation individuelle, d’autres préfèrent former un employé clé, qui deviendra le porteur de ce dossier pour l’ensemble de l’équipe.
« Lors de nos formations, nous expliquons comment optimiser un poste de travail, mais nous ciblons aussi les symptômes précurseurs d’une blessure liée à une mauvaise posture de travail », note David Leonard.
L’utilisation de l’ordinateur portable fourni par l’employeur est une source récurrente de malaises. Encore une fois, la solution dépendra du budget que l’entreprise ou l’employé est prêt à investir. « Un truc assez simple est de placer une pile de livres sous l’ordinateur portable, afin que le haut de l’écran arrive à la hauteur de nos yeux, souligne l’ergothérapeute. Ensuite, on se munit d’un clavier et d’une souris, et le tour est joué ; on a réglé 75 % du problème. » Une entreprise plus fortunée pourrait aussi décider de fournir un écran indépendant et un fauteuil ergonomique à ses employés.
Multiplier les pauses
Durant ses formations, Option ergonomie aborde aussi la santé mentale au travail. Il s’avère que la manière dont un travailleur organise l’horaire de sa journée peut avoir un grand impact sur son humeur et sa motivation.
« L’avantage du travail à la maison, c’est qu’il y a moins de distraction, explique Joanie Poirier, une ergothérapeute qui offre des services en santé mentale à Option ergonomie. L’envers de la médaille, c’est que l’on peut facilement passer trois ou quatre heures consécutives rivé à l’ordinateur, sans prendre de pause. Plusieurs personnes continuent aussi de travailler pendant l’heure du lunch. »
Parmi les stratégies suggérées pour améliorer son quotidien : planifier ses rencontres de manière à avoir du temps pour prendre une marche ou faire une activité physique durant la journée plutôt qu’à la fin du quart de travail. Mettre une minuterie pour prendre une micropause de quelques minutes toutes les 45 minutes. « C’est bon sur le plan physique — le corps n’est pas fait pour rester assis huit heures consécutives —, et c’est bon pour le mental, car ça augmente la concentration », précise Joanie Poirier.
L’ergothérapeute utilise « l’horaire occupationnel » comme outil d’intervention. Il s’agit d’un outil d’auto-évaluation qui peut aider les télétravailleurs à mieux comprendre leur relation avec leur environnement de travail. Concrètement, ils sont invités à inscrire leurs activités et leurs humeurs dans un journal de bord, afin d’identifier ce qui suscite du stress ou de l’inconfort.
Ne pas perdre de vue ses employés
En télétravail, l’un des rôles importants des gestionnaires est de maintenir une communication fluide avec les employés. « Les gestionnaires doivent demeurer attentifs aux signes de détresse psychologique, rappelle Joanie Poirier. Est-ce que l’employé a plus de problèmes de concentration qu’avant ? A-t-il l’air moins motivé ? Fait-il des oublis ou des erreurs banales ? Si c’est le cas, ça vaut la peine de creuser et de poser plus de questions. »
Depuis le début de la pandémie, Novaxis Solutions a ainsi augmenté le nombre de rencontres individuelles et de groupe prévues. Elle sonde aussi plus souvent le moral de ses employés. Finalement, l’entreprise a instauré une politique de caméra ouverte, lors des rencontres de visioconférence. « Lorsqu’une personne est fatiguée, ça se voit physiquement, constate Matthieu Blokkeel. Avec la caméra ouverte, on a une meilleure lecture de son moral. »