Les espaces de congrès s’adaptent à la nouvelle tendance qui permet la tenue d’événements qui se déroulent à la fois en personne et de façon numérique. (Photo: courtoisie)
RÉUNIONS ET CONGRÈS. Depuis sa réouverture, le 19 juin dernier, l’Estérel Resort affiche quasi complet. Les visiteurs d’agrément en quête de villégiature sont, sans surprise, les principaux responsables de cette affluence. Mais la clientèle d’affaires y contribue aussi.
L’établissement de 200 suites a effectivement accueilli une bonne vingtaine de groupes de 10 à 50 personnes au cours de l’été. «Dans la semaine qui a suivi la réouverture du complexe, quatre organisations avaient déjà réservé nos salles», soutient Line Latour, directrice des ventes de l’hôtel. Des négociations syndicales, des réunions d’équipe, des conseils d’administration, des lacs-à-l’épaule… une partie de la clientèle d’affaires est de nouveau au rendez-vous. Et ce n’est pas terminé. Le calendrier des activités prévoit de deux à quatre rencontres d’affaires par semaine d’ici Noël. Quelques groupes réuniront même une centaine de personnes, dit-elle.
La recette ? «Jamais notre équipe de marketing et de communication – qui a continué de travailler pendant la fermeture de l’hôtel – n’aura été aussi créative que depuis mars», reconnaît Line Latour. Appels téléphoniques, échanges de courriels, infolettres, sondage auprès des clients, nouvelles propositions de dates, application de nouvelles mesures sécuritaires, réorganisation des espaces : l’établissement 4 étoiles des Laurentides a multiplié les initiatives afin de trouver les meilleures solutions possible dans le contexte.
«Personne dans l’industrie n’a la prétention de savoir ce qu’il faut faire en temps de pandémie, soulève Line Latour. Il fallait absolument trouver des terrains d’entente et, surtout, jouer la carte de la transparence auprès de nos clients, que l’on considère comme nos partenaires d’affaires.» Elle souligne que le taux de rétention de la clientèle de l’Estérel Resort «dépasse les 50 % année après année».
Si aucun des événements devant avoir lieu dans l’établissement en 2020 n’a été annulé, ce sont tout de même plus de 75 % d’entre eux qui ont été reportés à l’an prochain. Ce qui se traduira à court terme par un manque à gagner. «Le tourisme d’affaires représente habituellement près de 70 % des revenus du complexe hôtelier l’automne venu. Cette année, il contribuera à peine pour 30 %», note Line Latour.
Des négociations syndicales, des réunions d’équipe, des conseils d’administration, des lacs-à-l’épaule… une partie de la clientèle d’affaires est de nouveau au rendez-vous. (Photo: courtoisie)
Cibler les petits groupes
Habitué aux grands événements nationaux et internationaux, le Palais des congrès de Montréal multiplie, ces jours-ci, les formules pour relancer le tourisme d’affaires sous son toit. L’une des stratégies est d’oublier les gros coups de circuit. Pour marquer des points, l’équipe de vente mise désormais sur les coups sûrs. «Il faut cibler les plus petits groupes», indique Robert Mercure, PDG de l’établissement.
L’immense infrastructure de 113 salles et espaces de réunion, qui peut en temps normal accueillir 25 000 visiteurs en simultané, fait actuellement les beaux yeux à toute organisation de quatre personnes et plus. Des forfaits à prix réduit – incluant du café, des boissons, des boîtes à lunch, le Wi-Fi et de l’équipement audiovisuel de base – sont offerts aux entreprises et aux organisations dont les salles de conférence ne répondent pas aux mesures de distanciation physique.
Notons que le Centre de congrès de Québec – qui a conservé d’étroites communications avec sa clientèle – et plusieurs établissements hôteliers déploient actuellement la même stratégie. Certains hôtels, dont le plus grand complexe hôtelier de la province, le Fairmont Le Reine Elizabeth, proposent même leurs chambres comme lieu de télétravail.
Nouvelle tendance hybride
La plupart des espaces de congrès de la province s’adaptent également à la nouvelle tendance de l’industrie : la formule hybride. Celle-ci permet la tenue d’événements qui se déroulent à la fois en personne et de façon numérique. «Cette formule a déjà été utilisée à quelques occasions avant la COVID-19. La pandémie est venue la propulser parmi les solutions qui permettront de réinventer l’industrie des congrès et des événements. En fait, cette formule deviendra sans doute la nouvelle norme de l’industrie une fois la crise terminée», soutient Robert Mercure.
L’équipe du Palais des congrès s’est d’ailleurs dotée d’un nouveau studio Média Propulsion, un investissement de plus de 30 000 $ en équipement audiovisuel qui permettra le tournage de capsules pour les médias sociaux, ainsi que de balados, de captation de contenu et d’entrevues.
En attendant, le calendrier des activités 2020-2021 du Palais compte moins d’une centaine d’événements de 10 à 250 personnes. C’est trois fois moins de rendez-vous qu’une année normale. Ce qui se traduit actuellement par des pertes de près de 150 millions de dollars (M$) pour le tourisme montréalais, calcule le PDG du Palais. «Je demeure toutefois confiant. Les mesures et les règles sanitaires vont évoluer. Je suis convaincu que nous pourrons atteindre les 200, et pourquoi pas les 250 événements avant la fin de notre année fiscale, le 31 mars prochain.»
L’industrie doit bouger
Malgré les solutions mises de l’avant, l’industrie touristique en arrache. «On estime que chez nos membres, à peine un hôtel sur cinq au Québec est demeuré ouvert au plus fort de la crise pour accueillir des travailleurs essentiels. Plus de 80 % du personnel a été licencié», signale Gilber Paquette, directeur général de l’Association des professionnels de congrès du Québec (APCQ). Et leur taux d’occupation a oscillé entre 10 % et 15 %, ajoute-t-il.
Dans la province, plus de 65 % des quelque 2 000 événements d’affaires de 40 nuitées et plus qui devaient avoir lieu au printemps et à l’automne ont été annulés ou reportés, indique Gilber Paquette. Ce nombre n’inclut pas les tournois sportifs, qui constituent pour plusieurs villes de congrès plus de 50 % du tourisme d’affaires, tient à préciser le nouveau DG de l’APCQ, entré en poste en février, juste avant le début de la pandémie.
«C’est la catastrophe pour les hôtels en milieu urbain», enchaîne Dany Thibault, président de l’Association hôtellerie Québec (AHQ). L’été a peut-être apporté un répit aux hôteliers en région et en villégiature, «mais la période touristique estivale ne dure que de 18 à 20 semaines. Les 32 autres semaines de l’année reposent sur le tourisme d’affaires», précise le président de l’AHQ qui est aussi directeur régional pour le groupe Urgo Hotels. Ce dernier détient notamment le Marriott Québec Centre-Ville et le Renaissance by Marriott, à Montréal.
«La santé et la sécurité sanitaire des clients font partie de l’ADN des hôteliers, déclare Dany Thibault. Nous avons toujours eu des protocoles pour assurer la protection de notre clientèle, que ce soit dans les chambres, les aires de restauration et les espaces de réunion.» C’est pourquoi il estime qu’«il est temps d’obtenir le feu vert des autorités sanitaires pour accueillir des événements en fonction des capacités d’accueil [des établissements] et non pas être limité au nombre de 250 personnes [au moment de mettre sous presse] par salle émise par la Santé publique».
«Autrement, c’est toute une industrie qui va s’effondrer», assure le président de l’AHQ.
Cri du coeur
Ces ratios «démesurés» portent un coup dur à tous les salons et expositions, renchérit Dominique Gagnon, président de l’Association des professionnels en exposition du Québec (APEQ). Rappelons qu’en mars, tous les rassemblements intérieurs et extérieurs de plus de 250 personnes ont été annulés. «Ce n’est pas normal qu’on ait permis que 1000 personnes par jour puissent circuler dans un Costco, mais que l’on ait refusé ce droit aux promoteurs d’expositions et de salons», dénonce le président de l’APEQ.
«Pourtant, insiste-t-il, l’industrie des salons et des expositions détient tous les outils pour contrôler les billetteries ainsi que les foules dans les allées. Nous sommes des professionnels de la gestion des espaces.»
Depuis mars dernier, ce sont plus de 250 salons et expositions des quelque 750 prévus au calendrier de l’année 2020 qui ont été annulés, précise Dominique Gagnon. Il tient à souligner que chaque exposant génère en moyenne 96 000 $ de retombées pour les organisateurs de ces rassemblements. Ce type d’événements d’entreprises touchent plus de 33 750 PME québécoises chaque année, calcule-t-il. «Ce sont plus de 100 M $ qui se sont envolés en fumée ! Et ce n’est pas fini. Tant et aussi longtemps que les règles ne seront pas mieux adaptées à notre industrie, elles vont retarder la planification de nos événements, qui nécessitent près d’un an de préparation», déplore le président de l’APEQ.
En attendant la relance, plusieurs hôteliers auront besoin d’une aide financière, conclut Dany Thibault. «Et que le gouvernement cesse de nous proposer de l’aide sous forme de prêt, avertit-il. La cour est pleine ! Nous sommes de nombreux hôteliers à avoir investi des sommes colossales pour rénover nos établissements au cours des cinq dernières années. Des rénovations pour lesquelles plusieurs d’entre nous continuent de rembourser des emprunts.»