« Si l’espérance de vie d’une femme de 65 ans est de 26 ans, cela signifie que sur un groupe de 1000 femmes de 65 ans aujourd’hui, près de 500 d’entre elles devraient donc être décédées à 91 ans », illustre le fiscaliste et planificateur financier Martin Dupras, propriétaire de ConFor financiers. (Photo: courtoisie)
RETRAITE. Bien qu’elle doive être considérée au moment de la planification des besoins en matière d’épargne retraite, l’espérance de vie — une donnée statistique qui établit l’âge auquel 50 % des membres d’un groupe homogène décéderont sur le plan de l’âge atteint et du genre — est un indicateur qui a ses limites.
En effet, selon Retraite Québec, « les probabilités de survie démontrent qu’environ 50 % de la population québécoise vivra plus longtemps que l’espérance de vie et que plus d’une personne sur 10 dépassera même cet indicateur de plus de 10 ans ».
« Si l’espérance de vie d’une femme de 65 ans est de 26 ans, cela signifie que sur un groupe de 1000 femmes de 65 ans aujourd’hui, près de 500 d’entre elles devraient donc être décédées à 91 ans », illustre le fiscaliste et planificateur financier Martin Dupras, propriétaire de ConFor financiers.
L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) établissait l’espérance de vie à la naissance, dans la province, à 80,6 ans chez les hommes et à 84,0 ans chez les femmes en 2020. Ces données représentent des baisses respectives de cinq et de huit mois par rapport à celle de 2019. Une situation jugée exceptionnelle que l’ISQ attribue à une « augmentation du nombre de décès liée à la pandémie de COVID-19 ».
L’augmentation de l’espérance de vie constitue une bonne nouvelle, mais elle apporte un défi à la planification de la retraite, soit le risque de survivre à son épargne. D’ailleurs, un sondage sur les attentes et les stratégies en matière de revenu de retraite réalisé l’an dernier par la société de placement en valeurs mobilières Franklin Templeton indique que 73 % des répondants s’inquiètent de ce risque.
Ainsi, une planification de la retraite ayant uniquement l’espérance de vie comme cible pour l’âge d’épuisement du capital a statistiquement une chance sur deux de ne pas tenir la route, constate Martin Dupras. « Une pratique prudente devrait donc être d’ajouter quelques années à l’espérance de vie de l’individu, qui serait la durée jugée raisonnable de décaissement », selon lui.
Afin d’atténuer son exposition à ce « risque de longévité », la durée de décaissement pourrait représenter un âge auquel 75 % — et non 50 % — des membres d’un groupe homogène ne seront plus en vie. « Une planification de retraite tablant sur la durée raisonnable de décaissement plutôt que sur l’espérance de vie aurait ainsi trois chances sur quatre de tenir la route », fait valoir Martin Dupras.
Prudence dans vos projections
« Il peut être raisonnable de penser vivre au moins cinq ans de plus que ses parents », note Retraite Québec. L’organisme invite ainsi les contribuables à tenir compte, dans leur planification financière, « de l’âge que vous avez atteint plutôt que de l’espérance de vie à la naissance, qui suppose des risques de décès à des âges que vous avez déjà dépassés ». Il faut savoir que plus une personne vieillit, plus l’âge qu’elle peut espérer atteindre augmente.
C’est pourquoi « prévenir le risque de survie doit être synonyme de demeurer conservateur dans ses projections de revenus de retraite », estime Pascal Larivière, planificateur financier et directeur de division à IG Gestion de patrimoine.
Si plusieurs prévoient dépenser davantage lors de leur retraite active — de 60 à 75 ans, par exemple —, c’est le rôle du conseiller de rappeler que certaines dépenses prévues pour les loisirs pourraient éventuellement devoir être converties en dépenses de santé, de soins ou encore pour emménager dans une résidence avec services, indique Pascal Larivière.
Pour cette raison, il a tendance à favoriser, comme indicateur, « une espérance de vie minimale de 95 ans pour un couple âgé d’environ 60 ans aujourd’hui ».
Pascal Larivière est toutefois d’avis qu’en matière d’élaboration de projections de revenus de retraite, l’outil « fondamental » à privilégier est la table de probabilité de survie contenue dans les Normes d’hypothèses de projection de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).
Publiées chaque année par l’IQPF et FP Canada, ces Normes présentent des données telles que l’espérance de vie et la durée raisonnable de décaissement selon différents âges. Elles « se veulent un guide et sont tout indiquées pour préparer des projections financières à long terme, soit plus de 10 ans, en évacuant les possibles biais cognitifs du conseiller », explique Martin Dupras. Il est l’un des créateurs de cet outil dont la genèse remonte à 2008, en compagnie des planificateurs financiers Nathalie Bachand et Daniel Laverdière.
La mise à jour annuelle de ces données considère de multiples sources externes, incluant les hypothèses utilisées pour l’analyse actuarielle du Régime de rentes du Québec, et celles utilisées pour l’évaluation actuarielle du Régime de pensions du Canada.
Le recours à ce type d’indicateur facilite l’élaboration de projections tenant compte de la situation financière, du style de vie souhaité et des antécédents familiaux de l’individu, mentionne Pascal Larivière. Il suggère généralement qu’une révision des projections financières de celui-ci soit effectuée chaque année.