Au cours des cinq dernières années, près de 50 milliards de dollars ont été investis au Québec par l’industrie du capital d’investissement. (Photo: 123RF)
Un texte d’Olivier Quenneville, PDG à Réseau Capital
COURRIER DES LECTEURS. La récente décision du gouvernement fédéral d’augmenter le taux d’inclusion des gains en capital et la décision du gouvernement du Québec de le suivre dans cette voie viennent pénaliser de nombreux entrepreneurs et nuisent à la nécessaire prise de risque qui vient alimenter la création d’entreprises innovantes.
L’industrie du capital d’investissement, qui regroupe les acteurs du capital de risque et du capital de développement, joue un rôle primordial dans la croissance et le financement de ces entreprises au Québec. Au cours des cinq dernières années, près de 50 milliards de dollars ont été investis au Québec par l’industrie du capital d’investissement. Ces investissements visent à supporter et à faire croître les entreprises innovantes et viennent aussi appuyer de nombreux projets qui contribuent à améliorer la productivité et la compétitivité des entreprises d’ici.
Dans une récente analyse de notre Centre d’expertise sur le dynamisme comparé de notre écosystème, un des éléments qui est ressorti pour stimuler tout écosystème technologique est «l’effet boule de neige». On entend par effet boule de neige le recyclage des talents et de la richesse au fur et à mesure que le nombre d’entreprises technologiques à succès s’accroît. Les entrepreneurs à succès démarrent de nouvelles entreprises et réinvestissent une portion de leur capital dans ces nouvelles entreprises ou soutiennent une nouvelle génération d’entrepreneurs comme anges investisseurs et comme mentors, ou encore lancent eux-mêmes leur propre fonds de capital d’investissement. Ce processus cumulatif est un facteur de succès important des écosystèmes d’entreprises technologiques en démarrage et vient aussi supporter l’investissement dans des entreprises à des stades plus avancés de développement.
Or, en taxant davantage les gains en capitaux, les gouvernements viennent limiter sérieusement l’incitatif à ce recyclage de richesse, en plus de favoriser l’exode de talents vers nos voisins du Sud, où certains États présentent des mesures fiscales beaucoup plus avantageuses. Il y avait là une occasion pour le Québec de se démarquer en offrant des conditions qui sont davantage propices au déploiement des capitaux privés dans notre économie. Rappelons que la réduction du taux d’inclusion des gains en capital visait, entre autres, à faciliter l’accès au capital et à récompenser la prise de risque inhérente à tout projet entrepreneurial.
Le Québec a résolument progressé au cours des dernières années en matière d’entrepreneuriat technologique. Nous misons actuellement sur des expertises de pointe en intelligence artificielle, en technologies quantiques, en sciences de la vie et autres pour développer des créneaux d’excellence. Nous pouvons également nous vanter d’avoir certains des meilleures universités et instituts de recherche au monde qui attirent des talents à l’échelle mondiale. De plus, dans des secteurs plus traditionnels, mais tout aussi importants de notre économie, des investissements massifs seront nécessaires pour améliorer notre productivité et pour accompagner les projets de repreneuriat. Le capital d’investissement est un vecteur important de financement pour stimuler cette croissance.
L’enjeu ici dépasse notre seule industrie. En effet, ce sont l’ensemble des projets entrepreneuriaux qui misent sur l’apport en capital et en expertise qui seront pénalisés, dans un environnement qui est déjà beaucoup plus complexe qu’il y a quelques années à peine.
Le gouvernement du Québec a su démontrer au courant des dernières années qu’il comprenait le rôle que peut jouer notre industrie, notamment avec la mise en œuvre de la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation. Nous aurions souhaité que cette compréhension se traduise de nouveau afin que nous puissions continuer d’appuyer pleinement l’entrepreneuriat au Québec.
Il n’est pas trop tard pour revoir cette décision et encourager un environnement d’affaires qui encourage et récompense la prise de risque, l’innovation, l’investissement et la création de valeur au Québec.