Un marché mondial plus difficile pour les exportateurs en 2020
François Normand|Édition de Décembre 2019Le Brexit et l'incertitude entourant la future relation entre le Royaume-Uni et l'UE ont refroidi les ardeurs des exportateurs. (Getty Images)
PERSPECTIVE DES MARCHÉS ÉTRANGERS. Après une croissance moyenne de 5 % par année de 2014 à 2018, les exportations du Québec devraient ralentir à quelque 4 % en 2020, selon les estimations du ministère québécois de l’Économie et de l’Innovation (MEI). La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ainsi que le ralentissement de l’économie mondiale sont en cause.
Plusieurs indicateurs confirment les prévisions du Ministère, dont ceux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui ont été révisés à la baisse en octobre. Ainsi, le transport de marchandises augmentera de 1,9 % en 2019 – au lieu des 2,6 % annoncés en avril -, tandis qu’il progressera de 2,7 % en 2020 (au lieu de 3 %), selon l’OMC.
La dégringolade du Baltic Dry Index (BRI) depuis le mois de septembre témoigne aussi du ralentissement mondial, car cet indice mesure principalement le dynamisme du transport de minerais, de charbon et de céréales. Or, depuis son sommet de 5 ans, atteint le 4 septembre, à 2 518, il a fondu de moitié à 1 260, le 20 novembre.
Une source spécialisée en commerce international au MEI – qui n’est pas autorisée à parler publiquement aux médias – souligne que les perspectives mondiales pour les exportateurs québécois sont toutefois inégales d’une région à l’autre.
Ainsi, la croissance économique est toujours au rendez-vous aux États-Unis et dans les principales économies asiatiques. En 2020, le PIB américain progressera de 2,1 %, tandis que celui de la Chine augmentera de 5,8 %, prévoit le Fonds monétaire international (FMI). En revanche, la zone euro, qui regroupe 19 pays, affichera une croissance de 1,4 %.
Recul des exportations du Québec vers l’UE
La situation est d’ailleurs préoccupante en Europe, car elle un impact sur les exportations de marchandises du Québec. De janvier à octobre, celles-ci ont reculé de 7,7 % par rapport à la période correspondante l’an dernier, selon les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).
Un constat d’autant plus étonnant qu’il survient malgré l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (UE), en vigueur depuis 2017.
Trois facteurs peuvent expliquer ce recul, selon la source spécialisée du MEI. La croissance est faible, surtout en Allemagne – le moteur économique de l’Europe -, qui est presque en récession. Les exportations d’avions du Québec dans le marché européen sont également moins élevées qu’en 2018. Enfin, le Brexit et l’incertitude entourant la future relation entre le Royaume-Uni et l’UE ont refroidi les ardeurs des exportateurs.
Christian Sivière, président de Solimpex, une firme de consultants qui aide les exportateurs québécois, pense que le recul des exportations du Québec vers l’UE tient aussi à une méconnaissance du marché européen.
«Il y a peut-être une certaine déception de nos exportateurs qui ont cru, à tort, que l’AECG avait harmonisé les normes et qu’il allait donc être facile d’attaquer ce marché. En fait, il n’y a aucune harmonisation des normes dans l’accord, mais simplement des ententes de reconnaissance mutuelle et de transparence», précise-t-il.
Par conséquent, le Canada et l’Europe conservent leurs normes respectives sur des produits tels que les aliments, les produits électriques, électroniques et industriels, sans parler des jouets. Or, «respecter ces normes prend du temps et donc de l’argent», insiste M. Sivière. Des barrières non tarifaires sont donc toujours présentes.
Qui sera le prochain président des États-Unis ?
Les États-Unis devront être sur l’écran radar des exportateurs québécois en 2020, principalement en raison de l’élection présidentielle en novembre, souligne Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ).
«Le résultat pourrait avoir un impact sur l’économie américaine et sur notre capacité d’exporter aux États-Unis», rappelle-t-elle.
De janvier à août dernier, les exportations québécoises au sud de la frontière ont augmenté de 3,8 % par rapport à la même période l’an dernier, selon l’ISQ. Depuis 2010, elles ont en progression constante. À l’exception de 2016, année électorale américaine où elles ont reculé de 4 %.
Selon Mme Proulx, la réélection de Donald Trump signifierait la poursuite des politiques protectionnistes des États-Unis, dont le Canada a fait les frais avec la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), devenu l’Accord Canada- États-Unis-Mexique (ACEUM).
L’élection d’un président ou d’une présidente démocrate serait-elle du reste nécessairement favorable aux exportateurs québécois ?
Plusieurs analystes estiment que les démocrates seront également protectionnistes, car ils sont traditionnellement près des syndicats. De plus, c’est l’administration Obama (2009-2017) qui a renforcé les règles du Buy America Act (concernant le transport public) et du Buy American Act (concernant les achats du gouvernement fédéral). Des législations qui ont compliqué la vie de bien des exportateurs canadiens.
Malgré tout, depuis les décennies 1950 et 1960, l’économie canadienne se porte mieux quand les administrations démocrates dirigent les États-Unis, selon les travaux de Pierre Martin, professeur de science politique et chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM).
Pourquoi ? Essentiellement parce que les politiques publiques des démocrates stimulent généralement la demande interne. Les Américains consomment plus, notamment les biens et les services en provenance du Canada. Donc, exportés du Canada.