«Deux ans plus tard, on ne regrette pas de l’avoir fait, et on se rend compte qu’on est super bien alignés avec la tendance du marché», explique Geneviève Roy, vice-présidente à l’environnement et au développement durable chez Pomerleau. (Photo: courtoisie)
NORMES ESG: 2024 SERA UNE ANNÉE CHARNIÈRE. Le secteur de l’immobilier est déjà en train de se transformer au rythme des changements climatiques et certaines entreprises prennent les devants pour être portées par la vague.
C’est notamment le cas de Pomerleau. L’entreprise de construction de Saint-Georges-de-Beauce a produit son premier rapport intégré cette année (un seul rapport qui contient le volet financier et les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance), trois ans après avoir mis sur pied sa Division d’environnement et de développement durable.
L’entreprise a décidé de se fixer une cible de réduction de -40 % de ses émissions de GES d’ici 2040. La vice-présidente à l’environnement et au développement durable, Geneviève Roy, indique que Pomerleau a dû modéliser toutes ses émissions et établir comment les réduire : électrifier sa flotte d’équipement et obtenir une plus grande efficacité énergétique de ses équipements.
« Quand j’ai commencé en 2020, environ 36% de nos projets étaient des projets verts, donc des projets qui visent des certifications ou qui ont des exigences en environnement, explique Geneviève Roy. Un an après, c’était la moitié de notre portefeuille de bâtiments, et en 2022, c’étaient 65% de nos projets de bâtiments. Il y a clairement une tendance exponentielle de nos clients publics et privés à livrer des projets qui sont forts d’un point de vue social et environnemental. Il fallait qu’on réagisse pour nous adapter à cette demande-là. »
En plus de répondre aux valeurs des employés et de la direction, le virage vert de Pomerleau a permis de répondre aux exigences de ses clients et investisseurs, notamment la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui possède des engagements forts en développement durable.
« Pour la direction, c’était juste la bonne chose à faire, explique Geneviève Roy. C’était aligné avec la culture et les valeurs de l’entreprise et il y a un désir profond au sein de la direction de laisser un legs durable. Deux ans plus tard, on ne regrette pas de l’avoir fait, et on se rend compte qu’on est super bien alignés avec la tendance du marché. »
Effets sur les FPI
S’il y a un secteur d’investissement qui suit de près la réglementation liée aux changements climatiques, c’est celui de l’immobilier locatif, particulièrement les fonds de placement immobilier (FPI), affirme le cofondateur et directeur financier de Clearsum, François Senez.
« Les FPI risquent d’être aux premières lignes avec les normes S1 et S2, car ils sont cotés en Bourse, remarque-t-il. Ils font déjà des projections à partir de données actuelles. Les vagues de chaleur augmentent les coûts en énergie et s’ils ne les prévoient pas, ç’a un gros impact sur le flux de trésorerie et le prix de l’action. Beaucoup de FPI se préparent. Nous avons effectué des plans de décarbonation chiffrés pour certains, ce qui implique entre autres des investissements et des coûts en dépenses d’investissement. »
Les propriétaires d’immeubles locatifs vont beaucoup travailler sur l’efficacité énergétique des bâtiments, mentionne-t-il. Un investissement pour réduire les GES génère également certaines économies.
« Ce n’est pas seulement un coût irrécupérable, plaide-t-il. Il faut aussi le voir comme un investissement, même s’il y a un élément réglementaire rattaché à ça. »
Réglementation déjà en place
Les propriétaires d’immeubles québécois n’ont pas eu à attendre l’arrivée des normes du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (International Sustainability Standards Board ou ISSB) pour devoir faire face à des obligations de divulgation d’émissions de GES, souligne François Senez.
À Montréal, le Règlement sur la divulgation et la cotisation des émissions de GES obligeait, en 2022, tous les propriétaires de bâtiments de plus de 15 000 mètres carrés de superficie de plancher et qui ne comportaient pas exclusivement des logements à faire une divulgation de leurs émissions. En 2023, la superficie minimale est passée à seulement 5000 mètres carrés et inclut désormais les édifices de 50 logements et plus.
En 2024, le règlement touchera tous les bâtiments de plus de 2000 mètres carrés de superficie de plancher et les édifices de 25 logements ou plus.
« Éventuellement, Montréal fera peut-être comme à New York ou à Seattle, où ils ont également des cibles de réduction, prévient François Senez. Ça aurait alors une incidence sur le flux de trésorerie et les rendements des propriétaires. La réglementation municipale, c’est non négligeable en immobilier. »