«Si vous êtes un fabricant de fauteuils roulants, vous pourrez intégrer notre système de capteur pour permettre à un usager de commander [mentalement] les roues de sa chaise», explique Barclay Knapp, PDG d’AAVAA. (Photo: 123RF)
MARCHÉ DES AÎNÉS. L’entreprise AAVAA a développé un dispositif capable de détecter et surtout d’interpréter les mouvements de la tête et du visage d’un utilisateur. Le premier usage de cette technologie : aider une personne à mobilité réduite à contrôler son environnement d’un simple mouvement de tête ou d’un clignement des yeux. Ce n’est que la pointe de l’iceberg des applications projetées par la jeune pousse montréalaise fondée par Naeem Komeilipoor en 2019.
À l’origine du projet, l’ingénieur entrepreneur désirait résoudre le problème de l’« effet cocktail party » — qui empêche les personnes malentendantes de comprendre leur interlocuteur dans un endroit bruyant. « Quand j’étais jeune, je me souviens que mes grands-parents devaient retirer leur appareil auditif dans les réunions de famille, car ils ne pouvaient rien entendre. Et lorsque j’ai revu ma grand-mère, plus récemment, je me suis rendu compte qu’elle ne pouvait toujours pas m’entendre, malgré les progrès de la technologie », explique le spécialiste en neuroscience et en sciences biomédicales, aujourd’hui chef de la technologie d’AAVAA.
Lors d’une résidence entrepreneuriale dans l’incubateur TandemLaunch en 2019, Naeem Komeilipoor a l’idée d’utiliser l’orientation de la tête ainsi que les mouvements faciaux pour savoir où l’usager concentre son attention. « Les mouvements de la tête et du visage nous donnent des informations indirectes de ce qui se passe dans le cerveau », explique l’ingénieur-entrepreneur, qui a par la suite développé un algorithme pour interpréter ces précieux signaux faciaux.
Or, il s’avère que le flash initial d’interpréter le mouvement de la tête et du visage a plusieurs applications qui dépassent la simple prothèse auditive. Le système de capteur d’AAVAA a été intégré dans une lunette, un casque d’écoute, un bracelet et un écouteur intra-auriculaire (en développement). « Le premier marché à notre portée est celui de l’industrie de l’assistance technologique », explique Barclay Knapp, qui s’est joint au projet à titre de PDG d’AAVAA. Les aînés ayant des problèmes de mobilité peuvent porter le dispositif pour ainsi envoyer des commandes — par un mouvement de tête ou un clignement des yeux — à leur environnement, que ce soit à une tablette, un ordinateur, une chaise motorisée ou dans un contexte de maison intelligente, détaille-t-il.
Barclay Knapp appelle cette innovation la « souris mentale » (thought mouse). C’est le premier produit qui sera commercialisé, et ce, dès ce mois de mai. « Nous visons un marché d’entreprises qui pourront l’intégrer dans leurs solutions d’assistance [à la mobilité], explique-t-il. Si vous êtes un fabricant de fauteuils roulants, vous pourrez intégrer notre système de capteur pour permettre à un usager de commander [mentalement] les roues de sa chaise. »
Dans ce marché, poursuit-il, la majorité des solutions sont axées sur des systèmes coûteux de caméra qui doivent être ajustés et qui ont une efficacité limitée. « Quand nous avons présenté notre technologie à la conférence ATIA (Assistive Technology Industry Association) d’Orlando en 2023, les gens étaient époustouflés.
Surveiller l’état de santé
La seconde application que développe AAVAA est le projet initial de Naeem Komeilipoor, soit de concevoir une prothèse auditive intra-auriculaire capable d’amplifier les paroles de l’interlocuteur vers lequel l’utilisateur concentre son attention tout en supprimant les bruits de fond. « Notre technologie fonctionne depuis un certain temps déjà, mais dans un casque d’écoute, explique Barclay Knapp. Il nous reste maintenant à la miniaturiser pour une aide auditive qui s’insère dans l’oreille.»
La troisième application pouvant directement s’adresser aux aînés est un dispositif de surveillance de l’état de santé d’un usager. « Les signaux que nous détectons nous donnent de l’information sur la santé mentale et cognitive de l’utilisateur, explique Naeem Komeilipoor. Par exemple, nous pouvons suivre le sommeil, le niveau de stress, la fatigue et ainsi de suite. » L’Agence spatiale canadienne a déjà manifesté son intention d’utiliser cette technologie pour surveiller l’état de santé des astronautes du programme de voyage lunaire Artemis.
Pour développer de tels produits innovants, AAVAA se situe à cheval entre le monde entrepreneurial et le milieu de la recherche universitaire. « Nous avons 11 employés à temps plein, dit Barclay Knapp. Des consultants testent notre technologie à Vancouver et à Toronto. Puis, grâce aux différentes bourses de recherche, nous collaborons avec des chercheurs postdoctoraux, un détenteur d’un Ph.D. et un professeur de l’Université de Queens. »
Les dirigeants de AAVAA saluent également le dynamisme de l’écosystème montréalais entourant les technologies très innovantes (deep tech). « Cet écosystème est très bon pour financer des entreprises dès les premiers stades de développement des prototypes. Depuis trois ans, nous avons reçu du financement de TandemLaunch, d’Anges Québec et d’AQC Capital. C’est ce qui explique le succès que nous avons maintenant. »