Cachez ces appareils adaptés que je ne saurais voir
Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑septembre 2020Un des défis des vendeurs d'équipements médicaux est de faire connaître l'éventail de produits qui existent sur le marché. (123RF)
MARCHÉ DES AÎNÉS. D’ici 2030, une personne sur quatre au Québec aura 65 ans et plus. L’appellation «aînés» agace cependant cette génération, dont une majeure partie ne se sent pas âgée et souhaite poursuivre ses activités comme si de rien n’était. Comment s’adaptera le marché pour leur offrir des produits qui répondent à leurs besoins sans en avoir l’air ?
Danielle L’Écuyer, 72 ans, souffre d’ostéoporose depuis quelques années. Pour sortir du lit et se déplacer dans la maison, elle utilise une marchette fixe, dont elle a recouvert les skis avec de beaux chaussons de bébé.
Au moment de sortir de la maison, elle a un choix de quatre cannes : deux cannes fleuries pour l’été, une canne avec des crampons pour l’hiver, et une canne noire – pas vraiment à son goût – offerte par un ancien résident de son immeuble. «Je ne suis pas encore prête à me promener avec une canne noire», avoue-t-elle. Elle conserve celle-ci dans la voiture, au cas où elle perdrait sa canne principale.
On sent bien sûr une certaine coquetterie chez elle. Mais ce qu’on remarque surtout, en apprenant son histoire, c’est sa détermination à maintenir sa mobilité malgré la maladie qui progresse. Lorsqu’elle a subi une fracture de la colonne vertébrale, à l’âge de 63 ans, elle a insisté pour aller en réhabilitation afin de marcher à nouveau, alors que les médecins la destinaient à un fauteuil roulant.
Question d’autonomie
Au fil des ans, la dame de Longueuil s’est pourvue des équipements adéquats pour continuer de cuisiner, de faire ses courses et de participer à ses activités de bénévolat. «Je crois qu’il faut faire tout en son possible pour maintenir son autonomie le plus longtemps possible», dit-elle.
Encore aujourd’hui, Danielle L’Écuyer demeure à l’affût de nouveaux équipements qui pourraient lui être utiles au quotidien. «Mes filles m’ont offert le plus beau des cadeaux ; il s’agit d’un portrait fonctionnel. Une thérapeute est venue analyser mon logement afin de me suggérer des équipements qui pourraient m’aider au quotidien.» La thérapeute a proposé d’installer un rehausseur de deux pouces sur la toilette et de retirer les roulettes du lit, pour en abaisser la hauteur.
Un des principaux défis des vendeurs d’équipements médicaux est effectivement de faire connaître l’éventail de produits qui existent sur le marché. «Parfois, on reçoit des clients qui ont un problème, mais qui n’ont aucune idée qu’un produit existe pour les aider», constate Jean-François Renaud, conseiller en équipements médicaux chez Médicus.
Un objet simple, comme une pince de préhension ou un mobilier plus costaud, comme un fauteuil autosouleveur, peuvent servir à faciliter la vie d’un utilisateur, tout en s’intégrant discrètement dans le décor du salon. «C’est notre travail de faire découvrir ces produits-là à nos clients, afin de rendre leur quotidien plus agréable», précise-t-il.
Sarah Morin, thérapeute en physiothérapie et fondatrice de la clinique Physiothérapie S.Mobile, renchérit : «Trop souvent, on passe directement de la marchette au fauteuil roulant, alors qu’il y a toute une gradation d’aides techniques à explorer.»
Elle cite en exemple un «verticalisateur», qui permet de se relever par son propre effort et un «disque de transfert», qui sert à passer du fauteuil roulant à la toilette ou au siège de voiture. «Ces équipements permettent de faire travailler les jambes et de maintenir l’autonomie», explique la thérapeute.
Depuis deux ans, le site de vente en ligne Eugeria s’est donné le mandat de faire découvrir aux aînés québécois des produits s’attaquant aux problèmes cognitifs. «Il y a beaucoup d’innovation qui se fait dans le monde, dit sa cofondatrice, Valérie Larochelle. Nous, on se donne l’objectif d’amener ces produits au Québec et de les démocratiser, en traduisant les instructions en français. Nous choisissons des produits qui sont dignes, utiles et innovants.»
De manière générale, les fabricants et les distributeurs d’équipements médicaux déploient désormais beaucoup d’efforts pour adapter leurs produits au degré réel d’autonomie de la personne. Ce faisant, ils augmentent leur chance d’offrir un produit qui s’intègre facilement au quotidien des utilisateurs, tout en passant inaperçu.
Un baume pour l’âme
Depuis quelques années, l’esthétique des équipements médicaux est un autre cheval de bataille de cette industrie. «Le design des produits a beaucoup évolué, souligne Jean-François Renaud. Les ambulateurs sont plus légers, plus ergonomiques ; ils présentent de belles formes et un choix de couleurs.»
De l’aveu du conseiller, l’esthétique n’est toutefois pas le premier souci de la clientèle qui entre en magasin pour acheter ce genre d’équipement. Leurs questions vont surtout porter sur le prix et les fonctionnalités. Un design agréable peut toutefois aider à l’adoption des produits, croit-il.
«Plusieurs clients n’ont pas fait le deuil de leur mobilité ; ils ne se voient pas utiliser des équipements médicaux qui leur rappellent un environnement hospitalier. Si on peut leur proposer des équipements qui redonnent le sourire, par leur couleur et leur design, je crois que ça peut les aider à accepter leur nouveau degré de mobilité.»