PDG de l'année 2023 - Moyenne entreprise | Anik Trudel, une ambition collective


Édition du 22 Novembre 2023

PDG de l'année 2023 - Moyenne entreprise | Anik Trudel, une ambition collective


Édition du 22 Novembre 2023

Par François Normand

Cette volonté inébranlable de changer les choses et de sortir des sentiers battus a toujours animé Anik Trudel. (Photo: Martin Flamand)

LES PDG DE L'ANNÉE 2023. Oubliez la fausse modestie: Anik Trudel, cheffe de la direction chez Lavery, dit toute la vérité et rien que la vérité lorsqu’elle affirme qu’elle n’a pas d’ambition pour elle-même. En revanche, elle en a à revendre pour son équipe et le cabinet d’avocats qu’elle dirige depuis 2017, dont elle veut faire l’un des leaders de la transformation de l’industrie juridique au Québec. Rien de moins.

«Je suis très ambitieuse pour l’organisation, mais l’ambition personnelle n’est pas ce qui me motive dans la vie, dit-elle en entrevue dans une salle de conférence au 40e étage de la Place Ville Marie, donnant sur la Rive-Sud de Montréal. Moi, ce qui me nourrit, c’est la progression des gens autour de moi, de mes équipes immédiates, de mes équipes élargies et du cabinet.»

Son leadership et ses efforts pour transformer le modèle d’affaires du cabinet fondé en 1913 a plu aux membres du jury de notre concours PDG de l’année, qui lui ont décerné un prix dans la catégorie Moyenne entreprise.

Une anecdote méconnue à propos d’Anik Trudel — alors qu’elle était une avocate, au début de la vingtaine — témoigne de son souci pour le bien-être collectif, qui a toujours été au cœur de ses préoccupations et de ses ambitions.

À l’époque, elle s’intéresse aux écrits de Matthieu Ricard, un moine bouddhiste tibétain devenu l’interprète français du Dalaï-Lama.

En marge d’un séjour du moine venu à Montréal pour donner une conférence, la jeune avocate réussit à le rencontrer. Avec un groupe de Québécois, elle l’aide alors à organiser une campagne de financement afin de construire une école au Népal.

Chaque fois que Matthieu Ricard vient au Québec, ce même groupe organise des soupers privés afin de financer ce projet. Les efforts portent leurs fruits : le groupe récolte assez d’argent pour construire l’école qu’Anik Trudel ira d’ailleurs visiter avec le moine tibétain une fois qu’elle sera ouverte.

«Ce que ça dit sur moi, c’est que rien n’est impossible, c’est une conviction profonde que j’ai», dit cette dirigeante très atypique dans l’industrie juridique, car elle n’est ni associée ni membre du Barreau du Québec.

De 1986 à 2006, Anik Trudel a certes été avocate chez Stikeman Elliott. Par la suite, elle a toutefois travaillé en relations publiques et agi à titre de porte-parole dans des entreprises jusqu’en 2017, année où le conseil d’administration de Lavery l’a recrutée afin « de briser les schémas traditionnels » du cabinet.

 

Un cabinet précurseur en IA

Cette volonté inébranlable de changer les choses et de sortir des sentiers battus a toujours animé cette « leader transformationnelle », comme elle se décrit dans son dossier de candidature.

Par exemple, dès son arrivée en poste en 2017, elle crée le Laboratoire Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA), alors qu’on parlait relativement peu d’IA à l’époque, à commencer dans le secteur juridique.

Cette innovation a permis d’analyser toutes les possibilités de l’IA dans les services juridiques du cabinet, qui a des bureaux à Montréal, à Québec, à Trois-Rivières et à Sherbrooke, et qui emploie un total de 481 employés.

Fort de cette expertise, l’entreprise a d’ailleurs pu lancer rapidement, en 2023, Lavery GPT. Il s’agit d’une version maison du fameux algorithme ChatGPT, qui a été créée par une équipe interne du cabinet, qui compte notamment des physiciens et des ingénieurs informatiques.

Cette connaissance de l’IA procure une valeur ajoutée aux services juridiques de Lavery.

Par exemple, Lavery peut élaborer plus facilement la structure et la négociation d’une fusion et acquisition, sans parler des relations commerciales complexes à venir entre deux entreprises. Cette connaissance aide aussi le cabinet à mieux accompagner ses clients qui doivent eux-mêmes évaluer, sélectionner et déployer des solutions technologies basées sur l’IA.

En 2018, la gestionnaire a aussi amorcé une autre petite révolution interne, en instaurant le concept de Réseau Lavery. L’objectif était de faire voler en éclat la culture de silos qui prévalait à l’époque au sein du cabinet et qui minait son plein potentiel de croissance.

«Le concept de Réseau Lavery, c’est que peu importe où tu te trouves physiquement, territorialement, on regarde la compétence et le talent au service du client. On fait donc partie tout un chacun du même réseau», dit-elle, en soulignant que cette stratégie renforce l’esprit d’équipe.

Ces innovations technologique et organisationnelle — accompagnées d’une nouvelle image de marque qui reflète l’ambition, lancée 2022 — donnent des résultats intéressants.

Depuis son arrivée en poste, Lavery a connu une croissance importante. D’abord, en matière de revenus, que Les Affaires a accepté de garder confidentiels. Également en main-d’œuvre : le cabinet a embauché 86 employés au cours des 12 derniers mois, soit une hausse de 18%.

 

Penser Lavery en 2026

Loin de s’asseoir sur ses Lauriers, Anik Trudel regarde en avant afin que Lavery puisse gérer ses risques et saisir les occasions de manière optimale, tout en offrant la meilleure expérience possible à ses clients.

Son équipe et elle ont amorcé une profonde réflexion à ce sujet, dont la bougie d’allumage est la fin du bail au bureau de Montréal, en 2026, à la Place Ville Marie. On ne parle pas ici d’un déménagement, mais plutôt d’une nouvelle façon de réaménager les espaces de bureaux.

«Il y a des habitudes qui ont fondamentalement changé» depuis le début depuis la pandémie de COVID-19, au chapitre du télétravail et des espaces destinés au bureau, explique Anik Trudel.

À ses yeux, le défi est de trouver un juste équilibre entre la volonté du personnel de travailler à distance et la nécessité de se retrouver ensemble, en personne, au bureau — actuellement, c’est deux jours par semaine.

Cet équilibre est vital pour la création collective, dans une industrie où les gens sont en même temps très autonomes, fait remarquer Anik Trudel.

«Pour moi, quand je pense à 2026, c’est vraiment de conjuguer le vivre-ensemble et le faire ensemble. Comment on va moduler ça? On a une belle occasion avec ce projet-là de créer l’environnement qui va nous soutenir pour les 10 à 15 prochaines années.» 

 


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