La surveillance des travaux de construction n'est pas obligatoire au Québec. (Photo: 123RF)
INGÉNIEURS. Bien que la surveillance des travaux de construction ne soit pas obligatoire au Québec, contrairement à d’autres provinces canadiennes, l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) et l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG) la recommandent fortement, afin de s’assurer que les infrastructures sont durables et respectueuses des normes en vigueur.
«Même si le gouvernement souhaite accélérer le processus [avec le projet de loi 66] et que certains promoteurs cherchent à faire des économies, nous croyons que la surveillance des travaux est un investissement et non une dépense, car une bonne inspection permet souvent de corriger à la source des problèmes qui auraient pu générer d’importants coûts de réparation à court ou à moyen terme», explique la présidente de l’OIQ, Kathy Baig. Elle pense notamment à une armature d’acier mal placée dans une structure de béton – lui-même réalisé avec les composantes nécessaires pour assurer sa durabilité -, des caractéristiques impossibles à voir une fois le projet terminé.
Sans compter que, selon le PDG de l’AFG, André Rainville, la surveillance n’allonge pas beaucoup le processus. «C’est une opération qui se fait assez rapidement et qui ne demande pas un gros investissement. Une inspection par un spécialiste certifie que l’ouvrage est de qualité et devrait durer de nombreuses années.»
Un plan bien détaillé
Selon le Guide de surveillance des travaux de l’OIQ, cette supervision permet de vérifier la qualité des matériaux et des travaux, de donner des avis au maître d’ouvrage et d’inspecter les travaux. Le cas échéant, elle permet d’établir une liste des déficiences, de produire «des attestations de conformité» et de documenter l’évolution de la réalisation des travaux.
Kathy Baig signale qu’il y a beaucoup de donneurs d’ouvrage différents, et que la qualité des infrastructures publiques ne devrait pas être laissée à leur discrétion. «Normalement, il n’y a pas de problème avec les plus gros projets où la surveillance est généralement incluse dans les appels d’offres. J’ai davantage de craintes pour les petits projets que les promoteurs considèrent à faible risque», précise-t-elle.
«Le gouvernement devrait rendre la surveillance des travaux obligatoire pour garantir la qualité de nos infrastructures», renchérit la présidente de l’OIQ. Plusieurs autres associations du domaine ont exprimé le même souhait, dont l’AFG, qui souligne que cela permettrait de s’assurer d’une réalisation conforme aux plans et aux devis, ainsi que de la satisfaction des attentes du client. Bien que la surveillance des travaux soit généralement réalisée dans les projets d’infrastructure publique québécois, l’AFG estime qu’il faudrait la rendre obligatoire et systématique pour tous les donneurs d’ouvrage «afin de renforcer cette fonction d’importance pour la qualité et la durabilité des ouvrages».
Adopté fin septembre, le projet de loi 29 englobe un grand nombre de modifications au Code des professions, notamment à la Loi sur les ingénieurs. Si l’OIQ se réjouit de l’adoption du projet de loi, il aurait souhaité que le gouvernement en profite pour rendre obligatoire la surveillance des travaux, ce qui aurait selon lui permis d’envoyer un signal plus clair au sujet de la qualité de la construction au Québec.
Intégrité et bonnes pratiques
Même si les deux organismes estiment que le niveau d’activité sera plus élevé dans leur domaine au cours des prochains mois qu’avant le début de la pandémie, ils ne croient pas qu’il s’agisse d’une occasion pour les ingénieurs de redorer le blason de leur profession éclaboussé par la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, mieux connue sous son diminutif de commission Charbonneau.
«Ça fait longtemps que nous avons mis en place des mécanismes pour nous assurer du respect des règles d’éthique. La ligne 1-877-ÉTHIQUE, par exemple, existe depuis 2010. Elle nous permet de recevoir des signalements et c’est un bel outil de prévention», affirme Kathy Baig, en soulignant que l’Ordre y reçoit entre 300 et 400 appels par année. Une autre une ligne a été créée pour prodiguer des conseils professionnels aux ingénieurs.
«L’intégrité et les bonnes pratiques sont au coeur de notre action», assure Kathy Baig, qui rappelle que les règles sont édictées dans les appels d’offres. «C’est là qu’il faut surveiller pour s’assurer d’avoir des produits de qualité. Et nous aimerions que les appels d’offres fassent plus de place à l’innovation afin d’obtenir le maximum en matière de qualité pour nos infrastructures».
André Rainville rappelle que c’est le gouvernement qui édicte le cadre normatif entourant les travaux d’infrastructure. Et le président de l’AFG ne croit pas que le fait d’accélérer le déroulement des projets de construction ouvrira la porte au non-respect des règles d’éthique. «Il n’y a aucun doute dans mon esprit que ces règles seront respectées. Nos actions sont transparentes et nous prônons une reddition de comptes envers la collectivité afin de maintenir la confiance du public à l’égard de notre industrie», clame-t-il.