Les firmes en forte croissance ont subi d’importantes pertes de personnel avec la pandémie. Toutefois, un vent de reprise souffle depuis le début de l’année. (Photo: Christina @ wocintechchat.com)
INGÉNIEURS. Si le nouveau classement des Grands de l’ingénierie Les Affaires 2021 met une chose en évidence, c’est à quel point la pandémie a frappé durement ce secteur, forçant les firmes de génie à faire preuve de «résilience» et d’«agilité», de leurs propres dires.
Dans notre précédent classement, en 2019, tous les indicateurs étaient au vert. La quasi-totalité des firmes affichait un bilan d’effectifs positif. SNC-Lavalin, l’habituel meneur de ce classement, avait enfin stabilisé son nombre d’employés québécois, après avoir été en territoire négatif les cinq années précédentes. Certaines firmes — GCM Consultants, Bouthillette Parizeau, ASDR Canada et Hatch — connaissaient une progression fulgurante.
La pandémie aura en fin de compte brisé cet élan. Les firmes en forte croissance ont subi d’importantes pertes de personnel — GCM Consultants affiche un bilan de -17% et ASDR Canada, de -32% — ou alors elles ont fait du sur place — Bouthillette Parizeau est à -1% et Hatch, à +2%.
Stephen Authier, PDG d’ASDR Canada, confirme que la crise sanitaire a grandement ralenti les activités du secteur. «Tous les projets qui étaient en financement ont été retardés, que ce soit Nemaska Lithium, Stornoway ou d’autres.» Aucunement abattu, il entrevoit déjà une relance qui prend forme. «Nous avons des projets majeurs qui s’en viennent, représentant deux fois notre chiffre d’affaires normal, assure-t-il. Depuis quelques mois, nous embauchons de deux à trois nouvelles personnes par semaine.»
Même son de cloche du côté de Norda Stelo, qui a perdu 10% de ses employés entre 2019 et 2021. «Le contexte économique général et le climat d’incertitude ont forcé un certain repli pour traverser la tempête, ce qui a affecté le nombre de nos ressources», explique Stéphanie Gourde, vice-présidente aux talents, à la culture, à la stratégie et aux communications de la firme de génie mécanique et industriel basée à Québec.
Toutefois, la gestionnaire sent elle aussi un vent de reprise souffler depuis le début de l’année. «Le marché de l’emploi dans l’industrie du génie est en surchauffe et c’est très difficile de recruter, observe-t-elle. Or, nos embauches sont en croissance constante et nous pouvons maintenant dire que nous avons retrouvé le nombre d’effectifs que nous avions au début de 2020.»
SNC-Lavalin, qui continue de trôner au sommet du classement avec 3 000 employés au Québec et 38 000 dans le monde, a aussi été freinée dans son élan prépandémique. L’ascension boursière de l’automne 2019 s’est brutalement inversée en février 2020. Le fleuron québécois a dû laisser partir 12% de son personnel au Québec.
«Nous avons fait preuve d’agilité et de résilience face à cette pandémie, en prenant des mesures proactives pour protéger nos employés et assurer la continuité de nos activités», fait valoir Harold Fortin, directeur principal des communications externes mondiales de SNC-Lavalin.
Il fait aussi remarquer que la réduction de personnel est attribuable à la décision prise par la firme en 2019 de «sortir du modèle de contrat clé en main à prix forfaitaire», afin de se concentrer sur des projets mettant à contribution ses services d’ingénie. Un choix qui semble avoir porté ses fruits, puisque la firme basée à Montréal a retrouvé la rentabilité au premier trimestre de cette année.
Les «étoiles» du classement
Certains joueurs se tirent mieux d’affaire que d’autres. Bien installée en deuxième position du classement, la firme de stature internationale WSP Global, qui a récemment acquis sa concurrente Golder Associés, a vu ses effectifs québécois augmenter de 9% entre 2019 et 2021.
Troisième au classement, la firme lavalloise CIMA+ a maintenu une croissance de 11% de 2019 à 2021, soit 5,5% en moyenne par année, un résultat proche du 6% annuel moyen obtenu de 2014 à 2019.
Le président et chef de la direction, François Plourde, explique la progression constante de CIMA+ au fil des ans par un modèle d’affaires différent de ses concurrents directs. «La plupart des grandes firmes d’ingénierie sont des sociétés publiques; elles financent leur croissance par des fusions et des acquisitions, alors que nous, en étant privée, nous comptons davantage sur une croissance organique», avance-t-il. La firme veut aujourd’hui développer des talents en interne dans une perspective de relève actionnariale.
En 2019, FNX-INNOV avait fait une entrée remarquée dans le classement. Deux ans plus tard, elle affiche une augmentation spectaculaire de 50% de ses effectifs sur deux ans. Pour grandir aussi rapidement, la firme de génie-conseil montréalaise a fait l’acquisition du Groupe SM en 2018 et elle a fusionné avec AXOR Experts-conseils l’année suivante.
«Nous sommes toujours à l’affût d’équipes ou d’entreprises complémentaires à nos expertises actuelles, confirme Richard Hélie, président et chef de la direction de FNX-INNOV. Nous pouvons dire que nous sommes une entreprise en mode acquisition, selon les occasions qui se présentent.»
Il y a deux ans, la firme avait annoncé son intention d’étendre ses services à l’international. Qu’en est-il de ce projet? «La pandémie a retardé les signatures de contrats et le développement des dossiers chauds, notamment à cause des difficultés de déplacement», reconnaît Richard Hélie. Il croit toutefois être en mesure d’annoncer «de bonnes nouvelles» dans les semaines à venir.