Toutes les stratégies sont bonnes pour convaincre son personnel saisonnier de revenir chaque année. (Photo: 123RF)
INDUSTRIE DU SKI. Savoir recruter, c’est bien. Mais réussir à fidéliser le personnel saisonnier d’une année à l’autre constitue désormais l’exploit que visent les gestionnaires des stations de ski.
Depuis deux ans, la direction de la station Ski Saint-Bruno intensifie les activités de rassemblement à l’attention de ses employés et bénévoles, hiver comme été. Des 5 à 7 aux barbecues, en passant par des chansonniers… la direction établit un calendrier qui prévoit, au minimum, un événement festif aux pieds de ses pentes tous les deux mois. C’est sans compter le budget de quelques centaines de dollars qu’elle compte accorder à chacun des gestionnaires des diverses divisions pour l’organisation de sorties de loisirs externes (karting, d’arbre en arbre…) à l’attention de leurs employés respectifs.
« Au fil des ans, et plus particulièrement dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre, la rétention du personnel est devenue plus importante que le recrutement en soi. D’où cet investissement dans les activités de rassemblement », explique Michel Couture, propriétaire de la station située à moins de 20 km de Montréal.
Cette stratégie n’a rien de scientifique, poursuit-il. « N’empêche que ces événements nous permettent de conserver un lien constant avec notre personnel. Ce qui aide à la rétention de plus de 60 % des quelque 800 employés et 200 bénévoles dont nous avons besoin pour les opérations de la montagne chaque hiver », indique le gestionnaire. Le tout dernier privilège employé, offert pendant tout le mois de novembre, conviait ces derniers à venir faire changer leurs pneus à l’atelier de mécanique aux frais du patron.
Michel Couture croit aussi aux liens que doit entretenir sa station (qui fonctionne uniquement l’hiver) avec des entreprises saisonnières estivales des environs. Depuis trois ans, Ski Saint-Bruno chapeaute un regroupement d’une vingtaine de petites, moyennes et grandes entreprises qui favorisent les échanges de personnel entre elles et la montagne.
Cumuler les tâches
Le groupe Les Sommets, dont deux des cinq stations offrent des activités quatre saisons, parvient justement à retenir un noyau d’un peu plus de 150 personnes (soit près de 10 % des 1600 employés de l’entreprise) grâce à un cumul de plusieurs tâches à l’année, avise son directeur des ressources humaines, Simon Lemieux.
Ces personnes, explique-t-il, peuvent, par exemple, participer à la fabrication de la neige dès octobre jusqu’à Noël. Ces employés deviennent, par la suite, des préposés aux remontées jusqu’à la fermeture… et des opérateurs des manèges du parc F.U.N., dont l’ouverture coïncide avec la fin de la saison de glisse. « Un même employé peut également bénéficier d’un horaire à temps plein en cumulant des quarts de travail dans divers postes, dit-il. Notamment aux remontées, en cuisine et au service à la clientèle. »
Mais pour fidéliser plus de 70 % du personnel nécessaire aux opérations des cinq stations (Saint-Sauveur, Gabriel, Olympia, Morin-Heights et Edelweiss, en Outaouais), le groupe doit également faire des concessions. « Il y a dix ans, dit-il, personne ne travaillait qu’un seul quart par semaine. Aujourd’hui, nous devons composer avec le temps offert par les employés, quel qu’il soit. » Il cite la Division des remontées mécaniques. « En 2013, 90 employés veillaient à leur fonctionnement sept jours, sept soirs. Cet hiver, ils seront 125, soit 30 % de plus pour assurer la même tâche. Ce qui demande plus d’heures de formation… et d’uniformes », souligne Simon Lemieux.
Ajoutons à cette flexibilité, la présentation d’activités festives. Un calendrier qui, au moins une fois par saison, offre en totale exclusivité les installations de la station Saint-Sauveur, soit les pentes de ski l’hiver, ainsi que le Parc aquatique et ses manèges l’été. « Par conséquent, le budget annuel consacré à l’organisation de ces événements a triplé en dix ans. Cette somme atteint maintenant un solide montant dans les six chiffres », mentionne le gestionnaire qui n’en dira pas plus.
À la station touristique Massif du Sud, à Saint-Philémon, en Chaudière-Appalaches, ce montant, consacré à la rétention de personnel, dépasse aisément les 500 000 $ en 2023, soutient son directeur général, Luc St-Jacques. Ce demi-million, qui s’inscrit dans un investissement de 2,3 millions de dollars pour améliorer les installations du domaine skiable, a servi à l’achat de propriétés situées aux pieds des pentes. « Ces logements temporaires vont permettre d’accueillir cinq employés à temps plein, avant qu’ils ne trouvent un pied à terre dans la région », explique le dirigeant. De nouvelles constructions figurent également à l’agenda afin de loger une autre dizaine d’employés. Le domaine, qui emploie près de 80 personnes au plus fort de l’hiver, souhaite devenir une destination quatre saisons. Ce qui se traduira par un besoin d’une cinquantaine d’employés à temps plein.