À Montréal, quelque 150 000 ménages sont en attente d’un logement adéquat et accessible. (Photo: 123RF)
IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. La pénurie de logements ne semble pas être en voie de s’estomper au Québec. C’est encore plus vrai dans le cas d’un logement abordable.
Les logements coopératifs, sans but lucratif et publics représentent «à peine 11% de l’ensemble des logements locatifs de la province», selon le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), qui a souligné que le Québec «manque cruellement de logements coopératifs»dans son mémoire déposé en janvier dans le cadre des consultations prébudgétaires du ministère des Finances.
Si tous s’entendent sur la rareté des logements abordables, la définition exacte demeure sujette à débat. Professeur à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal et spécialiste du logement, Louis Gaudreau explique que deux conceptions bien différentes s’affrontent.
«Auparavant, ce qu’on entendait par logement accessible était en fait du logement social, dont le loyer est fixé en fonction de la capacité de payer des ménages, précise-t-il. Le locataire d’un HLM ne paie par exemple pas plus de 25% de son revenu comme loyer.»
La notion a été revue au moment de l’émergence de nouveaux programmes publics dans les années 1990. Selon cette définition plus récente, un logement est considéré comme abordable lorsque son loyer représente au maximum 90% de la médiane du marché. Ce prix moyen varie selon les régions et est calculé par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
«Dans un contexte où les prix explosent, comme présentement, un logement abordable s’avère donc très cher même pour la moyenne des gens», fait remarquer Louis Gaudreau.
Résultat: les listes d’attente pour un logement abordable s’allongent et certains ménages sont contraints de payer plus cher que le tiers de leur revenu brut — la proportion maximale recommandée —, faute de choix. Sans compter que les besoins dépassent aujourd’hui les frontières des grands centres urbains.
Promesse de nouveaux logements
Même si les constructions locatives ont atteint un sommet inégalé en 2021 avec plus de 35 000 logements, il est peu probable que ces nouvelles offres viennent résorber la crise du logement abordable. «Ce qui se construit est plus cher, constate Paul Cardinal, directeur du Service économique de l’Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec (APCHQ). Les travailleurs étrangers et les baby-boomers, qui ne veulent plus entretenir une grande maison ou préfèrent la flexibilité d’un loyer, se tournent vers les appartements offrant une “qualité condo”.»
Ces appartements, souvent affichés à plus de 2000$ par mois, ne sont pas à la portée de toutes les bourses.
Québec et Ottawa ont néanmoins annoncé en août 2021 des investissements majeurs en matière de logement abordable:près de 1,5 milliard de dollars seront injectés sur sept ans. Les deux ordres gouvernementaux travaillent également de concert afin de réaliser la construction de plus de 1300 logements abordables dans la province d’ici la fin de l’année, au coût de 338 millions de dollars (M$).
Le reste des investissements prévus servira à augmenter de 80$ à 100$ le montant mensuel remis aux familles dans le besoin dans le cadre du programme Allocation-logement. Si cette bonification n’est pas suffisante aux yeux du FRAPRU, elle est malgré tout bienvenue après des années d’attente, estime l’organisme.
Le 3 février dernier, le gouvernement provincial a également lancé le Programme d’habitation abordable Québec, qui appuiera financièrement des projets de logements locatifs abordables destinés à des ménages à revenu faible ou modeste ainsi qu’à des personnes ayant des besoins particuliers en habitation. Québec investit 200 M $pour démarrer les premières constructions dès cet été.
À Montréal — où quelque 150 000 ménages sont en attente d’un logement adéquat et accessible —, la mairesse Valérie Plante a aussi promis en campagne électorale 60 000 nouveaux logements abordables construits sur une période de 10 ans. L’important chantier bénéficiera d’un budget de 800 M$.
Reste à voir si ce sera suffisant. «Les pouvoirs publics, tout comme le secteur privé, ont désinvesti le logement abordable dans les 20 dernières années», rappelle Louis Gaudreau. Il y a donc du rattrapage à faire.