Percé: une plage naturelle pour lutter contre l’érosion
Anne-Marie Tremblay|Édition de la mi‑juin 2019Pour combattre l’érosion côtière en constante progression du littoral de l’anse du Sud de Percé, une solution durable a été privilégiée par la firme de génie-conseil Tetra Tech et la Ville de Percé, soit la recharge des plages avec des galets.
GRANDS PRIX DU GÉNIE-CONSEIL. PRIX VISIONNAIRE – Décembre 2016. La tempête fait rage à Percé. À tel point que, sous l’effet des vagues et de la marée, la promenade aménagée au coeur de ce village touristique est en partie détruite, tout comme le quai et plusieurs bâtiments. Il faut trouver une solution, et vite. Appelée à la rescousse pour protéger ce site désigné patrimoine mondial de l’UNESCO, la firme Tetra Tech a permis au littoral de retrouver sa protection naturelle.
La solution pour contrer ce phénomène qui affectait ce secteur depuis plusieurs années ? Recréer l’environnement naturel de Percé en détruisant complètement le mur de béton qui longeait la mer et en renforçant la plage de galets. Au total, ce sont plus de 118 000 tonnes de gravier qui ont été transportées en bordure du Golfe du Saint-Laurent et déposées sur plus d’un kilomètre de berges. Une méthode qui, si elle est utilisée ailleurs sur la planète, l’est rarement ici.
Pourtant, il s’agit d’un choix durable et novateur, estime Jean Gauthier, ingénieur et directeur de la division Ressources et eau chez Tetra Tech. «Le rechargement de plage est une méthode de protection côtière douce qui s’inscrit dans une perspective de développement durable, contrairement aux solutions de protection plus classiques telles que les murs ou les enrochements côtiers, qui sont connues pour augmenter les problèmes d’érosion en ce qui concerne les plages et les côtes avoisinantes», explique-t-il. Ce qui d’ailleurs a été le cas à Percé.
Retour aux sources
Ainsi, l’équipe de la firme a tenté de recréer une plage similaire à celle qui existait dans les années 1970, avant la construction du muret protecteur. Comme la pente est plus douce, elle permet aux vagues de «casser» plus loin de la berge, minimisant leur impact. «La recharge de plage, une fois en place, va se comporter comme une plage naturelle et répondre dynamiquement aux différents forçages naturels causés par le les vents, les vagues, la glace et les autres éléments auxquels elle va être soumise», ajoute l’ingénieur. Elle sera donc redessinée par les différents éléments.
Sable ou gravier : des dynamiques différentes
Toutefois, déverser des tonnes de galets sur les berges est une chose. Réussir à recréer des berges qui réagissent à l’action des vagues comme si elles étaient naturelles en est une autre. Tout un défi, alors que cette façon de faire est encore peu répandue, surtout au Québec. «Les rechargements de plage existent depuis les années 80, mais ceux-ci ont surtout été réalisés pour des plages de sable, affirme Jean Gauthier. Or, de nombreuses recherches ont montré que les plages naturelles de graviers ne répondent pas de la même manière que les plages sableuses.»
Ainsi, les outils existants n’avaient pas encore été testés sur les berges du Saint-Laurent. «Des rechargements de gravier de petite ampleur ont commencé à être testés au Québec à partir de 2013, à Sainte-Luce-sur-Mer, par exemple, mais nous ne disposons pas encore du recul suffisant pour confirmer si les outils de conception développés pour les rechargements de sable dans les régions tropicales sont valables pour les rechargements de gravier en zone tempérée ou s’ils doivent être adaptés. Le projet de Percé constitue donc le premier rechargement de gravier de cette ampleur au Québec et va constituer un cas d’étude pour les futurs projets de cette nature.»
Depuis cette transformation, qui s’est déroulée entre janvier 2017 et juin 2018, les visiteurs ont beaucoup plus facilement accès aux berges qui se trouvent au même niveau que la nouvelle promenade de bois. «L’intégration au paysage était une préoccupation majeure dans la réalisation de ce projet et une condition à son acceptation sociale», précise le directeur. En effet, les paysages marins constituent le coeur du tourisme à Percé, qui reçoit 400 000 visiteurs par année. Le coeur du village a aussi subi une cure de jeunesse, alors que des mesures de préservation des espèces marines ont été intégrées au projet.
Surveillés par des équipes scientifiques pendant cinq ans, ces travaux devraient durer cinquante ans, à condition de renforcer la plage chaque dix ans pour compenser les pertes naturelles. Une méthode qui pourrait être de plus en plus utilisée au Québec pour protéger naturellement les berges contre les effets des changements climatiques. Ce projet presque unique, mené par plusieurs intervenants et financé par le gouvernement du Québec, a d’ailleurs valu à la firme Tetra Tech le prix Visionnaire aux Grands prix du génie-conseil québécois 2019.