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Entrepreneuriat hybride: les précautions de l’employeur

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑septembre 2022

Entrepreneuriat hybride: les précautions de l’employeur

Dave Bouchard, avocat en droit du travail chez Lavery (Photo: courtoisie)

ENTREPRENEURIAT. Si un employeur apprend qu’un de ses employés se lance dans un projet entrepreneurial, il doit évidemment s’assurer que cela ne nuit pas à ses intérêts. Voici les conseils d’un avocat et le témoignage d’une entrepreneuse hybride à ce sujet. 

« D’emblée, l’employé n’a pas l’obligation d’avertir son patron, note Dave Bouchard, avocat en droit du travail chez Lavery. S’il le fait durant la fin de semaine ou en soirée, et si ce n’est pas directement en concurrence avec son employeur, cela fait partie de sa vie privée. Mais c’est tout de même préférable de faire preuve de transparence. » 

L’entreprise a intérêt à évaluer si ce projet entrepreneurial la pénalise ou non, souligne-t-il. Pour y parvenir, elle devrait examiner cinq grandes questions fondamentales : la concurrence, le temps de travail, l’utilisation du matériel, la propriété intellectuelle et les renseignements confidentiels. 

Premièrement, l’employeur doit se demander si le salarié se lance en affaires dans un secteur qui viendra entrer en concurrence avec ses propres activités. Si tel est le cas, il pourrait y avoir motif pour le licencier.

« S’il devient un concurrent, cela peut engendrer un problème avec son obligation de loyauté », fait valoir l’associé de Lavery. Par conséquent, l’employeur doit vérifier si ce projet contrevient à des clauses du contrat de travail concernant l’exclusivité de service.

 

Modification des horaires

Il arrive qu’un salarié veuille travailler moins ou avoir plus de flexibilité dans son horaire pour développer son projet entrepreneurial. Ce sera alors à son entreprise de voir si le jeu en vaut la chandelle.

« Il faut se questionner à savoir si l’employé compte quitter l’entreprise bientôt, relève Me Bouchard. Si on croit que oui, alors peut-être que l’accommodement ne constitue pas une bonne solution. Mais dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il est parfois difficile de remplacer un salarié, donc il est peut-être préférable de faire preuve de flexibilité. »

Ainsi, dès son entretien d’embauche à la Banque de développement du Canada (BDC) l’hiver dernier, Tina Sebti, qui dirige Maby, un commerce en ligne spécialisé dans des cadeaux pour les parents d’enfants de moins de 5 ans, s’était fait demander si elle serait complètement investie dans son futur emploi de directrice de compte.

« Dès le départ, j’ai expliqué ma situation, raconte-t-elle. La BDC ne voulait pas que je ne reste qu’un an. Je les ai rassurés quant à mes intentions. Je me consacre à temps plein à la BDC et je suis entièrement dédiée à ce travail, mais j’ai un horaire flexible.»

Elle souligne entre autres son autonomie en matière de gestion des appels, ainsi que la possibilité de travailler pour la BDC le soir. « Mais évidemment, le nombre d’heures que j’accorde à mon entreprise a beaucoup diminué depuis mon embauche », admet-elle.

L’employeur doit aussi fixer des normes sur l’utilisation d’équipements lui appartenant, comme des ordinateurs, dont peuvent se servir ses employés-entrepreneurs.

Toutes ces questions sont généralement traitées au cas par cas par le patron, selon les responsabilités de l’employé, sa position dans l’organigramme et l’activité entrepreneuriale dont il est question. Dans tous les cas, le dirigeant doit s’assurer que le contrat de travail est respecté, quitte à le modifier au besoin.

 

Protection des données

L’entreprise doit également protéger sa propriété intellectuelle et empêcher qu’elle ne soit volée ou copiée. Des renseignements confidentiels, comme les coordonnées de clients, des données sur des ventes ou des plans stratégiques doivent également être sécurisés afin que certains employés n’en profitent pas pour les utiliser pour leur propre initiative. Des accès pourraient ainsi être limités pour ceux qui se lancent en affaires. 

Tina Sebti doit par exemple suivre plusieurs règles claires établies par la BDC pour éviter des conflits d’intérêts. « Je ne dois pas traiter avec des clients qui ont un modèle d’affaires qui ressemblent au mien, mentionne-t-elle. Si c’est le cas, je dois transférer ce client à un collègue, car je pourrais avoir accès à des informations délicates. Je ne peux pas non plus consulter les données d’un client qui pourraient me servir. » 

En cas de violation flagrante de telles règles, un employeur peut s’adresser aux tribunaux, précise Dave Bouchard. « Normalement, il y aurait une mise en demeure, puis une injonction pour obtenir les renseignements pris illégalement et empêcher l’utilisation des données, explique-t-il. L’entreprise pourrait aussi demander de cesser temporairement cette concurrence et exiger le paiement de dommages pour les préjudices causés. »