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Start-up: la longue quête du modèle d’affaires

Kévin Deniau|Édition de la mi‑janvier 2019

Start-up: la longue quête du modèle d’affaires

L’aventure entrepreneuriale commence par une vaste page blanche. «Au début, tout est prioritaire, car tout est à faire, déclare Liette Lamonde, directrice générale de la Fondation Montréal inc. Toutefois, la question des ventes doit se penser très vite. On voit en effet trop d’équipes qui ont plus d’intérêt pour le développement d’une technologie que pour leur marché.» Ce que confirme Jean-François Ouellet, professeur à HEC Montréal : «Il faut voir son entreprise, au départ, comme une série d’hypothèses qu’il faut essayer de valider ou d’invalider.»

Au placard, donc, les plans d’affaires et autres études de marché ? «Je ne dirais jamais à quelqu’un de faire un plan d’affaires, car le temps passé dessus n’est au final pas utilisé pour lancer vraiment son entreprise, répond M. Ouellet. Ce qu’on enseigne aujourd’hui, c’est la logique de l' »effectuation », c’est-à-dire de passer à l’action très rapidement.»

L’importance d’écouter son marché

Avant de lancer Netlift, Marc-Antoine Ducas a bien commencé par analyser le marché en interrogeant des acteurs du covoiturage. «Avant d’investir mon argent et mon temps dans le projet, je voulais avoir un minimum d’informations sur sa taille potentielle.» Mais, très vite, l’entrepreneur a enchaîné par le travail d’itération, autrement dit, d’aller et retour avec le marché. «Le cofondateur de LinkedIn disait que le bon moment pour lancer son produit, c’est quand il nous embarrasse. Notre première version était ainsi très mauvaise et incomplète, mais notre objectif était de tester notre concept avec ce bout de produit. On apprend, on corrige et, aujourd’hui, on en est à la cinquième version. C’est un travail de création de valeur en escalier.»

Un avis partagé par Dominic Gagnon, cofondateur de Connect&Go. «C’est le marché qui nous dit quoi faire. À chaque nouveau mandat, on apprend et on développe notre savoir-faire. À tel point que, alors que nous étions une entreprise très événementielle au départ, nous faisons aujourd’hui plus de l’installation permanente comme des parcs d’attractions ou des stades. On vient d’ailleurs d’équiper notre première station de ski alors que nous n’avions jamais fait cela avant.»

La méthode du pivot

Ce changement de modèle économique pour s’adapter au marché porte un nom : le pivot. Qui se souvient qu’initialement, YouTube était un site de rencontre, que Flickr était un jeu vidéo ou qu’Unsplash n’était qu’un projet éphémère ? «À l’origine, nous travaillions sur une plateforme de mise en relation entre des pigistes et des clients, se rappelle sa cofondatrice Stephanie Liverani. Nous avions fait faire des photos professionnelles dans le Mile-End pour illustrer notre site et avions laissé gratuitement sur un blogue celles que nous n’avions pas utilisées.» La croissance organique de ce blogue a été telle que l’entrepreneure et son équipe décident finalement, quelques années plus tard, de se concentrer à temps plein sur ce projet qui deviendra Unsplash.

Autre exemple raconté par Frédéric Lalonde, de Hopper. «Au départ, on s’intéressait au prix des billets d’avion selon les meilleures dates de voyage. Un jour, un journaliste du New York Times a écrit un article, non pas sur notre produit principal, mais sur une sous-fonction qui disait à quel moment il était préférable d’acheter son billet. Immédiatement, cela a provoqué une grande vague médiatique et a été un succès planétaire. C’était évident qu’il fallait pivoter. Mais imaginez la décision : après six ans, 12 millions de dollars d’investis et un million d’utilisateurs inscrits, il a fallu dire à nos investisseurs qu’on allait repartir de zéro, fermer notre site et lancer plutôt une application mobile.» Un risque payant, à voir la croissance de Hopper aujourd’hui.

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