Mathieu Lavoie est cofondateur et directeur de la technologie de Flare Systems, créée en 2017. (Photo: courtoisie)
CYBERSÉCURITÉ. Le Québec est loin de représenter un terreau fertile d’innovation en cybersécurité, contrairement à d’autres domaines, comme l’intelligence artificielle. Cependant, des entreprises d’ici espèrent bien changer la donne.
« Les start-ups en développement de produits en cybersécurité au Québec, je peux les compter sur mes doigts », affirme Mathieu Lavoie, cofondateur et directeur de la technologie de Flare Systems, créée en 2017.
Il est clair, selon lui, que le syndrome « personne n’a jamais perdu son emploi en achetant du IBM » est un obstacle de taille à surmonter. Les grandes entreprises préfèrent souvent faire affaire avec des marques reconnues. « La cybersécurité, c’est vendre de la confiance, puisque les données sont sensibles dans notre industrie », ajoute le dirigeant de Flare, qui a mis au point avec ses partenaires un outil qui fouille le Web et le dark web pour que leurs clients sachent quelles informations les concernant sont accessibles en ligne et ainsi agir pour les sécuriser.
Un autre frein, c’est qu’il est parfois plus long et compliqué de signer des ententes avec de grandes entreprises. « Cela peut s’étirer sur plus d’un an, mais notre solution a comme avantage de se déployer rapidement, car on n’a pas besoin de l’intégrer aux systèmes des clients, mentionne-t-il. De plus, on ne détient pas de données critiques qui restent dans les mains de son propriétaire. »
Faire appel à des tiers
Afin d’établir leur crédibilité et de rassurer leurs futurs clients, les start-ups en cybersécurité doivent parfois faire certifier la robustesse de leurs solutions par des organisations reconnues. C’est ce qu’a fait la jeune pousse Qohash, qui a conçu un outil faisant l’inventaire et le classement des données confidentielles en temps réel.
« Pour nos clients, un des facteurs les plus importants, c’est la gestion et les risques des tiers, explique Jean Le Bouthillier, cofondateur, président et chef de la direction de cette PME de Québec. Donc avant de vendre nos produits, on a dû passer par plusieurs processus de certification. Par exemple, on fait des évaluations de notre code par la firme américaine Barr Advisory, qui valide la sécurité et la solidité de notre infrastructure. »
Du chemin à faire
Martin Berthiaume, fondateur de Mondata, une PME de cybersécurité de Québec qui aide les entreprises à bien se protéger, reconnaît que de gros joueurs comme Desjardins ou Intact n’hésitent pas à donner une chance aux jeunes pousses d’ici, mais c’est insuffisant.
« Le gouvernement du Québec pourrait faire de même, mais il achète de nombreux produits étrangers, déplore-t-il. Nous, on fait travailler du monde ici et on paye des impôts ici, et on peut faire évoluer le produit en fonction des demandes du client, contrairement à une multinationale américaine qui ne bougera pas rapidement. »
Le président et chef de la direction de Mondata note aussi que pour faire leurs achats, les grandes organisations se fient beaucoup sur des évaluations faites par des firmes spécialisées comme Gartner, qui ne se penchent pas sur des solutions offertes par des PME québécoises.
En matière de financement, il soutient que « c’est assez fermé comme club ». « Je suis chanceux parce que je suis vieux et que j’avais de l’argent de mon dernier projet entrepreneurial, déclare-t-il. J’ai des contacts qui me permettent de naviguer. Mais pour un jeune de 25 ans, le chemin n’est pas clair. Il manque d’accompagnement. »
Il reconnaît toutefois que l’écosystème est en train de se structurer. La création d’une zone d’innovation serait certainement un pas dans la bonne direction. Le gouvernement provincial a reçu des propositions de la part de la région de Gatineau ainsi que de Montréal, mais aucune décision n’a encore été annoncée.
L’écosystème de start-ups en cybersécurité manque de maturité, fait remarquer Mathieu Lavoie. « Pour donner un bon élan, il faut laisser le temps faire les choses et attendre de voir des entrepreneurs lancer leur deuxième ou troisième projet. »
Entre-temps, ces jeunes pousses ont le vent dans les voiles. « Le but, c’est d’obtenir un succès mondial, pas seulement canadien, poursuit le dirigeant de Flare. Dans trois ans, la majorité de nos revenus proviendront de l’étranger. On espère les doubler ou tripler, tout comme le nombre d’employés. »
Même ambition du côté de Qohash, qui veut s’imposer aux États-Unis. « On veut devenir un leader international », affirme Jean Le Bouthillier. Selon lui, le Québec est bien placé pour tirer son épingle du jeu de ce secteur à la fois stratégique et en pleine croissance. « On a le talent nécessaire et il y a des besoins pour des dizaines d’années à venir, fait-il valoir. Le Canada est bien perçu à l’étranger, donc on peut exporter facilement nos solutions. »
Il avoue même qu’il serait flatté que certains de ses employés lancent leur propre entreprise. « La création d’un tel cercle vertueux est essentielle, croit-il. Je verrais cela comme un succès en me disant “mission accomplie !” »