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Les dessous de la chasse aux chasseurs de tête

Kévin Deniau|Édition d'avril 2021

Les dessous de la chasse aux chasseurs de tête

Olivier Cuilleret, cofondateur et associé de Fauve (Photo: courtoisie)

CHASSEURS DE TÊTE. Le principe du cordonnier mal chaussé s’applique-t-il aux chasseurs de tête? Autrement dit, la profession arrive-t-elle à combler ses propres besoins de recrutement à l’heure où le marché est paradoxalement en plein bouillonnement?

«C’est clairement un enjeu, confirme d’emblée Olivier Cuilleret, cofondateur et associé de Fauve. Les bons recruteurs sont une denrée aussi difficile à trouver présentement que des spécialistes en technologie de l’information. Surtout avec les frontières fermées!» Depuis la forte reprise de son activité, à l’été 2020, le cabinet montréalais a d’ailleurs recruté deux nouvelles personnes et compte aujourd’hui 16 salariés. 

«On ressent la pénurie… d’autant que nos chasseurs se font aussi parfois chasser par d’autres cabinets», ajoute Stéphane Dignard, président de Recrutement intégral. «C’est un métier intéressant, sans grande barrière à l’entrée et pour lequel on peut venir de beaucoup de domaines d’activité», fait quant à lui remarquer Stéphane Bédard, président de Bédard Ressources. Sous-entendu: le bassin d’embauche est large. Il n’existe d’ailleurs pas une formation spécifique pour devenir chasseur de tête.

«En 25 ans en recrutement, j’ai remarqué que les meilleures personnes que j’ai côtoyées ne sont pas forcément celles qui ont étudié en ressources humaines, atteste Jessica Joyal, fondatrice du cabinet qui porte son nom. Tu deviens un bon chasseur quand tu as beaucoup d’expérience et que tu as développé un bon réseau de contacts.»

«C’est autant une job de vente, de relations publiques et de communications que de ressources humaines», renchérit Stéphane Dignard. Selon lui, certains candidats se trompent d’ailleurs parfois au moment de vouloir exercer la profession. «Ils disent aimer analyser des CV et faire des entrevues… mais ce n’est que 10% de la job! L’essentiel, c’est de la sollicitation de candidats et de l’alimentation de ton réseau.»

 

Roger T. Duguay, associé directeur et fondateur du bureau montréalais de Boyden (Photo: courtoisie)

«Des cicatrices et une profondeur»

Le manque de barrière à l’entrée n’est pas pour autant synonyme de facilité à recruter, à en croire Roger T. Duguay, associé directeur et fondateur du bureau montréalais de Boyden, spécialisé dans les postes de haute direction. «Pour notre part, nous recherchons des associés qui ont une vingtaine d’années d’expérience en tant que membre d’une direction, affirme-t-il. Il faut en effet avoir des cicatrices et une profondeur, c’est-à-dire savoir ce qu’est un conflit avec son conseil d’administration ou le congédiement d’un collaborateur.»

Beaucoup de clients de Boyden vont en effet demander à avoir en face d’eux des personnes qui comprennent rapidement leurs défis d’entreprise. Roger T. Duguay va même plus loin: «Je suis plutôt sceptique quand je vois un chasseur qui a été recruteur toute sa vie.»

Quelle est donc la méthode pour dénicher un bon chasseur de têtes? «Le bouche-à-oreille, les références, notre réseau», énumère Stéphane Dignard. «On peut suivre des personnes pendant une dizaine d’années. On va leur semer une graine et, quelques années plus tard, elle va germer», ajoute Roger T. Duguay. Chez Thorens Solutions, on a d’ailleurs trouvé une solution… en créant une école en interne. «On prend généralement des gens avec un profil en psychologie ou en sociologie, décrit son président, Xavier Thorens. Puis, on les forme à notre méthode et à notre philosophie.»