Un écrin composé de 900 panneaux de verre et d’une ossature d’acier protège désormais ce joyau du patrimoine moderne. (Photo: courtoisie)
ARCHITECTURE. Symbole de la fin de la Révolution tranquille, le Grand Théâtre de Québec fait partie intégrante du paysage de la capitale nationale. Ce monument avait toutefois grand besoin de soins. Une équipe interdisciplinaire a volé à sa rescousse.
Inauguré en 1970 et conçu par l’architecte Victor Prus, le Grand Théâtre de Québec présente des murs intérieurs et extérieurs préfabriqués en béton. Une fresque sculpturale signée Jordi Bonet couvre environ 60 % de la structure intérieure. Or, le poids de ses 50 années d’existence lui pesait.
Le problème ? L’humidité. Un théâtre comme celui de Québec doit conserver un certain taux d’humidité pour protéger les instruments de musique. En période froide, l’humidité créait toutefois de la condensation qui gelait et risquait de faire éclater le béton. Avec le temps, ces infiltrations ont provoqué une importante détérioration des panneaux de béton et des ancrages.
Le projet ayant fait l’objet d’un concours d’architecture et d’un appel de propositions, toute l’équipe a été choisie dès le début. C’est ensemble que le consortium formé de Lemay et d’Atelier 21, l’entrepreneur Pomerleau, ainsi que des ingénieurs de WSP, d’Elema experts-conseils et de Simco ont imaginé la solution. Des consultants en histoire ont aussi contribué.
Un écrin composé de 900 panneaux de verre et d’une ossature d’acier protège désormais ce joyau du patrimoine moderne, le magnifie. Cette enveloppe tempérée, écoénergétique et économique contient un système de récupération de chaleur et de masse thermique à faible débit qui améliore l’efficacité de l’immeuble. Selon les concepteurs, le bâtiment nouveau pourra vivre pendant au moins 50 ans.
Un effort collectif
« On n’aurait pas pu réaliser ce projet seuls, estime Éric Pelletier, associé principal de la Division de la conception chez Lemay. La problématique devait être gérée en commun. Dès le jour 1, on a rassemblé tout le monde autour de la table pour avoir des échanges. »
Comprendre d’où venait exactement le problème central a été un défi en soi, selon lui. « Ensuite, on a tenté de voir quel était l’éventail des solutions possibles. Il y en avait des plus loufoques que d’autres, se rappelle-t-il. Il a fallu réduire, se concentrer sur deux ou trois hypothèses et les tester individuellement dans nos champs d’expertise respectifs avant de voir lesquelles fonctionnaient, et converger vers une solution commune. »
Le travail ne s’est pas arrêté là. Une fois la solution trouvée, les experts ont dû définir la vision globale. « Cette vision se trouve dans la finesse des détails, dans la réponse au lieu et dans l’arrimage d’un concept d’intervention au concept existant. Il fallait respecter l’œuvre de Victor Prus, préserver la murale de Jordi Bonet. »
Éric Pelletier souligne que les défis diffèrent selon les professionnels. « C’est un peu comme en médecine. Pour une opération, le chirurgien va prendre le lead sur certains points, l’anesthésiste, sur d’autres. En architecture, notre projet se nourrit des enjeux de chacun. »
Dans le cas du Grand Théâtre de Québec, les impératifs des architectes se résumaient à cette relation avec le patrimoine bâti. L’entrepreneur, de son côté, devait notamment respecter les échéanciers et s’assurer de ne pas interférer avec les opérations. « Ce qui est génial, c’est qu’on essayait de trouver une astuce pour lui aussi. Selon moi, c’est l’exemple parfait de cette grande interdisciplinarité mise au profit d’un projet. »
En donner plus que le client en demande
Éric Pelletier ajoute qu’il résulte de cette synergie des projets qui vont au-delà de la commande. « Quand chaque partie prenante essaie de résoudre non seulement ses problèmes, mais aussi ceux des autres, il y a une exploration et de la recherche. On lance des idées qui semblent parfois infaisables, qui nous sortent de notre zone de confort et nous poussent à aller plus loin. »
Si la majorité des éléments ont été pensés en groupe, la structure principale est véritablement le fruit d’un labeur collectif. « Pour y parvenir, architectes, ingénieurs mécaniques, ingénieurs en structure et entrepreneur devaient s’assurer que les hypothèses émises pouvaient être réalisées tout en intégrant les contraintes de chaque discipline », explique l’architecte de Lemay.
Les marquises au-dessus des entrées constituent un autre exemple que l’union fait la force. « Elles sont totalement suspendues, très minces, mais elles intègrent les volets pour les prises d’air, les unités de chauffage et de filtration, et ce, dans moins d’un mètre. C’est un des composants qui ont été développés par toute l’équipe », souligne l’architecte.
L’interdisciplinarité a payé dans ce cas-ci puisque le Grand Théâtre de Québec a été primé plusieurs fois. Il a entre autres remporté les grands honneurs aux Prix d’excellence en architecture 2021 de l’Ordre des architectes du Québec.