Jean Simard, président et chef de la direction de l’Association de l’aluminium du Canada (Photo: courtoisie)
INDUSTRIE DE L’ALUMINIUM. Le monde a de plus en plus d’appétit pour l’aluminium et le Québec est bien positionné grâce à la faible empreinte carbone du métal qu’il produit. Cependant, ses producteurs devront augmenter leurs capacités de production et les transformateurs devront mieux connaître les propriétés de l’aluminium pour saisir les nouvelles occasions.
La demande mondiale d’aluminium de première fusion a atteint 69 millions de tonnes en 2022, une légère augmentation de 0,4% par rapport à 2021, selon Ressources naturelles Canada. En moyenne, la consommation de ce métal a augmenté de 2,4% par année entre 2015 et 2022, surtout en raison de la demande accrue de la Chine et des secteurs clés, comme la construction et les transports. À elle seule, la Chine achète plus de 57% de l’aluminium mondial.
Dopé par cette demande, le prix moyen d’une tonne d’aluminium a atteint 2705$ US en 2022, avec une pointe à 3498$ US en mars. Il se situait à 2149$ US en décembre 2023. «Nous sommes sortis des problèmes de chaînes d’approvisionnement liés à la pandémie qui avaient causé un ralentissement de la fabrication dans certains secteurs et affecté la demande d’aluminium, note Jean Simard, président et chef de la direction de l’Association de l’aluminium du Canada (ACC). Les perspectives sont très intéressantes pour l’industrie de l’aluminium canadien.»
La volonté de décarboner plusieurs secteurs économiques, en particulier celui des transports, devrait propulser la demande pour l’aluminium à des niveaux records. L’ACC prévoit même une augmentation de 80% d’ici 2050, ce qui signifie qu’il faudra produire autant d’aluminium pendant la prochaine décennie qu’au cours des 100 dernières années.
Chez notre voisin et principal client, l’«Inflation Reduction Act», une loi adoptée aux États-Unis en 2022, investit massivement dans l’électrification des transports et les énergies renouvelables. «Cela accélère la dynamique de la décarbonation, et les fabricants américains recherchent des matériaux à faible empreinte carbone, ce qui correspond exactement à l’aluminium produit au Canada», note Jean Simard.
Rester compétitifs
La Chine, l’Inde, les Émirats arabes unis et le Bahreïn sont les principaux concurrents du Canada dans la production d’aluminium. La Russie, troisième productrice mondiale, est mise hors-jeu sur plusieurs marchés, dont le marché américain, en raison des sanctions liées à sa guerre en Ukraine. Grâce à son hydroélectricité et à ses technologies de pointe, l’empreinte carbone de l’aluminium canadien demeure la plus faible au monde. Un avantage qui pourrait toutefois disparaître à mesure que les concurrents du Canada se tournent vers des sources d’énergie renouvelable.
Un autre obstacle sérieux pourrait toutefois empêcher le Québec de profiter de la hausse de la demande: ses alumineries sont déjà presque au maximum de leur capacité de production. «Nous avons besoin d’effectuer des investissements majeurs dans la construction de nouvelles capacités de production, ce qui exigera d’injecter des milliards de dollars et surtout de sélectionner les bonnes technologies pour l’avenir», explique Jean Simard.
En mars 2023, l’ACC avait déploré l’exclusion du secteur de l’aluminium de la nouvelle mouture du crédit d’impôt pour investissement majeur du gouvernement du Québec. «Les coûts de construction de capacité de production sont beaucoup plus élevés au Québec que dans d’autres pays producteurs d’aluminium, donc il faut un appui des gouvernements», estime Jean Simard. Son association évalue ces coûts de construction à 8000$ par tonne additionnelle de capacité au Canada, contre entre 1500 et 2500$ en Chine.
L’Association garde aussi les yeux sur le dossier de l’accès à l’énergie au Québec. L’industrie tient mordicus à conserver ses tarifs préférentiels, un autre fer de lance de sa compétitivité à l’international.
Des obstacles dans la transformation
Publiée en 2021, la Stratégie québécoise de développement de l’aluminium visait par ailleurs à plus que doubler la transformation de l’aluminium au Québec. On reste loin de cet objectif, malgré une certaine croissance.
En 2022, le Québec comptait plus de 1700 entreprises manufacturières qui transforment de l’aluminium. Elles créaient près de 30000 emplois et généraient un chiffre d’affaires d’environ 11,6 milliards de dollars. Le plus récent Baromètre de la transformation de l’aluminium d’AluQuébec indique qu’environ un quart de ces entreprises tiraient plus de la moitié de leur chiffre d’affaires de la transformation de l’aluminium. «L’aluminium est surtout utilisé dans le transport, la construction et l’emballage, surtout bioalimentaire», souligne François Racine, PDG d’AluQuébec.
L’industrie de la transformation se heurte toutefois à certains obstacles, dont la hausse des prix des intrants. Environ la moitié des entreprises ont constaté une diminution de leurs marges bénéficiaires en 2022 et ont retardé des projets d’investissements, selon le Baromètre.
«Cependant, les difficultés de recrutement et de rétention des travailleurs restent l’élément le plus préoccupant pour ces entreprises, rappelle François Racine. Pour augmenter sa productivité, l’industrie doit se tourner plus rapidement vers l’automatisation.»