Largage de trichogrammes par drone, au-dessus d’un champ de maïs (Photo: Mathieu Lamarre)
AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE. Un nouvel outil s’invite dans la lutte aux insectes ravageurs: le drone. Au Québec, son utilisation gagne en importance dans les opérations de phytoprotection et de phytosurveillance.
Ainsi, le drone s’impose graduellement dans le largage de trichogrammes, un insecte prédateur de la pyrale du maïs. Ce papillon s’attaque principalement au maïs sucré, mais s’intéresse aussi au maïs-grain et à d’autres types de végétaux.
Traditionnellement, la lutte se fait de façon manuelle par l’installation, sur les plants de maïs, de petites cartes imprégnées de trichogrammes, les trichocartes, qui ressemblent aux réclames qu’on retrouve accrochées aux poignées de porte. La nouvelle méthode passe plutôt par un largage d’insectes du haut des airs.
«Le drone permet de couvrir des surfaces beaucoup plus grandes plus rapidement», explique Dominic Jean, vice-président au développement à Canopée dronautique, de Montréal. Outre sa rapidité d’exécution, le drone exige moins de main-d’oeuvre — une véritable petite armée de travailleurs est nécessaire pour accrocher les trichocartes. Or, ces travailleurs sont rares et coûtent de plus en plus cher, de telle sorte que le drone pourrait éventuellement devenir plus avantageux pour les producteurs.
«On doit encore surmonter différents obstacles, précise cependant Dominic Jean. La réglementation actuelle fait que les drones sont difficiles à utiliser lorsqu’on les perd de vue.»Les drones sont également assujettis à la réglementation de Transport Canada, qui limite la charge qu’il peut transporter. L’autonomie des piles demeure aussi à améliorer.
Tout cela fait dire à Nicolas Deschamps, fondateur de Drones des champs, de Laval, que l’avenir du drone en agriculture pourrait être un peu plus niché qu’on pourrait l’imaginer. «En épandage, il aura sa place pour des actions précises, avance-t-il. Une fois que des maladies seront ciblées par des algorithmes à des endroits précis, un épandage par drone sera peut-être plus économique qu’un épandage traditionnel.» Pour le reste, dont les opérations de détection, l’avenir est ailleurs, selon lui. «En dépistage, les satellites vont prendre le dessus, car ils vont être de plus en plus précis.» Selon lui, leur définition d’images atteindra l’ordre du centimètre au cours de cette décennie. «Ça va répondre à 95 % des besoins en agriculture», estime-t-il.
Intelligence artificielle, reconnaissance faciale et insectes
Plus bas sur terre, Picketa Systems s’intéresse à la pomme de terre. La jeune pousse développe — avec le soutien de l’incubateur en technologies Quantino, de Québec — un outil d’aide à la décision pour les producteurs. «Notre solution, c’est un senseur relié à un tableau de contrôle en ligne, qui prend des échantillons de plants de pommes de terre pour en analyser les nutriments», décrit Dominic Levesque, cofondateur de l’entreprise, avec Zachary Andersen, Xavier Hébert-Couturier et Maxime Dumont.
L’idée consiste à prélever des échantillons de plants dans un champ et de les numériser afin d’en connaître la composition en nutriments, le tout en une quinzaine de minutes à peine. «À partir de ça, le producteur peut prendre de meilleures décisions quant aux fertilisants qu’il veut appliquer ou aux amendements à apporter au champ au cours de la saison, précise Dominic Levesque, issu d’une famille de cinq générations de producteurs de pommes de terre du nord-ouest du Nouveau-Brunswick. De meilleures décisions permettent d’optimiser la production, de maximiser les rendements et la qualité des produits.»
La même recherche d’efficacité anime Julien Saguez, entomologiste et chercheur en biosurveillance au Centre de recherche sur les grains. «On est en train de développer une application numérique qui permet de prendre des photos d’insectes agricoles», lance-t-il avec enthousiasme. Le principe consiste à photographier l’insecte repéré par le producteur lorsqu’il se déplace dans son champ. L’application, installée sur son cellulaire, lui présente alors quelques insectes possibles, avec la probabilité associée à chacun. Une brève description de chacune des bestioles et des ressources documentaires s’ajoute, ainsi que les moyens de l’éliminer s’il est nuisible. Simple comme tout. Comme toujours, c’est tout le travail en amont qui est fastidieux.
Pour qu’un algorithme différencie un insecte d’un autre, il faut l’alimenter d’une quantité phénoménale d’informations.
Surtout, il faut lui fournir le moindre détail des caractéristiques physiques de l’insecte. «C’est exactement le type de reconnaissance faciale d’insectes qu’on essaie de faire», affirme Julien Saguez. «On s’est créé une banque d’environ 36 000 photos pour la vingtaine d’insectes qui peuvent être reconnus par l’application.» Les premières photos ont été prises sur fond blanc afin d’«entraîner» l’algorithme. La prochaine étape consistera à «apprendre» à l’algorithme à reconnaître les insectes en milieu naturel. «Ce sera notre prochain défi», conclut l’entomologiste.