EXPERTS INVITÉS. Un portefeuille qui affiche un rendement annuel à long terme de 10 % ou plus ? «Ça doit être... ...
EXPERTS INVITÉS. Un portefeuille qui affiche un rendement annuel à long terme de 10 % ou plus ? «Ça doit être de la chance»… «Les risques pris pour générer une telle performance doivent être importants.» Voilà comment réagissent bien des épargnants lorsqu’on leur démontre qu’obtenir des rendements élevés est possible en suivant une stratégie de placement rigoureuse.
Les sceptiques à l’égard des rendements élevés abondent. Nombreux sont les épargnants qui ont accepté les idées trop répandues par l’industrie financière que rendement élevé = risque élevé et que la performance est similaire d’une institution à l’autre.
En calquant simplement le marché, n’importe qui aurait obtenu un rendement annuel supérieur à 10 % ces 10 dernières années. Le fonds négocié en Bourse (FNB) qui représente l’indice américain S&P 500 a généré un rendement annuel composé de 16,3 % (en dollars canadiens) sur la période de 10 ans terminée en mars. Le FNB qui reproduit le S&P/TSX de la Bourse de Toronto a progressé de 9,3 % par année.
Ainsi, un épargnant qui aurait réparti son capital dans ces deux fonds aurait dégagé un rendement annuel composé après frais de 12,8 %.
Certains gestionnaires de portefeuille qui aspirent à battre le marché peuvent avoir dégagé des rendements encore plus élevés.
C’est bien beau, diront les critiques, mais nous avons connu un des plus longs marchés haussiers. Certes. Les données compilées par Investments Illustrated nous rappellent toutefois qu’au cours de l’histoire, les actions américaines et canadiennes ont enregistré un rendement annuel composé de 11,3 % et de 9,4 % respectivement.
Autre statistique à méditer : en dépit du krach de 1987, de l’éclatement de la bulle des technos de 2001, de la crise de 2008-2009, du recul de 19,4 % survenu en 2011 ou de la correction de 19,8 % à l’automne 2018, le S&P 500 a progressé de 10,7 % par année entre 1984 et 2018.
Avec un rendement annuel de 12,8 %, l’épargnant qui aurait placé 100 000 $ il y a 10 ans aurait aujourd’hui 333 500 $. Le barème de la catégorie Fonds d’actions nord-américaines de Morningstar a affiché un rendement annuel de 9,8 % au cours de la période de 10 ans. Le manque à gagner est d’environ 78 000 $ par rapport au rendement de 12,8 % du marché.
L’écart serait de 87 250 $ pour l’épargnant qui aurait privilégié un FNB équilibré (60 % actions – 40 % titres à revenus fixes).
L’effet silencieux des frais excessifs
Aux yeux de plusieurs, de tels rendements sont invraisemblables. La principale raison – et la plus paradoxale – tient du fait qu’une majorité d’épargnants ne fait pas l’exercice de comparer le rendement de leur portefeuille à celui du marché.
Plusieurs ne connaissent pas la performance après frais dégagée par leur portefeuille, notamment parce que les rapports qu’ils reçoivent ne présentent pas clairement les rendements et les barèmes auxquels ils doivent être comparés.
Un deuxième facteur qui explique l’incrédulité à l’égard des bons rendements relève de la méconnaissance de l’ensemble des frais facturés.
Les détenteurs de fonds communs et de fonds de fonds – des paniers réunissant une dizaine de fonds communs – sont particulièrement concernés par les coûts excessifs. Les frais de gestion exigés peuvent atteindre 2,5 % par année. C’est sans compter les frais souvent prélevés à l’achat ou à la disposition de parts, qui peuvent totaliser 5 % du placement.
Comme les fonds ne facturent pas directement les porteurs de parts, les frais passent inaperçus.
Malgré les initiatives des organismes de réglementation pour accroître la transparence à l’égard des frais, les épargnants peinent à déterminer la facture totale de ces produits. De plus, ils font rarement le lien entre coûts excessifs et faible performance.
La pondération inadéquate accordée aux actions alimente aussi le mythe qu’il est impossible d’avoir mieux qu’un rendement de 5 % à 6 % par année. Bien des épargnants en accumulation pour une décennie ou plus se voient recommander une pondération en actions trop faible, sous prétexte de limiter le risque lié aux fluctuations.
Rappelons que le rendement espéré à long terme des actions surpasse celui des titres à revenu fixe. Si on reprend la période de 10 ans terminée en mars, le FNB représentant les titres à revenus fixes du pays, XBB, a affiché un rendement annuel de 4,1 %. L’écart avec le FNB représentant la Bourse canadienne est de 5,2 % par année et de 12,2 % avec le FNB reflétant la Bourse américaine.
Constituer un portefeuille de fonds équilibrés (60 % actions – 40 % obligations) est une solution clé en main populaire. Cette démarche permet en effet aux conseillers de se prémunir des réactions émotives des clients lors de périodes troubles. Elle prive malheureusement ceux qui ont la capacité d’encaisser les épisodes de volatilité du rendement supérieur que procurent les actions à long terme.
De nombreux épargnants se condamnent aussi à leur façon à des rendements décevants. Ils négocient au pire moment en vendant leurs placements lorsqu’il y a des secousses, comme à l’automne dernier, et en réinvestissant après une forte reprise.
La célèbre étude de Dalbar l’illustre bien : l’investisseur moyen paye cher en tentant d’anticiper le marché. Sur 30 ans, il accuse un manque à gagner annuel de 6 % par rapport aux indices de référence.
Des leviers pour maximiser son rendement
Il est impossible de prévoir la direction des marchés à court terme, ni quand surviendra la prochaine récession.
Ignorez ces éléments incontrôlables et actionnez les leviers qui aideront à améliorer votre rendement à long terme :
• Privilégier les entreprises munies d’avantages concurrentiels solides, qui présentent une rentabilité élevée et un faible endettement.
• Améliorer les connaissances de ses placements.
• Fuir les produits coûteux.
• Déterminer la répartition d’actifs adéquate pour atteindre ses objectifs à long terme.
• Comparer le rendement de son portefeuille à un barème représentatif une fois l’an.
Laissez de côté les idées préconçues envers les rendements. Mettez plutôt toutes les chances de votre côté pour faire fructifier votre capital le plus efficacement possible.
EXPERTS-INVITÉS
Yannick Clérouin est conseiller chez Gestion de portefeuille stratégique Medici.
Pierre-Olivier Langevin est associé et gestionnaire de portefeuille chez Gestion de portefeuille stratégique Medici.