"Peu d'entreprises connaissent leur impact environnemental" - David Labistour, pdg, Mountain Equipment Co-op

Publié le 20/08/2011 à 00:00

"Peu d'entreprises connaissent leur impact environnemental" - David Labistour, pdg, Mountain Equipment Co-op

Publié le 20/08/2011 à 00:00

Par Diane Bérard

La société canadienne Mountain Equipement Co-op (MEC) célèbre ses 40 ans. Depuis janvier 2008, elle est dirigée par le Sud-Africain David Labistour. À 55 ans, il cumule 25 années d'expérience au sein d'entreprises telles Adidas et Marks & Spencer. Pragmatique, il partage son point de vue sur la responsabilité sociale et le développement durable.

D.B. - Faut-il être un "écolo-grano" (tree hugger) pour diriger MEC ?

D.L. - (rires) Non. En tout cas, je n'en suis pas un. J'aime la nature et je pratique de nombreux sports extérieurs, mais je ne me qualifierai jamais d'écolo. À titre de pdg de MEC, mon souci pour l'environnement est pragmatique : si nous voulons demeurer en affaires, nous devons nous soucier de notre empreinte écologique. La nature est notre gagne-pain. Mais, écolos ou pragmatiques, nous finissons par nous retrouver, car nous visons le même but : protéger l'environnement et limiter sa dégradation.

D.B. - MEC s'est souciée de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises (RSE) avant l'heure. Aujourd'hui, plusieurs entreprises s'en réclament. Comment réagissez-vous ?

D.L. - Je m'en réjouis. Que MEC perde son leadership en matière de responsabilité sociale parce que d'autres sociétés s'en préoccupent aussi, parfait ! Mais il faut éviter les conclusions hâtives. La RSE comporte plusieurs volets. Il est vrai que de nombreuses sociétés se soucient de transparence, de la qualité de leurs produits et de la façon dont elles traitent leurs employés. D'autres aspects de la RSE, par contre, posent problème. Par exemple, très peu de sociétés ont consacré les ressources et le temps nécessaires à établir leur impact environnemental spécifique. Du coup, elles ne peuvent le contrôler.

D.B. - Pour un pdg, quelle est la plus grande frustration associée à la RSE ?

D.L. - Elle se situe dans la contradiction suivante : d'un côté, les actionnaires exigent des rendements à court terme. De l'autre, ils s'attendent à ce que l'entreprise se comporte en entreprise citoyenne exemplaire et corrige les irrégularités dès qu'elles surviennent pour éviter toute exposition au risque.

D.B. - MEC a de la chance, ce n'est pas une "vraie" entreprise, c'est une coopérative. L'argent ne compte pas...

D.L. - Une coopérative répond aux mêmes critères financiers que les "vraies" entreprises. Et puis, n'oubliez pas que j'évolue dans le commerce de détail, un des secteurs les plus concurrentiels qui soient.

D.B. - Dans la foulée de la crise économique, certains ont évoqué le modèle coopératif comme solution aux excès du capitalisme. Qu'en pensez-vous ?

D.L. - C'est une solution naïve. On ne peut pas transformer toutes les entreprises en coopératives. Le système continuera d'être composé d'entreprises aux structures variées. Il faut plutôt modifier la réglementation afin que toutes les organisations répondent aux critères les plus élevés.

D.B. - Parlons un peu stratégie : en quoi celle de MEC a-t-elle évolué ?

D.L. - Nous avons suivi nos clients. Il y a 30 ans, le plein air se résumait à l'escalade. Ceux qui pratiquaient ce sport n'en faisaient aucun autre, combler leurs besoins était donc simple. Aujourd'hui, ils font du surf, du vélo, du yoga, du ski, etc. Il a fallu bonifier notre offre de produits. Nos boutiques proposent 30 % plus de produits qu'il y a 10 ans.

D.B. - Les sports de plein air se sont démocratisés. Que pensent vos clients puristes de cette arrivée des sportifs du dimanche chez MEC ?

D.L. - La question importante est la suivante : nos changements rendent-ils plus de gens satisfaits qu'insatisfaits ? Et puis, il faut se méfier des idées préconçues. Si vous pensez que ce ne sont que les sportifs du dimanche qui se soucient de l'esthétique de leurs vêtements, détrompez-vous. C'est une tendance lourde pour toutes les clientèles. Par exemple, nous avons demandé à un groupe de 14 skieuses hors-piste de définir la caractéristique la plus importante d'un pantalon de ski. Il n'y a eu consensus que sur un seul point : le pantalon doit "faire de belles fesses" !

D.B. - Quel est votre prochain défi ?

D.L. - Il y en a deux. D'abord, adapter notre offre de produits à la réalité de chacun de nos marchés. On ne pratique pas les mêmes sports de plein air à Vancouver qu'à Winnipeg ou à Québec. C'est un projet colossal débuté il y a deux ans et qui exige des investissements importants en technologie pour la gestion des stocks. Ensuite, que MEC cesse d'être vue comme le magasin du mâle blanc anglo-saxon. Les femmes constituent une proportion de plus en plus importante de notre clientèle.

LE CONTEXTE

MEC est une des premières sociétés à avoir évoqué la responsabilité sociale dans sa mission. Les réflexions de son pdg actuel permettent d'évaluer le chemin parcouru et les défis qui demeurent.

SAVIEZ-VOUS QUE

David Labistour a pratiqué tous les sports représentés chez MEC sauf un : le ski de fond.

diane.berard@transcontinental.ca

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