Il est intéressant de voir comment les chefs des partis fédéraux se positionnent à l'égard de l'enjeu de l'équilibre budgétaire du gouvernement qu'ils aspirent à diriger.
Stephen Harper maintient que, s'il est réélu, il gérera les finances publiques sans déficit. Le chef conservateur ridiculise ses adversaires, qu'il accuse de vouloir dépenser sans compter et hausser les impôts.
Toutefois, il a été contredit par le directeur parlementaire du budget, qui prévoit un déficit de 1 milliard de dollars pour l'exercice 2015-2016, au lieu du surplus de 1,4 G$ annoncé dans le budget publié en avril. Cette révision vient de l'effondrement des prix du pétrole et d'autres matières premières. Le ministre des Finances, Joe Oliver, avait fondé son budget sur une croissance économique anticipée de 2 %. Or, la Banque du Canada a abaissé à 1,1 % sa prévision de croissance de l'économie canadienne en 2015. C'est aussi le taux moyen de croissance auquel s'attendent 16 économistes sondés par Consensus Economics. Ceux-ci prévoient un léger déficit pour 2015-2016.
Pour sa part, le chef du NPD, Thomas Mulcair, jure que le premier budget d'un gouvernement néodémocrate sera équilibré. Il promet un programme de garderies à 15 $ par jour financé sur huit ans, de l'aide au transport collectif (1,3 G$ par année), du financement pour les dépenses d'infrastructures des municipalités (1,5 G$ par année pendant cinq ans et 3,7 G$ par la suite) et d'abaisser de 11 à 9 % le taux d'impôt des PME. Pour financer cela, il veut renoncer au fractionnement du revenu pour les couples avec enfants promis par les conservateurs et accroître modérément les impôts sur les bénéfices des grandes sociétés. Comme l'a fait Tony Blair en Grande-Bretagne, M. Mulcair a ramené son parti au centre de l'échiquier politique. Il a aussi consolidé le NPD au Québec, où il n'avait jamais percé jusqu'à ce que Jack Layton y obtienne un succès étonnant en 2011. Cela rassure les troupes ailleurs au pays.
Le repositionnement du NPD est un casse-tête pour le Parti libéral qui, après avoir occupé le centre de l'échiquier, paraît aujourd'hui se situer à gauche du parti de M. Mulcair. Non seulement Justin Trudeau s'est engagé à accroître les impôts des riches et à abolir le fractionnement du revenu des couples avec enfants, mais il a aussi promis d'ajouter, en 10 ans, 60 G$ d'investissements en infrastructures aux engagements de 65 G$ déjà annoncés par les conservateurs. Le déficit annuel acceptable d'un gouvernement libéral ne dépasserait pas 10 G$ pendant deux ans. L'équilibre serait atteint en 2019.