Investisseurs, fuyez les «dilapideurs» de capital à la Bombardier


Édition du 07 Novembre 2015

Investisseurs, fuyez les «dilapideurs» de capital à la Bombardier


Édition du 07 Novembre 2015

Pour l'investisseur qui vise à s'enrichir substantiellement à long terme, le rendement du capital investi par les entreprises est une des mesures les plus importantes à prendre en compte lorsque vient le moment d'évaluer un placement. Or, à cet égard, Bombardier (Tor., BBD.B) est depuis longtemps l'exemple parfait d'entreprises à éviter à tout prix.

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Mettez en perspective les chiffres présentés par la multinationale montréalaise lors de la publication de ses résultats du troisième trimestre : elle a reçu un appui financier d'un milliard de dollars américains de la part du gouvernement du Québec afin de poursuivre son aventure avec le CSeries. Un milliard, cela semble énorme aux yeux du grand public. C'est toutefois infime lorsqu'on prend en considération le fait qu'elle a «brûlé» des liquidités de 2,37 G$ US depuis le début de 2015. Cet argent a servi principalement au développement de ses différents programmes d'aviation, dont le CSeries.

Partie en fumée, donc, cette somme que Bombardier a recueillie auprès des investisseurs et des créanciers lors de son financement annoncé en février dernier. Selon Fadi Chamoun, analyste de BMO Marchés des capitaux, l'entreprise utilisera des liquidités de 1,6 G$ US pour chacun des deux prochains exercices.

Au rythme où elle pompe son encaisse, Bombardier devra encore quémander de l'argent aux investisseurs ou aux gouvernements. Certains observateurs s'attendent d'ailleurs à ce qu'Ottawa allonge une somme équivalente à Québec pour soutenir l'avionneur. Mais si cela n'est pas suffisant, la direction de Bombardier devra se résigner à vendre des activités.

J'entends les défenseurs de l'entreprise qu'on qualifiait autrefois de joyau du Québec inc. affirmer que Bombardier évolue dans un secteur ultraconcurrentiel, qu'elle a contribué à créer des emplois de qualité et qu'elle soutient de nombreuses entreprises de la province, qu'elle est sur le point de réussir un grand pari, etc. C'est vrai dans la plupart des cas. Mais pour l'actionnaire, cela n'est que du vent.

Quand une entreprise montre sa capacité à générer des bénéfices avec le capital qui lui est confié, les investisseurs accueillent avec joie les occasions de lui accorder plus d'argent pour l'accompagner dans ses projets de croissance. Quand elle multiplie les erreurs avec son capital, l'entreprise se met à dos les investisseurs. Demandez l'avis du grand patron de la Caisse de dépôt et placement à ce sujet pour voir...

D'autres mauvais élèves

Bombardier est loin d'être la seule dans cette situation au Québec. Un coup d'oeil au logiciel montréalais StockPointer, qui compile la performance des entreprises en matière de rendement du capital investi et de la valeur qu'elles créent avec ce que leur confient actionnaires et créanciers, nous fournit de nombreux exemples.

Produits forestiers Résolu (Tor., RFP), Pages Jaunes (Tor., Y) et Exfo (Tor., EXF), bien que cette dernière soit championne en R-D, sont d'autres entreprises d'ici qui peinent à tirer un bon rendement de leur capital.

La liste d'entreprises canadiennes du secteur des ressources qui font piètre figure sur le plan du rendement du capital investi est aussi très longue. En dehors de ce secteur, le bilan des détaillants canadiens est également loin d'être reluisant. Pensez à Sears Canada (Tor., SCC), à Le Château (Tor., CTU.A) ou à Reitmans (Tor., RET.A) depuis plusieurs années.

Boeing, contre-exemple de Bombardier

Il est loin d'être facile pour des géants industriels de générer un rendement du capital investi supérieur à ce qu'il leur en coûte pour mener leurs activités, exploiter d'immenses usines, embaucher une vaste main-d'oeuvre et mettre au point de nouveaux produits. Même le plus grand groupe industriel du monde, General Electric (NY, GE), n'y arrive pas.

Certaines y parviennent cependant très bien, même dans le secteur aéronautique.

Boeing (NY, BA) est un bon exemple. À chacune des cinq dernières années, l'avionneur de Seattle a généré un écart positif entre le rendement de son capital et ce que celui-ci lui en coûte. Pour la plus récente période de 12 mois terminée en septembre, son rendement du capital a été de 16,2 %, par rapport à un coût de capital de 8,2 %. Cet écart favorable est le plus élevé des cinq dernières années.

À l'instar de Bombardier, Boeing a englouti beaucoup d'argent pour mettre au point le révolutionnaire 787 Dreamliner. Mais en dépit d'importants dépassements de coûts, de problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement et du fait qu'il a été cloué au sol par les autorités aériennes après certains incidents, le 787 sera un gagnant à long terme, affirme dans une récente note Keith Schoonmaker, analyste de Morningstar. Contrairement à Bombardier, Boeing a continué à générer d'abondantes liquidités et à tirer un solide rendement de son capital durant le difficile décollage de cet appareil.

Toujours dans le secteur aéronautique, le fournisseur de pièces spécialisées Precision Castparts (NY, PCP) affiche également une performance digne de mention sur le plan de la gestion du capital. Cette entreprise est en voie d'être achetée par le conglomérat de Warren Buffett, Berkshire Hathaway (NY., BRK.B), dans une transaction évaluée à 37,2 G$ US.

Il y a bien des nuances à apporter lorsqu'il s'agit d'évaluer les entreprises sous l'angle du rendement du capital.

Certaines, comme Groupe CGI (Tor., GIB.A), affichent un écart positif surtout grâce aux rachats massifs d'actions. Autre bémol : Groupe BMTC (Tor., GBT.A), exploitant des magasins Brault & Martineau, Ameublements Tanguay et Economax, est un des champions du rendement du capital au Québec. Pourtant, son titre a reculé de 37 % sur cinq ans. Les faibles perspectives de croissance du détaillant, confiné au marché québécois, freinent son évaluation en Bourse.

Certes, dénicher les as du rendement du capital n'est pas un gage absolu de gains boursiers. Mais en fuyant les «dilapideurs» de capital, vous mettez plus de chances de votre côté pour éviter de vous faire «laver» par un titre.

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À propos de ce blogue

Après près de 16 années passées au journal Les Affaires, dernièrement en tant que chef de publication pour lesaffaires.com, Yannick Clérouin a rejoint en mars 2018 la société de gestion de portefeuilles Medici.

Yannick Clérouin