Mes leçons de la crise

Publié le 12/12/2009 à 00:00

Mes leçons de la crise

Publié le 12/12/2009 à 00:00

Un an après le déclenchement de la crise financière, il est temps de réfléchir aux bonnes leçons à tirer pour l'investisseur.

Il faut du recul, du temps et des efforts pour mener cet exercice et extraire les bons éléments d'un événement aussi traumatisant que celui que nous avons connu.

Plusieurs investisseurs pensent qu'ils (ou leur conseiller) auraient dû prévoir l'effondrement boursier et, au préalable, augmenter leur encaisse. De cette façon, croient-ils, ils auraient pu profiter davantage du marché baissier.

Dans un sens, ce n'est pas faux. Se retrouver avec un portefeuille garni en cash alors que les indices boursiers fondent, c'est le paradis ! Toutefois, cela relève de la pensée magique.

Ce qui fait naître de telles idées, c'est notre dépendance psychologique aux cotes boursières. À force de consulter les cours plusieurs fois par jour, on développe l'illusion qu'on peut " deviner " leur comportement futur. On se dit qu'on a un " feeling " que tel titre montera et que tel autre descendra.

Et comme nous avons une chance sur deux de dire vrai, il est facile de s'illusionner.

Ne pas paniquer

Depuis le krach de 1987, je n'ai pas cessé d'étudier ces grandes cassures boursières et financières et d'y réfléchir. Et bien, la première leçon que le krach m'a apprise et que j'ai pu approfondir encore avec la crise récente, c'est de ne pas paniquer, peu importe ce qui arrive à la Bourse.

Ce n'est pas facile. Mon travail m'amène à suivre constamment ce qui se passe dans le monde financier. C'est un désavantage majeur quand on est investisseur à long terme. Je dois me discipliner pour me forcer à prendre du recul, quelles que soient les manchettes.

D'ailleurs, je réalise que j'aurais dû étudier les crises encore davantage. Depuis le krach, chaque crise a fait de moi un investisseur plus solide et, surtout, plus prudent. Or, devant des phénomènes comme l'endettement croissant des consommateurs américains, j'ai eu tendance à hausser les épaules en me disant que cela fait 25 ans que j'entendais cela... Or, ce n'était pas un raisonnement valable.

On a tendance à se réfugier dans les études historiques en se disant que comme telle chose ne s'est jamais produite, elle n'arrivera pas. C'est une erreur. Il y a une différence entre conclure qu'un événement est peu probable parce qu'il n'est pas survenu en 25 ans, et conclure qu'il n'arrivera jamais. J'aurais dû prévoir dans ma vision la possibilité que le consommateur américain frappe un mur.

La concentration du portefeuille a meilleur goût

Ma philosophie de placement repose en partie sur la concentration du portefeuille : on s'enrichit vraiment lorsqu'on met beaucoup d'argent dans un seul titre et que celui-ci décuple de valeur; investir dans un trop grand nombre de titres est une perte de temps.

J'ai réexaminé en partie cette notion à la suite de la crise. Malgré les vertus de la concentration, il faut garder en tête ses limites. Malgré nos prétentions de bien connaître nos entreprises, il reste toujours la possibilité d'une erreur ou, pire, d'un fiasco.

Perdre 10 % de son portefeuille en quelques jours, voire quelques heures à cause d'un seul titre, c'est devenu trop risqué pour moi.

Depuis quelques années, j'ai accordé plus d'importance à la qualité du titre qu'à son prix. Autrement dit, voulant aller plus loin que le simple chasseur d'aubaines, j'ai accepté de payer un peu plus cher pour ce que j'estime être une société de plus grande qualité (que je pourrai donc conserver plus longtemps).

Je reste convaincu que c'est la meilleure approche. Toutefois, la crise m'a fait réaliser que, quelle que soit la qualité de la société, la clé ultime est de payer le moins cher possible. Lorsqu'on achète un titre solide à moins de 10 fois les profits, on augmente ses chances de gagner beaucoup, beaucoup d'argent.

Cultiver l'humilité

Enfin, la crise financière de 2008-09 est un rappel percutant que tout est possible. Dans ce sens, la Bourse est une constante source d'humilité et de modestie. On se croit génial lorsque, marché haussier aidant, on empoche les profits. Cela semble beaucoup moins vrai lorsque la Bourse dégringole.

En fait, il faut développer l'art de constamment se remettre en question, de façon saine, c'est-à-dire sans en faire une obsession.

Le but : être d'ouvert aux erreurs, les repérer le plus rapidement possible et avoir l'ouverture d'esprit nécessaire pour les admettre. Peu importe notre niveau de connaissances financières, nous restons humains (espérons-le !).

Finalement, la clé à long terme n'est pas de ne pas faire d'erreur (comble de la prétention). C'est d'apprendre constamment et devenir meilleur, année après année. Cela devrait être la grande leçon de cette récente crise. En attendant la prochaine.

De mon blogue

www.lesaffaires.com/bernard-mooney

Faire peur au monde avec la dette

À en croire Pierre, Jean, Jacques, nous sommes au bord d'un cataclysme financier à cause de la dette.

Je ne veux pas vous faire croire que la dette n'est pas un problème. Les déficits gouvernementaux et la dette des pays, en commençant par les États-Unis, sont inquiétants. C'est vrai, mais jusqu'à un certain point.

Tout n'est pas noir. Un exemple : il est vrai que le consommateur américain est surendetté. Et ceux qui ont prêté à ce consommateur (institutions financières partout sur la planète) ont perdu des milliards. Par contre, la situation financière des sociétés non financières aux États-Unis est très solide. Et cela, vous n'en entendez jamais parler... [suite sur le blogue]

Vos réactions

" Attention. Toutes les dettes gouvernementales seront payées (au bout du compte) par les payeurs de taxes ! On repousse donc une partie du problème à plus tard. "

- Ben72

" Cela fait au moins 25 ans que je suis à la Bourse, et d'après les journalistes et les analystes, il y a toujours un krach qui s'en vient pour très bientôt. On ne peut pas avoir un krach chaque année ! "

- Easter

bernard.mooney@transcontinental.ca

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