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Pandémie: les start-ups féminines s’accrochent

Jean-François Venne|Publié le 15 juin 2020

Pandémie: les start-ups féminines s’accrochent

(Photo: 123RF)

DÉFI START-UP. Les jeunes pousses détenues et opérées par des femmes persévèrent dans un contexte particulièrement difficile pour elles. Elles sont majoritaires dans les secteurs les plus touchés par la crise et doivent souvent composer avec un alourdissement de leurs responsabilités personnelles.

 

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Femmessor, un organisme qui finance et accompagne les entrepreneures, a publié en avril un rapport illustrant l’énorme impact de la pandémie sur celles-ci. Des 1 080 répondantes à cette enquête réalisée du 16 au 20 avril, 27% étaient en prédémarrage (3%) ou en démarrage (24%). «Ces start-ups sont les plus affectées financièrement et les plus nombreuses à craindre de ne pas pouvoir s’en remettre», alerte sa PDG, Sévrine Labelle.

Les femmes dont les entreprises se trouvaient dans les secteurs du commerce de détail et des soins de santé et d’assistance sociale accusent durement le coup. Or, cela représente près de 20% des répondantes interrogées par Femmessor. Dans l’ensemble, deux sociétés sur trois fonctionnaient à 50% de leur capacité en avril et 57% avaient déjà vu leur chiffre d’affaires fondre considérablement.

Au départ, de nombreuses entrepreneures se voyaient privées d’accès aux aides gouvernementales, en particulier du côté des jeunes pousses. Une grande partie de ces mesures étaient basées sur la masse salariale. Or, près du tiers des entreprises sondées par Femmessor ne comptaient aucun employé.

Elles se trouvaient donc de facto exclues des subventions salariales et de la plupart des programmes de prêts ou de garanties de prêts. « Les gouvernements ont procédé à quelques ajustements depuis, en assouplissant les critères liés à la masse salariale ou aux revenus de l’année précédente, donc cela pourrait aider quelques start-ups », précise Sévrine Labelle.

 

Double tâche

Dans l’ensemble, 75% des femmes avaient bon espoir de passer à travers la crise, même si cela nécessitait un bouleversement de leur modèle d’affaires révèle le sondage de Femmessor. Ce chiffre ne rassure pas tout à fait Déborah Cherenfant, présidente de Compagnie F, un organisme d’accompagnement et de formation des entrepreneures. « Je crains que l’on ne perde un nombre quand même important de start-ups dirigées par des femmes, en particulier celles qui se trouvent en prédémarrage ou au tout début de leur démarrage », s’alarme-t-elle.

Bien sûr, cette crainte repose en partie sur le fait que les femmes sont très actives dans les secteurs économiques touchés par la crise, mais il y a plus. Mme Cherenfant rappelle que de nombreuses enquêtes, notamment l’Indice entrepreneurial de Réseau M, ont démontré que les femmes entrepreneures présentent une plus forte aversion au risque que les hommes. «Or, le contexte actuel marqué par de grandes incertitudes décuple les risques», souligne-t-elle.

Elle explique également que le confinement et le télétravail ont augmenté la charge mentale des femmes. Certaines se trouvent tiraillées au quotidien entre les enfants retenus à la maison et les parents plus âgés, qu’elles doivent aider à distance. Un récent document de la Chambre de commerce des femmes du Canada en témoigne.

Dans ce rapport publié en mai, 53% des femmes interrogées soutenaient accorder plus de temps aux enfants et à leurs aînés depuis le début de la crise, comparativement à environ 12% des hommes. Ce poids additionnel, jumelé au stress lié à la gestion d’une entreprise soudainement privée de revenu, nuit à leur santé mentale et à leur désir de poursuivre l’aventure de l’entrepreneuriat.

 

Adapter le soutien

Pour survivre à la pandémie, les start-ups féminines auront donc besoin d’un coup de pouce. Le nerf de la guerre reste le financement, en particulier pour celles qui n’ont pas accès aux programmes d’aide gouvernementaux et celles qui doivent faire pivoter leur modèle d’affaires. Près de la moitié des femmes interrogées par Femmessor s’avouaient en recherche active de fonds.

«Les mesures d’urgence servent à payer la base, comme le loyer, les salaires ou les remboursements de dettes, mais ce n’est pas viable à long terme, avance Mme Labelle. Pour s’adapter, revoir leur modèle d’affaires, effectuer un virage numérique ou mettre en œuvre des projets de R et D, il faudra trouver d’autres sources de financement.» Fait à noter, 40% de ces entreprises avaient besoin de moins de 10 000 dollars pour poursuivre leurs activités, une fois épuisée l’aide gouvernementale. À peine 11% recherchaient plus de 50 000 dollars.

«Les femmes auront aussi besoin d’accompagnement pour développer des compétences, réussir leur transformation numérique ou imaginer de nouveaux modèles d’affaires, ajoute Mme Labelle. Dans un contexte où fournir ces services est devenu plus complexe qu’auparavant, l’écosystème de l’entrepreneuriat devra s’adapter pour les appuyer efficacement.»