En créant toute une série d'outils de diagnostic destinés aux PME, Josée St-Pierre a fait d'une pierre deux coups. La professeure à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) a non seulement aidé les entreprises en dressant leur bilan de santé complet, mais a aussi compilé l'une des plus imposantes banques de données sur les PME dans le monde. Une recherche de longue haleine aux retombées multiples.
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C'est dans les années 1990 que Josée St-Pierre s'attaque à ce projet d'envergure. À l'époque, les banques sont frileuses et hésitent à prêter aux PME. Pour évaluer leur situation, elles ne regardent que l'état de leurs finances. Ce qui est très réducteur, estime celle qui enseigne pourtant... les finances ! À la demande d'un groupe d'entrepreneurs, elle tente, avec son équipe, de mettre au point une cote de crédit pour PME, à l'image de celle de Standard & Poor's. «Cela nous a pris deux ans simplement pour créer un questionnaire qui était vraiment adapté à la réalité des chefs d'entreprises», explique celle qui dirige aussi le Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises, mis sur pied dans la foulée de ce projet.
C'est la genèse de la création de l'outil diagnostic PDG (performance, développement, gestion), une marque de commerce appartenant à l'UQTR. À l'aide d'un questionnaire d'une quinzaine de pages, l'outil passe au crible toutes les facettes de l'organisation : ressources humaines, formation, équipements, etc. Les réponses sont compilées dans une banque de données qui génère un rapport en quelques minutes. Les conclusions sont ensuite validées par un expert.
Cibler les orientations stratégiques
L'approche utilisée par la chercheuse rend l'exercice unique. «Ce qui nous distingue, c'est le fait de comparer les entreprises selon les orientations stratégiques de leurs dirigeants plutôt que par secteur. Car traditionnellement, on compare les fabricants de portes et de fenêtres entre eux. Mais cela ne tient pas la route si l'un d'eux veut devenir le plus important du monde, et l'autre, rester sur le marché local», explique Mme St-Pierre.
En 28 pages, le rapport permet donc à la PME de se mesurer à d'autres qui ont les mêmes visées qu'elle, tout en précisant ses forces et ses faiblesses. «On ne se contente pas de souligner ses vulnérabilités, mais on explique pourquoi elles en sont et comment y remédier», ajoute-t-elle. Par exemple, en suggérant à une PME d'augmenter son budget de recherche pour s'aligner sur la moyenne des organisations avec qui elle se compare. Ou en lui conseillant d'augmenter son budget de formation pour s'accorder sur les autres PME de sa catégorie.
Créé en 1997, l'outil PDG Manufacturier a fait des petits et se décline aujourd'hui en plusieurs versions qui analysent, entre autres, les PME du domaine des services, le leadership du chef de l'entreprise, sa capacité à prendre des risques, etc.
«L'objectif n'est pas de se substituer aux consultants, mais plutôt de créer des bases de données pour soutenir la recherche scientifique, indique Josée St-Pierre. Ces outils nous permettent d'avoir accès à des informations privilégiées, qu'il serait impossible de compiler avec une enquête ou autrement.»
En effet, comme la plupart des PME ne sont pas inscrites en Bourse, elles ne produisent pas d'états financiers publics. Comprendre leur fonctionnement peut donc se révéler complexe...
Combiner finance et management
Jusqu'à maintenant, les données compilées constituent une mine d'or d'informations pour les chercheurs.
Plus de 35 mémoires de maîtrise, 4 thèses de doctorat, au-delà de 40 articles publiés dans des revues scientifiques et des dizaines de communications dans des congrès internationaux découlent de la collecte obtenue au moyen de l'outil PDG Manufacturier. Et ce, sans compter les quelque 1 000 diagnostics générés pour près de 800 entreprises du Québec et même de France, du Cameroun et du Mexique.
«L'expertise que nous avons développée a aussi joué un rôle significatif dans la mise sur pied de la Chaire de recherche du Canada sur la gestion de la performance et des risques des PME», ajoute celle qui est titulaire de cette instance.
Les données ont permis différentes découvertes sur les PME. Par exemple, l'équipe a découvert que les efforts consacrés à la recherche et au développement donnent des résultats différents, selon que l'investissement touche les produits, les procédés ou les équipements. Des informations intéressantes pour élaborer des politiques publiques d'aide aux PME.
Plusieurs entrepreneurs ont aussi utilisé leur diagnostic comme outil de gestion, ajoute la chercheure qui dit avoir reçu plusieurs témoignages en ce sens. «Certains ont même utilisé notre bilan pour négocier du financement auprès de leur institution bancaire», indique la chercheure. D'autres ont décidé d'abandonner une ligne de production ou de créer un conseil d'administration, cite-t-elle en exemple.
Mais surtout, cela change la façon de voir les PME. «Encore aujourd'hui, on peut prendre 15 ouvrages traitant de finance et on n'y trouvera jamais notre approche qui tient compte de l'orientation stratégique du dirigeant, et qui combine la finance et le management. Grâce à ces recherches, je n'enseigne plus la finance entrepreneuriale de la même façon», souligne Josée St-Pierre.
10 : Nombre d’années de recherche et développement nécessaires afin de comprendre les déterminants de la performance des PME et développer des outils de diagnostic pertinents et adaptés, pour des investissements de plus de 2,5 millions de dollars. Source : UQTR
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