Un royaume tourné vers l'avenir


Édition du 03 Juin 2017

Un royaume tourné vers l'avenir


Édition du 03 Juin 2017

En septembre 2013, on inaugurait la toute nouvelle route 175 à quatre voies - une quasi-autoroute - entre Québec et Saguenay. Soulagement pour les conducteurs : pas moins de 47 accidents mortels s'étaient produits au cours des quatre années précédentes (collisions entre véhicules, et, parfois, avec des orignaux).

Sur de larges sections, une grande clôture empêche dorénavant ces derniers de s'aventurer sur la voie.

Tout le monde s'entend qu'à cet égard, c'est une nette amélioration, mais pour le reste, les avis des Saguenéens sont partagés.

S'agit-il d'un accès désormais plus facile et sécuritaire au royaume, ou vient-on au contraire de permettre à ceux et à celles qui veulent partir pour de bon de se pousser encore plus vite ?

À sa mesure, cette ambivalence envers un simple lien routier symbolise les défis que la grande région du Saguenay-Lac-Saint-Jean doit maintenant affronter.

Continuer à miser sur la grande industrie lourde, qui a fait la fortune de la région, mais qui s'étiole, ou espérer l'émergence d'un nouveau tissu entrepreneurial ?

Se faire valoir auprès des touristes par ses attraits traditionnels ou en réinventer de nouveaux plus en phase avec le siècle ?

Reproduire les mêmes modèles ou plonger dans l'inconnu ?

Voici une région phare du Québec qui se retrouve en pleine tourmente existentielle, d'autant que les ressources qui ont fait sa prospérité - le bois et l'aluminium - sont directement dans la mire protectionniste du gouvernement Trump.

Cependant, d'autres ont vécu des tourments encore pires et s'en sont relevés. Leur recette pour y parvenir : miser sur les entrepreneurs locaux avec l'appui de leaders motivés.

En 2004, Whirlpool fermait définitivement son usine d'électroménagers à Montmagny, une municipalité d'environ 10 000 habitants située 70 kilomètres à l'est de Québec, sur la rive sud. Elle y faisait travailler 500 personnes. Le choc a été très durement ressenti.

Si on répartissait ces chiffres en prenant pour exemple la population de Montréal, à des fins de comparaison, on parlerait de la disparition de 100 000 emplois. Impensable. Impossible de survivre.

Et pourtant, Montmagny et ses environs sont aujourd'hui en situation de plein emploi. L'entrepreneuriat local a brillamment pris la relève.

Les salves américaines sur le bois d'oeuvre pourraient faire mal dans la région, mais l'économie y est devenue si diversifiée, avec la Maison Laprise, Ressort Liberté, Marquis Imprimeur et autres PME sans complexes, que la tempête que certains appréhendent devrait être contenue. D'autant que la main-d'oeuvre disponible se fait rare et que les gens de métier sont en demande. Il n'y aura pas de Whirlpool 2.0.

Ce qui aurait pu être un coup fatal s'est révélé le déclencheur d'une prise de conscience collective. Les multinationales peuvent offrir de bons salaires, mais elles n'ont pas de véritables assises locales. «Ce sont amis que vent emporte, et il ventait devant ma porte, le vent les emporta...» écrivait au 13e siècle le poète Rutebeuf. Ce poème demeure toujours poignant tant pour des individus que pour des collectivités.

Outre Montmagny, les habitants de Shawinigan, entre autres, ont dû admettre, des centaines d'années après la rédaction de ce poème, que les faux amis décampent quand le vent souffle de la mauvaise direction. Cette ville de la Mauricie, jadis la plus prospère du pays, a mangé son pain noir depuis.

Elle est passée à deux doigts de s'effondrer. Les jeunes la désertaient. Le taux de chômage y était un des plus élevés du Québec. Une à une, les cheminées industrielles qui avaient fait sa fortune se sont éteintes... mais il ne faut jamais prendre une population pour battue quand certains de ses membres influents relèvent la tête pour faire face aux vents contraires.

Shawinigan est aujourd'hui en train de montrer au Québec qu'il est possible de se réinventer, en éliminant la nostalgie d'une gloire passée et en regardant droit devant. Par exemple, la ville devient un des hauts lieux de l'électrification des transports avec AddÉnergie et Nemaska Lithium. Ses PME technologiques, comme SIM, côtoient de grandes entreprises comme CGI. Et le Digihub, niché dans l'ancien complexe de la Wabasso, aide pleins de start-up à se faire une place au soleil. Pour mémoire, plus de 1 000 personnes ont perdu leur emploi en 1985, quand Wabasso a fermé son usine de textile. L'endroit est pourtant aujourd'hui un haut lieu de l'économie 2.0.

Alors, pourquoi pas un tel renversement de tendance au Saguenay-Lac-Saint-Jean ?

Il faudra y mettre le temps. Ici, le réflexe demeurait de croire en une filière centenaire, qui avait vu les grands-parents, puis les parents, entrer en usine et s'y faire une bonne vie, avec de beaux salaires et toute une gamme d'avantages sociaux. On avait le sentiment que cette situation allait se prolonger indéfiniment.

Mais les temps ont changé. L'ancien régime ne tient plus.

Et si on changeait de régime, comme ça s'est passé à Montmagny ou à Shawinigan ? Avec tous les atouts dont la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean dispose, c'est certainement là un objectif à sa portée. Il ne s'agit pas de faire une croix sur le passé, mais bien d'élargir l'horizon pour aller plus loin. Et c'est assurément faisable.

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