Le pantalon de neige et les paradis fiscaux

Offert par Les Affaires


Édition du 09 Décembre 2017

Le pantalon de neige et les paradis fiscaux

Offert par Les Affaires


Édition du 09 Décembre 2017

Début novembre, je cherchais à acheter un pantalon de neige pour mon petit dernier. Il faut croire que je suis une consommatrice exigeante, mais le fait est que je ne trouvais pas mon bonheur dans les boutiques que j'ai eu le temps de visiter avec mon garçon. Enfer ! Qu'allait-il porter, quand la neige arriverait ?

Même la petite boutique de vêtements pour enfants de ma rue, celle qui est toute petite, où on circule mal entre les portiques et les poussettes, celle que je visite pourtant régulièrement parce que j'y trouve des morceaux jolis et bien cousus, n'avait pas le fameux pantalon-renforcé-aux-genoux-avec-des-bretelles-taille-8-ans de mes rêves.

J'en ai parlé à la vendeuse, Lili. On commence à se connaître, elle et moi. Bientôt 16 ans que je suis sa cliente. Lili m'a assurée qu'elle avait vendu son dernier pantalon du genre le matin même et qu'elle était certaine qu'il serait trop grand pour l'enfant qu'il était censé habiller. «La cliente va me le rapporter, je vais t'appeler.» On a échangé une nouvelle fois nos numéros sur une feuille de bloc-notes déchirée et j'ai gardé la foi. Pendant une semaine (quand j'ai la foi, c'est pour longtemps).

J'ai bien fait. Le patron de la boutique m'a rappelée pour me dire qu'il avait l'objet de ma convoitise. «Gardez-le moi, j'arrive !» Mon petit bonhomme l'essaye et se plaît dedans, je paye et nous rentrons à la maison. Il est fier et défile devant son papa, finit par retirer l'habit et sort de la poche un morceau de carton. «C'est quoi ça, maman ?»

C'était une étiquette de prix, 30 % moins cher que ce que j'avais payé. Elle devait être accrochée au pantalon il y a deux ou trois ans, quand il était dans les rayons, avant de se perdre à la fonte des neiges dans l'entrepôt du commerçant. Je venais d'acheter un vêtement vieux de quelques saisons au prix de l'hiver 2018.

J'habite à côté, j'aurais pu retourner réclamer la différence, moins 10 $, politique d'exactitude des prix. Je me suis plutôt réjouie d'avoir payé trop cher. Parce que cette boutique m'offre des produits de qualité, comprend mes besoins, fait l'effort d'y répondre, à deux pas de chez moi.

Ces services ont un prix. Nos services publics aussi, ont un prix. Si on veut qu'ils soient bons, nous devons les payer. Si on veut qu'ils soient meilleurs, peu importe que la fiscalité soit «plus concurrentielle» aux îles Caïman ou à la Barbade, c'est au Québec et au Canada qu'on paye l'impôt pour les gains qu'on y réalise. Si on en faisait tous autant, imaginez les services qu'on pourrait se payer ! Imaginez un réseau de l'éducation immunisé contre le décrochage scolaire ! On arrêterait peut-être de pleurer sur la pénurie de main-d'oeuvre.

Julie Cailliau
Rédactrice en chef, Groupe Les Affaires
julie.cailliau@tc.tc

À propos de ce blogue

Julie Cailliau est éditrice adjointe et rédactrice en chef du Groupe Les Affaires, dont l’équipe de journalistes chevronnés publie le journal Les Affaires, le site lesaffaires.com et le magazine Les Affaires Plus. Elle est également présidente du conseil d’administration de la Fondation des prix pour les médias canadiens. Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille, en France, Julie a pratiqué le métier de journaliste au sein de plusieurs publications françaises et québécoises. Dans une vie précédente, elle a œuvré à titre d’ingénieure en biotechnologies. Son « why », c’est d’apprendre et d’informer afin de nous permettre de faire les bons choix. La prise de conscience de l’urgence environnementale et l’émergence de l’entrepreneuriat social comptent pour elle parmi les tendances les plus réjouissantes actuellement.