Après la pénurie de main-d’œuvre, la pénurie de places en garderie?


Édition du 20 Mars 2024

Après la pénurie de main-d’œuvre, la pénurie de places en garderie?


Édition du 20 Mars 2024

Par Catherine Charron

L’Équipe Laurence a installé un espace cuisinette, aménagé sa cour, installé une salle de bain adaptée aux tout-petits et s’est procuré le matériel nécessaire comme des livres, des jouets et les électroménagers. (Photo: courtoisie)

Alors qu’il s’apprête à souffler sa deuxième bougie, le projet pilote de service de garde éducatif en communauté chapeauté par le ministère de la Famille peine à se tailler une place au sein des entreprises du Québec.

En effet, parmi les 136 projets approuvés par la province au moment d’écrire ces lignes, seules 17 organisations mettent à la disposition des responsables de service de garde (RSG) de l’espace pour prendre soin des enfants.

Cette formule semble gagner des adeptes. « En janvier 2023, les entreprises représentaient 9 % de nos demandes. On est maintenant à 16 % », rapporte la coordonnatrice de l’équipe qui a bâti ce projet pilote, Sylvie Dubois.

Lancé en 2022, le projet pilote des garderies se veut une « alternative complémentaire » aux différentes structures déjà existantes afin d’augmenter rapidement le nombre de places en services de garde subventionnées.

Beaucoup plus rapide et moins complexe à implanter que les « installations en entreprise », qui permettent d’accueillir jusqu’à 80 enfants, il est destiné aux plus petites organisations en s’inspirant du modèle des garderies en milieu familial. En effet, « 92 % des projets ont ouvert en moins de six mois, alors que les installations, ça se compte en années », indique celle qui assure la direction par intérim du soutien à la conformité et à la qualité.

C’est d’ailleurs pourquoi duBreton et Équipe Laurence se sont tournées vers cette option. Les deux entreprises avaient dans leur équipe des employés qui ne parvenaient pas à trouver d’endroit qui prendrait soin de leurs enfants.

En l’espace de quelques mois, toutes deux ont à la fois signé une entente avec des RSG et effectué les rénovations nécessaires afin que l’espace réservé soit conforme aux exigences du ministère.

Équipe Laurence a par exemple dû installer un espace cuisinette, aménager sa cour, installer une salle de bain adaptée aux tout-petits et se procurer le matériel nécessaire comme des livres, des jouets et les électroménagers. Le bureau de service-conseil en génie de Sainte-Adèle a aussi dû insonoriser ses locaux, afin que ses employés ne soient pas trop incommodés par le bruit.

La facture totale avoisine les 80 000 $, indique son président, Alexandre Latour. Le jeu en vaut toutefois la chandelle : « Pour inciter [les RSG] à venir travailler ici, on s’occupe de payer toutes les dépenses liées au local, on ne leur charge pas de loyer. »

L’espace doit aussi respecter à la fois le code du bâtiment et les règlements de la municipalité, raison pour laquelle il n’est pas possible dans certaines zones résidentielles d’accueillir autant d’enfants que souhaité.

Line Breton, vice-présidente aux ressources humaines chez duBreton, avait déjà un local adapté à Saint-Bernard, la société ayant hébergé une garderie du début des années 1990 à 2008. Elle ne s’en est toutefois pas tirée aussi facilement

à Saint-Charles-de-Bellechasse, où elle ne parvient pas à trouver d’espace à louer en zone industrielle ou commerciale pour y accueillir 12 autres tout-petits. « Nos usines sont pleines. Je ne peux pas me dire que je vais prendre une partie pour faire une garderie. »

« On effectue des travaux pour voir s’il y a des choses possibles avec la Régie du bâtiment, mais pour l’instant, règle générale, on ne peut pas accueillir dans une résidence plus de neuf enfants », indique Sylvie Dubois.

 

Trouver le bon partenaire

Si les deux entreprises ont trouvé conjointement avec le bureau coordonnateur de leur région des RSG sans trop de difficultés, tous n’ont pas cette chance, précise Sylvie Dubois. Certains des projets qui leur ont été soumis sont tombés à l’eau, faute de trouver ces ressources essentielles.

Cette dernière réitère que ces RSG ne sont pas des employés de l’entreprise. En tant que travailleurs autonomes, ils n’ont aucun lien de subordination avec l’organisation qui met à sa disposition un local.

L’employeur ne peut donc que négocier les heures qu’il souhaite voir couvertes par le service de garde, et l’ordre de priorité respecté pour octroyer des places. En plus de faciliter cette relation d’affaires, c’est le bureau coordonnateur de la garde éducative en milieu familial régional qui coordonne ce projet pilote et qui garantit le suivi de la qualité du service offert.

Les ententes de six mois signées entre parents et RSG permettent de s’assurer que les enfants gardés en milieu de travail sont ceux des employés.

Sur les 12 places offertes dans les bureaux d’Équipe Laurence, 11 sont comblées par des tout-petits dont les parents travaillent pour l’entreprise. « Trois enfants de la commu-nauté ont donc dû laisser leur place à ceux de nouveaux employés », indique Alexandre Latour.

 

Des roches dans l’engrenage

La gestion des absences des RSG peut parfois causer des maux de tête à l’employeur, lui qui ne peut par exemple trouver quelqu’un pour la remplacer.

Pour tenter de ne pas trop affecter la prestation de service des parents qui font garder leurs enfants près du boulot, Line Breton a demandé aux deux RSG de lui indiquer au début de l’été quelles étaient leurs dates de vacances. Ainsi, les parents qu’elles emploient pourront s’adapter.

Les coûts liés à l’adaptation des espaces de travail rebutent nombre d’entreprises qui lui ont demandé conseil avant de se lancer dans l’aventure, ajoute Alexandre Latour.

Ce dernier message résonne même jusqu’au ministère, confirme Sylvie Dubois.

Ce projet reste cependant bien accueilli par les membres de leur équipe, confirment les deux dirigeants.

« Certains employés hésitaient à avoir des enfants à cause du manque de place en garderie. Le fait d’avoir cette possibilité a fait en sorte qu’ils se sont dit “Go !”, on démarre la machine », confie Line Breton.

Non seulement cette garderie a permis à certains employés de remettre les pieds au travail, mais a aussi attiré de nouveaux talents, renchérit Alexandre Latour. « Je ne vois que du positif pour le moment. On a rendu des parents très heureux. Ils gagnent un temps énorme et ça enlève un stress important, car dans notre secteur, on manque de garderie. »

Mine de rien, ces bambins qui interagissent avec le milieu de travail de leurs parents, ça crée une dynamique que l’entreprise n’aurait pu vivre autrement. « C’est beau de les voir grandir », avoue le patron.

Le projet pilote passera sous la loupe de la Direction de la veille et des connaissances stratégiques en 2025. « Selon les conclusions, que nous aurons dans la même année, on va faire les modifications législatives et réglementaires dans le but de rendre ce mode de garde permanent », confirme Sylvie Dubois.

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