BLOGUE. La fierté. Un mot rare au travail. Et pourtant un mot – ô combien! – précieux.
En effet, les missions s'enchaînent les unes après les autres à un rythme si fou que nous prenons rarement le temps de nous arrêter une seconde pour savourer les succès enregistrés ici et là. Nous courons, nous courons, nous courons encore et toujours, sans jamais avoir la sensation de franchir la ligne d'arrivée. Et du coup, nous nous empêchons de ressentir la fierté du travail bien accompli. Pour ne pas dire d'être fiers de nous-mêmes.
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Comment pourrions-nous retrouver un peu de fierté? C'est justement ce que montre une étude intitulée The entourage effect. Celle-ci est signée par deux professeurs de marketing : Brent McFerran, de l'École de commerce Stephen-Ross de l'Université du Michigan (États-Unis); et Jennifer Argo, de l'École de commerce Alberta de l'Université de l'Alberta (Canada).
Les deux chercheurs ont mené cinq expériences sur un point très précis, à savoir ce que ressentait une personne bénéficiant d'un traitement VIP (pour Very Important Person) lorsque celle-ci a la possibilité de savourer cet agréable moment avec des amis. La première expérience leur a permis d'obtenir les principaux résultats, lesquels ont été peaufinés par la suite grâce aux quatre autres.
Ainsi, Mme Argo et M. McFerran ont réservé une loge VIP lors d'un match important de Ligue canadienne de football pouvant accueillir une quinzaine de personnes. Cette loge était dotée, entre autres, de sièges luxueux et d'un buffet où l'on pouvait se servir à volonté de petites bouchées et de boissons alcoolisées. Et bien sûr, elle offrait une vue exceptionnelle sur le terrain de jeu.
Avant le début de chaque période de jeu, il a été proposé à des spectateurs installés dans les gradins de venir dans la loge VIP. Et d'emmener avec eux leurs amis, s'ils en avaient. Ceux qui acceptaient l'offre pouvaient dès lors en profiter à leur guise durant toute la période de jeu, à condition de répondre juste après à des questions visant à déterminer comment ils se sentaient.
On s'en doute bien, plus de 90% des personnes à qui cette offre a été faite l'ont aussitôt acceptée. Qui ne rêve pas, comme ça, à l'improviste, de bénéficier d'un traitement VIP?
Qu'est-il ressorti de cette expérience? Deux choses intéressantes :
1. Ceux qui sont venus avec leurs amis ont nettement plus savouré le traitement VIP que les autres.
2. Plus les bénéficiaires du traitement VIP étaient entourés d'amis, plus ils ont apprécié les avantages qui leur avaient été offerts.
Ce n'est pas tout. Les autres expériences ont permis aux deux chercheurs d'apprendre que l'effet de l'entourage sur la personne privilégiée s'atténue si :
> On éloigne physiquement les amis de la personne privilégiée;
> On offre des avantages aux amis de la personne privilégiée;
> On offre des avantages à d'autres personnes (dans le cas présent, si on voit que dans la loge voisine les avantages sont supérieurs aux nôtres, du genre champagne au lieu de la bière).
Autrement dit, nous ne ressentons, vous comme moi, un vif plaisir des avantages qui nous sont offerts que si nous sommes entourés d'amis. Plus précisément, que si nous en bénéficions avec eux. Pourquoi? «Parce que nous ressentons une grande fierté de bénéficier d'avantages et d'en faire profiter nos proches. Notre plaisir découle alors directement de nos connexions sociales. Plus ces dernières sont riches, plus nous en retirons de satisfaction», disent en substance les deux chercheurs dans leur étude.
Qu'est-ce que cela a comme implication au travail? C'est simple :
> Qui entend rendre les membres de son équipe fiers d'eux-mêmes doit leur offrir un cadeau digne d'un traitement VIP, en veillant à ce que tous en profitent ensemble, en même temps, et surtout en présence de leurs proches les plus chers (famille, amis, etc.). Pas besoin que cela corresponde à la célébration d'un bon coup de l'équipe : l'effet de surprise peut tout à fait décupler le plaisir ressenti de se faire soudain traiter comme quelqu'un de très important.
Voilà. C'est aussi simple que ça.
En passant, l'écrivaine québécoise Alice Poznanska-Parizeau a dit dans Les militants : «La fierté, condition sine qua non de survie d'une collectivité».
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