La voiture électrique à bon marché est prête. Les moteurs sont au point depuis des années, tout comme les châssis, les systèmes de freins et de direction. Le hic, ce sont les batteries. La technologie au lithium-ion, qui assure une autonomie et une vitess Dans les grandes flottes d'entreprises de services publics et de municipalités, les fabricants de véhicules électriques et de batteries croient cependant avoir trouvé le marché idéal pour produire en grandes séries et réaliser d'importantes économies d'échelle. " Si nous avons accès à un marché comparable à celui des véhicules à pétrole, nos batteries seront vendues à prix concurrentiel ", assure John Searle, pdg de la française Saft. Cette entreprise a fourni les batteries pour les Cleanova de la Société des véhicules électriques (SVE). Ces fourgonnettes sont équipées de moteurs électriques TM4 fabriqués à Boucherville, près de Montréal. Une trentaine de prototypes ont été fabriqués et testés dans les flottes d'organisations françaises comme Électricité de France et La Poste. Pour parvenir à diminuer ses coûts, Saft s'est alliée à Johnson Controls, le géant américain de l'équipement pour automobiles. Le nouveau consortium vise le contrat de production de 250 à 500 batteries pour des véhicules basés sur les Cleanova. Ce concept part favori pour la fabrication, dès l'an prochain, de fourgonnettes pour La Poste française. La société d'État a lancé au printemps dernier un appel d'offres pour 500 véhicules tout électriques dotés d'une autonomie de 120 km. La Poste a déjà testé huit prototypes de Cleanova. Elle s'en est dit tout à fait satisfaite. Sur les sept propositions que la société d'État a acceptées, deux sont basées sur ce concept. Vers la production de masse C'est le plus ambitieux appel d'offres du genre au monde. Mais ce n'est pas encore assez pour permettre d'importantes économies d'échelle. Si les 500 premières voitures achetées par La Poste conviennent, la société d'État compte cependant en acheter 10 000 autres d'ici 2012. Advenant le choix d'une proposition basée sur le concept Cleanova pour produire les véhicules, la SVE recevra d'importantes redevances. Quant à celui qui fabriquera les batteries pour ces fourgonnettes, il réalisera le plus important contrat de fabrication de batteries pour véhicules électriques jamais attribué. De quoi faire saliver Johnson Controls-Saft. Et la SVE : pour Damien Crespel, directeur du développement des affaires, c'est à cette échelle de production que la voiture électrique deviendra abordable et s'imposera sur le marché. En attendant, la nouvelle alliance entre Saft et Johnson Controls a porté fruit dans le marché américain. Le groupe a décroché en août le contrat de fabrication de batteries au lithium-ion pour 20 prototypes de camions Dodge Sprinter hybrides de Chrysler. Idéaux pour les flottes de livraison de courrier et le transport d'équipement, ils seront dotés d'une autonomie de 30 à 50 km et pourront être rechargés sur le réseau électrique. Mais pour Chrysler, ce n'est qu'un début." La cible d'autonomie est de 120 à 200 km", dit Steven Clark, directeur principal du programme de batteries à haute énergie au centre de développement des véhicules hybrides de Chrysler. Il est également représentant du United States Advanced Battery Consortium, qui regroupe trois grands constructeurs américains pour la recherche sur les batteries. Offrant une autonomie de 120 km et une vitesse de pointe de plus de 100 km/h, les prototypes Cleanova de la SVE ont déjà les capacités visées par l'industrie. Mais les batteries Saft ayant équipé la trentaine de prototypes ont coûté des dizaines de milliers de dollars chacune. Cinq de ces autos ont été ou seront expédiées chez Hydro-Québec. Dans l'industrie des batteries, c'est à qui pourra produire des batteries aussi performantes, mais beaucoup moins chères. Celui qui réussira ce coup de force permettra à la voiture électrique de s'imposer et pourra dominer ce marché. Réduire les coûts Pour l'instant, la SVE ignore toujours quelles batteries seront destinées aux futures Cleanova. Cela dit," l'appel d'offres de La Poste permet de révéler les capacités industrielles de cette industrie, dit M. Crespel. Des fabricants sont très compétitifs sur le prix et ont une bonne capacité de développement industriel." En ce moment, les batteries de plusieurs prototypes sont louées à l'acheteur du véhicule. Cette formule permet au consommateur d'amortir cette dépense sur plusieurs années d'utilisation, comme il le ferait avec l'essence d'une voiture conventionnelle. Les fabricants de véhicules électriques espèrent que le coût de fabrication des batteries baissera suffisamment pour que leur location revienne au même prix que les dépenses en essence, pour la même distance parcourue. Johnson Controls-Saft et ses concurrents bombent le torse. Plusieurs manufacturiers jouent du coude pour remporter les contrats de fabrication des premiers véhicules électriques routiers à quatre places. À en croire des fabricants de prototypes, ils seront sur le marché d'ici 2009. Au Nevada, Altair Nanotechnologies compte fabriquer des batteries pour Phoenix Motorcars. Cette ontarienne veut produire dès l'an prochain 6 000 véhicules pour le marché des flottes de service en Californie et en Ontario. Miles Automotive se dit elle aussi prête à mettre sur le marché une berline routière d'une autonomie de près de 200 km, équipée d'une batterie chinoise. L'entreprise californienne a cependant refusé de nommer son fournisseur. General Motors, pour sa part, a octroyé des contrats de développement à Continental Battery et Compact Power. Elles sont en concurrence pour mettre au point des batteries au lithium-ion destinées à son prototype Volt. Bolloré veut aussi construire une fourgonnette électrique équipée de batteries d'une technologie différente, le lithium-métal-polymère. Après avoir racheté l'usine d'Avestor, filiale à 50 % d'Hydro-Québec, le groupe du milliardaire français Vincent Bolloré est devenu la seule entreprise à croire encore à cette technologie, supplantée dans les dernières années par les batteries au lithium-ion. Cet article est tiré du journal Les Affaires du 24 au 30 novembre 2007."