SLR et train: bon pour la Caisse, le trésor, moins pour l'usager

Publié le 13/01/2015 à 18:55

SLR et train: bon pour la Caisse, le trésor, moins pour l'usager

Publié le 13/01/2015 à 18:55

La Caisse de dépôt et le gouvernement s'entendent sur une forme de partenariat pour développer plus d'infrastructures au Québec. Deux projets ouvrent le bal: un SLR sur le pont Champlain et un train sur l'Ouest de Montréal.

L'humeur était optimisme et déterminée lors de la conférence de presse, en matinée. Le Québec doit avoir des infrastructures modernes, à la hauteur de ce que l'on voit ailleurs, a dit le premier ministre. "Quand la Caisse réussit, tout le monde y gagne", a de son côté soutenu Michael Sabia, en précisant que chaque fois qu'un usager utiliserait ces infrastructures, il contribuerait à consolider son régime de retraite.

Que penser de l'entente?

La bonne nouvelle, c'est qu'en amenant la Caisse comme propriétaire et gestionnaire des futurs services sur rail, on permettra au gouvernement du Québec d'investir dans des projets d'infrastructures en régions qui auraient dû être mis sur la glace. Le Québec est serré sur ses objectifs de ratio d'endettement et n'a pas l'espace budgétaire pour ajouter plus d'endettement s'il veut les atteindre. La Caisse comblera l'espace manquant.

Il ne faudrait cependant pas penser que le geste est sans coût.

Selon la méthode traditionnelle, un projet du genre aurait été conçu dans les officines gouvernementales, avec le concours de firmes conseil. Le gouvernement n'aurait pas cherché à faire de rendement avec le projet.

Combien la Caisse fera-t-elle de rendement avec le SLR et le train de l'Ouest?

Personne n'a voulu s'avancer publiquement et il est assez difficile de savoir quel rendement recherche la Caisse. Il y a quelques mois, en conférence avec les analystes, TransCanada indiquait que pour son projet de pipeline Énergie Est, elle recherchait un rendement dans la haute fourchette de sa cible 7-9%. On est un peu à l'aveuglette, mais il ne serait pas étonnant que l'institution québécoise recherche un rendement annuel sur l'investissement dans ces mêmes eaux. Postulons donc entre 7% et 10%.

Les deux projets sont évalués à 5G $, c'est dire que ces projets pourraient chaque année coûter entre 350 et 500 M$ de plus que selon la façon de faire traditionnelle.

Enlevons 100 M$ de frais pour tenir compte que Québec aurait dû financer le projet en empruntant à 100% alors que la Caisse et ses partenaires mettront probablement une mise de fonds de 35-40% (sur laquelle ils n'ont pas de coûts d'intérêts), on est autour de 250 M$ à 400 M$ de coûts annuels supplémentaires. Ça reste des sommes appréciables, qui ne seront pas payées par le gouvernement, mais par l'utilisateur. Et peut-être aussi, en fait, par le gouvernement, si la rentabilité des trains n'est pas suffisante pour fournir un rendement satisfaisant. Cette éventualité n'a pas semblé être redoutée en conférence de presse, mais elle n'a pas non plus été écartée.

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Pour justifier ce coût supplémentaire, il a beaucoup été question du fait que la Caisse avait l'expertise nécessaire pour trouver les meilleures solutions et diminuer les risques de dépassement de coûts, et que, s'il y avait dépassement, ce serait elle qui en assumerait l'entièreté.

"Ces grands projets ne sont pas nécessairement dans l'ADN du gouvernement du Québec", a, avec justesse, indiqué Philippe Couillard.

Il est vrai que la Caisse, avec ses participations dans d'autres projets d'infrastructures (The Canada Line à Vancouver, Heathrow Express à Londres, Gatwick Express à Londres et Keolis) a une connaissance du secteur et des façons de faire qui vient minimiser les risques et optimiser les résultats. Il est probable que le gouvernement, même accompagné d'une firme conseil spécialisée, n'arriverait pas à un projet aussi intéressant au plan financier.

On notera quand même qu'à 300 M$ de frais supplémentaires par année, l'opération est gagnante pour tout le monde si la présence de la Caisse évite que la facture double, mais elle ne l'est pas nécessairement si le dépassement de coûts est marginal.

Il ne s'agit pas de dire que l'option est mauvaise. Dans l'état actuel des choses, le Québec a besoin de se doter d'infrastructures modernes tout en retapant ses anciennes. Le maire Coderre a assez bien résumé la situation en disant que les besoins en transports collectifs ont, ces dernières années, nettement dépassé la capacité financière des pouvoirs publics. Il s'agit simplement de reconnaître qu'il y a un coût à tout cela, que quelqu'un le paiera, et que l'on n'était pas très enclin à le reconnaître en conférence de presse.

La Caisse gagne-t-elle?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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