Bourse: la prophétie 2016

Offert par Les Affaires


Édition du 12 Décembre 2015

Bourse: la prophétie 2016

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Édition du 12 Décembre 2015

Photo: Shutterstock

Humm, cette fois encore, il y aura eu un peu de brume dans les lunettes du prophète...

Quelle était la prophétie 2015, déjà?

«Le S&P 500 (États-Unis) devrait terminer 2015 autour de 2 210 points, en progression de 6 ou 7 %. Le S&P/TSX (Canada) devrait de son côté finir 2015 à 14 625 points, en recul de 1 %».

Vers quels résultat se dirige-t-on?

Le S&P 500 se négocie actuellement à près de 2 065 points, tandis que le S&P/TSX est à environ 12 900 points.

Vu autrement, ce qui devait avancer de 6 à 7 % n'aura finalement progressé que de 1,7 % ; et ce qui devait reculer de 1 %, reculera vraisemblablement d'environ 10 %.

Il y a déjà eu nettement plus gênant pour le prophète (en 2012, il avait prévu un indice new-yorkais en repli de 7 %, et celui-ci avait terminé à + 13 %). Il y a aussi déjà eu nettement mieux (en 2014, il était tombé à peu près pile sur les progressions des indices).

Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné cette année ?

Tout d'abord, les bénéfices.

À pareille date l'an dernier, le consensus des analystes prévoyait une progression de ceux-ci d'un peu plus de 8 % aux États-Unis et de 9,5 % au Canada. On ne croyait pas du tout à la prévision canadienne, en raison de la décision de l'OPEP de ne pas réduire sa production pétrolière. Cette décision laissait présager de sombres jours pour plusieurs sociétés de l'indice TSX. On avait réduit de moitié la prévision des analystes pour établir la nôtre (à 5 %). Ce n'était, à l'évidence, pas encore assez (les bénéfices ont avancé de 2,8 %).

Aux États-Unis, le consensus (+ 9,5 %) nous semblait plutôt faible. L'année précédente, les bénéfices avaient bondi de 11 % par rapport à une augmentation du PIB de 2,2 %. La prévision faisait état d'un accroissement du PIB de 2,7 %, ce qui nous avait amené à prudemment tabler sur une croissance de 10 % des bénéfices. Erreur. La croissance du PIB américain aura été un peu plus faible en 2015 (probablement autour de 2,4 à 2,5 %) et la hausse imprévue du dollar américain est venue contrecarrer l'avancée des bénéfices (+ 2,8 %), le taux de change retranchant plusieurs milliards de dollars aux bénéfices internationaux.

Voilà pour 2015.

Avant de passer à 2016, une observation.

L'investisseur sérieux ne fonctionne jamais à court terme, comme on s'amuse chaque année à le faire avec nos prévisions. Il recherche plutôt des sociétés dont l'évaluation est bon marché, qui affichent un potentiel de croissance incertain sur un an, mais quasi assuré sur cinq ans. Il colle ensuite à son analyse en sachant que le titre pourrait régresser au cours des deux premières années, mais que, à moyen et à long terme, il se trouvera à un niveau nettement plus élevé.

Cette observation faite, passons à la nouvelle prophétie.

La prophétie 2016

Le consensus des analystes pour 2016 prévoit en ce moment une progression des bénéfices de 9,5% au Canada et de 8% aux États-Unis. Ça semble encore une fois trop élevé.

Il est difficile de voir comment les bénéfices pourraient avancer à ce point au Canada. Il est probable que ceux des pétrolières vont reculer l'an prochain. Nombre de sociétés ont pu obtenir pour leur pétrole un meilleur prix que celui du marché en 2015, parce qu'elles avaient déjà vendu leur production par l'intermédiaire de contrats à terme. Ces contrats viendront à échéance et seront renouvelés à des prix moindres. Il est possible que le pétrole remonte vers les 50 $ US le baril à l'hiver, mais ce ne sera pas assez haut pour contrebalancer le phénomène. D'autant que ce 50 $ US ne tiendra probablement pas toute l'année. L'analyste Josef Schachter, de Maison Placements Canada (qui est notre préféré pour le secteur), prévoit que ce prix retombera à 40 $ US au printemps et qu'il se mettra lentement à remonter que dans les mois suivants.

Avec la Chine qui toussote, on ne voit pas non plus le prix des métaux tellement remonter.

Il est vrai cependant que la faiblesse du dollar canadien devrait aider les exportations.

Comme l'an dernier, réduisons l'anticipation de croissance du bénéfice de plus de la moitié, à 4% (même à ce niveau, on est peut-être un peu optimiste).

Aux États-Unis, l'année s'amorce sur une tendance plus intéressante, alors que la Réserve fédérale songe à hausser les taux d'intérêt. Soyons tout de même modérés et adoptons une augmentation des bénéfices à 6 %.

Cela veut dire un bénéfice 2016 qui devrait se situer à 910 pour le S&P/TSX et à 127 en ce qui concerne le S&P 500.

Il reste maintenant à choisir un multiple à accoler à chacune des prévisions.

Historiquement, le marché s'est en moyenne négocié à environ 15 fois le bénéfice à venir. Comme, à la fin de 2016, le marché aura tendance à anticiper les bénéfices de 2017, on a choisi d'adopter des multiples un peu plus élevés, de 16 au Canada et de 17,5 aux États-Unis. Un multiple plus fort est davantage appliqué aux États-Unis qu'au Canada, parce que l'économie américaine est la plus en forme de la planète.

Ce qui signifie que le S&P/TSX devrait terminer l'année 2016 autour de 14560 points: une progression de 12%. Pendant ce temps, aux États-Unis, le S&P 500 devrait clôturer autour des 2 220 points, en hausse de 7,5 %.

«N'empêchez pas l'esprit de vous éclairer: ne méprisez pas les prophéties; au contraire, examinez toute chose, retenez ce qui est bon.»

- 1 Thessaloniciens 5: 19-21

Suivez François Pouliot sur Twitter @f_pouliot

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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