Le projet de loi sur les mines vise-t-il vraiment la conciliation des usages?
Josée Methot|Publié le 25 septembre 2024Les entreprises ont l’obligation d’effectuer un minimum de travaux sur leurs claims pour maintenir leur validité. (Photo: AEMQ)
EXPERTE INVITÉE. Dans mon premier billet, j’avais effleuré brièvement une inquiétude à propos de la limitation de l’accès au territoire qu’engendrerait le nouveau projet de loi no 63 venant modifier la Loi sur les mines.
Alors que s’amorcent les consultations sur le projet de loi, force est de constater qu’une analyse approfondie des propositions législatives n’a fait que susciter encore plus de préoccupations au sein de l’industrie minière.
On se questionne sur les réelles intentions du gouvernement qui souhaite restreindre encore davantage l’accès au territoire aux sociétés minières, alors qu’il aura notamment besoin de minéraux pour assurer le succès de sa filière batterie.
Un régime déjà bien encadré
Au Québec, on ne peut pas explorer n’importe où. Ni n’importe comment.
L’exploration est déjà soumise à une réglementation rigoureuse et de nombreuses contraintes restreignent, interdisent déjà l’accès au territoire ou permettent l’exploration sous condition sur plus de 40% du territoire québécois.
Or, le gouvernement en ajoute une couche en voulant soustraire de l’activité minière les terres du domaine privé et les périmètres d’urbanisation (PU).
Il agit ainsi sous prétexte de vouloir améliorer la conciliation des usages. L’industrie ne peut évidemment pas s’opposer à cet objectif.
Nous jugeons toutefois qu’il existe déjà des mécanismes permettant aux milieux locaux de décider si l’activité minière est la bienvenue ou non. Les MRC ont entre autres le pouvoir de modifier leur schéma d’aménagement pour identifier des territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM).
De plus, depuis mai, Québec peut imposer des conditions aux travaux d’exploration à impacts après échanges avec les autorités locales.
Pourquoi réduire le potentiel minier?
L’AMQ rappelle qu’actuellement moins de 15 % du sous-sol québécois a historiquement fait l’objet d’exploration.
Le potentiel à découvrir est donc énorme.
Comme un seul projet d’exploration sur plus de 1000 aboutit à une mine, on comprend que l’exploration et l’accès au territoire sont vitaux. Vitaux pour trouver la mine de demain, pour prolonger la vie des mines actuelles et pour assurer la pérennité de l’industrie minière.
C’est aussi cette exploration qui sert de point de départ pour fournir les minéraux et les métaux nécessaires à notre vie de tous les jours et à la transition énergétique mondiale.
En voulant améliorer la conciliation des usages ou une cohabitation harmonieuse, on décide de soustraire de l’activité minière encore davantage de territoires.
Pour accéder aux demandes de certaines municipalités moins habituées à cohabiter avec l’industrie minière, on en pénalise d’autres, ouvertes à la voir se développer sur leur territoire.
L’effet pervers
Mais, par-dessus tout, les nouvelles dispositions risquent de créer une ruée vers l’exploration, générant assurément plus de désagréments que des avantages pour les communautés.
Pourquoi? Parce que pour garder leurs droits d’exploration (claims) actifs, les entreprises devront obligatoirement effectuer des travaux sur chacun d’eux, sans quoi elles les perdront.
En d’autres mots, les entreprises ont l’obligation d’effectuer un minimum de travaux sur leurs claims pour maintenir leur validité.
Aujourd’hui, hors des TIAM, il est possible de transférer sur un claim des surplus de travaux effectués sur un claim dans un rayon de 4,5 kilomètres et donc de permettre à l’entreprise de ne pas travailler sur l’ensemble de ses claims.
Avec le projet de loi 63, cette possibilité de transfert ne sera plus permise sur les claims dans les PU et sur les TIAM.
Résultat: les travaux d’exploration risquent de se multiplier à des endroits où rien ne se déroule en ce moment.
Et on ne pourra pas blâmer les entreprises puisque c’est le gouvernement qui aura instauré cette règle. Ces travaux soutenus seront nécessaires pour éviter de perdre leurs droits advenant le cas où, par exemple, une expansion de mine souterraine était envisagée.
Pour calmer la grogne potentielle, on soulèvera une grogne bien réelle.
D’une même voix, les sociétés d’exploration et d’exploitation ont donc fait la demande au gouvernement de retirer ces dispositions menant à encore plus de soustractions de territoires.
Les points positifs
L’industrie minière appuie l’intention du gouvernement de mettre un frein à la spéculation sur les claims, qui est à l’origine de ce que les commentateurs appellent le boom minier du Québec.
Cette spéculation nuit au développement minier puisque les spéculateurs obtiennent des droits d’exploration que pour les revendre sans intention d’effectuer des travaux d’exploration.
Ils ne sont donc motivés que par le profit.
Cette spéculation a eu pour effet de faire augmenter le nombre de droits actifs au Québec, ce qui a contribué à alimenter l’inquiétude de la population qui croit que tout claim aboutit à une mine.
L’industrie salue aussi l’intention du gouvernement d’améliorer le processus d’octroi des claims et de mieux qualifier les entreprises qui veulent explorer au Québec.
Au BAPE, tous!
Nous accueillons aussi positivement que le gouvernement ait accédé à notre proposition que tout nouveau projet minier soit assujetti à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement et au processus de consultation du BAPE.
C’était une de nos demandes pour améliorer l’acceptabilité sociale des projets miniers ainsi que pour rendre le processus d’autorisation plus clair et surtout plus prévisible pour le promoteur, la population et le gouvernement.
Il est évident que les parlementaires qui analyseront le projet de loi devront proposer des assouplissements s’ils veulent que le Québec continue de prospérer grâce à l’activité minière.
Nul besoin de rappeler qu’ils ont du pain sur la planche.