La panne de Metro


Édition du 23 Novembre 2013

La panne de Metro


Édition du 23 Novembre 2013

Souvent, il a été dit que l'ascension du titre de Metro (Tor., MRU, 60,76 $) était sur le point d'être stoppée et endiguée. Toujours, l'entreprise a fait mentir ses détracteurs. Ceux-ci seraient-ils sur le point d'avoir raison ?

Les plus récents résultats trimestriels de l'épicier québécois ont fait sourciller. Les ventes des établissements comparables ont reculé de 1,8 %. Pour un deuxième trimestre consécutif, à la fois l'achalandage et le prix moyen du panier ont baissé dans les magasins.

Il n'en fallait pas plus pour que le marché punisse Metro en renvoyant son titre à son niveau du début de l'année (en baisse de plus de 15 % par rapport à son sommet d'août).

La guerre des prix est de retour dans le secteur de l'alimentation au Canada et atteint un niveau qui n'avait pas été vu depuis plusieurs années. Le même jour que Metro, Loblaw a rapporté des ventes en hausse, mais des bénéfices moindres que l'an dernier.

Pour lutter contre un accroissement de l'offre, notamment alimentée par l'ajout de Supercentres Walmart et l'arrivée de Target, les deux acteurs semblent avoir adopté une approche différente.

Loblaw y va de promotions importantes en faisant le pari que les coûts de celles-ci seront contrebalancés par une augmentation des parts de marché et des volumes.

Metro, de son côté, semble prête à perdre des parts de marché en pariant que la part de marché perdue sera contrebalancée par une meilleure marge sur les parts conservées.

Peu importe la stratégie, quand la marée baisse, tout baisse et il devient difficile de voir son titre aspirer à une trajectoire ascendante.

Pour l'heure, la guerre semble particulièrement intense en Ontario. Mais elle menace maintenant de gagner en intensité au Québec. Target n'était en effet pas encore implantée ici au dernier trimestre. Le détaillant américain n'impressionne pas les consommateurs canadiens : seulement 27 % d'entre eux ont déclaré être très satisfaits de leur expérience, selon un sondage Forum Research. Ce lent départ pourrait amener Target à réduire les prix de manière à attirer plus de clients et à créer des habitudes de consommation.

Cinq scénarios possibles

Sans espoir pour Metro ?

On ne dirait pas ça. Grâce à un faible endettement, Metro dispose encore de quelques avenues de création de valeur. À la fin de l'été, Jim Durran, analyste de Barclays Capital, a jeté un coup d'oeil au potentiel de chacune. Voyons de quoi il retourne.

> Acquisition de Jean Coutu. Dans le scénario de M. Durran, le bénéfice par action 2014 de Metro pourrait grimper de plus de 30 % grâce à cette seule acquisition (si le multiple payé est raisonnable). L'analyste voit par la suite des synergies de 85 M$.

> Acquisition de Katz Group. Il s'agit d'un groupe à capital fermé de 425 pharmacies, situées principalement en Ontario et dans l'Ouest (Rexall). Le bénéfice de 2014 augmenterait de 7 %. Les synergies seraient ensuite limitées à 12,8 M$.

> Acquisition d'Overwaitea, l'épicier de l'Ouest, propriété du groupe Jim Pattison. Les 130 magasins procureraient une solide base en Colombie-Britannique et une rampe de lancement dans les marchés plus à l'est. Le bénéfice par action de 2014 pourrait grimper de 17 %, et il y aurait des synergies à venir de 68 M$.

> Acquisition de H.Y. Louie. Un autre épicier de l'Ouest, plus modeste cependant, avec 44 supermarchés (dont 37 franchisés) et 74 pharmacies London Drugs. L'apport au bénéfice de 2014 pourrait être de 14 % et les synergies à venir de 61 M$.

> Rachat d'actions et dividende spécial. L'analyste estime que l'entreprise pourrait s'endetter et verser un dividende spécial de 9 $ à 19 $ par action (de 14,5 % à 30 % de rendement). Ou encore, racheter de ses actions en plus grand nombre qu'actuellement, ce qui pourrait augmenter leur cours de 38 % à 72 % sur trois ans, en fonction de l'ampleur du rachat.

Quelle sera la suite ?

On ne croit pas en une acquisition de Jean Coutu. Il y a rumeur d'une entente d'approvisionnement avec McKesson pour Katz Group, ce qui diminue l'intérêt.

Les trois autres avenues semblent cependant intéressantes. C'est un secret de polichinelle que Metro convoite Overwaitea. Et H.Y. Louie fait aussi miroiter des retombées intéressantes.

On n'est pas convaincu que Metro ajoutera beaucoup de dette à son bilan pour verser un dividende spécial ou racheter nombre d'actions. C'est le genre d'opération qui ne devrait survenir qu'en dernier recours, en ce qu'elle hypothèque ensuite l'avenir en empêchant pendant longtemps de saisir une occasion qui pourrait se présenter. M. Durran semblait d'ailleurs récemment moins croire à ses hypothèses. Il notait, il y a quelques jours, qu'un rachat d'actions ou un dividende spécial pourraient donner des résultats plus faibles que ce qu'il estimait initialement.

Conclusion

Un investisseur qui ne possède pas le titre ne devrait pas nécessairement se presser de l'acheter. L'actionnaire de Metro ne fait cependant probablement pas une mauvaise affaire en le conservant. Quelque chose nous dit que, encore une fois, les fossoyeurs devront ranger leur pelle.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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