Faut-il jouer la dette de MDA et Molson Coors ?


Édition du 08 Avril 2017

Faut-il jouer la dette de MDA et Molson Coors ?


Édition du 08 Avril 2017

[Photo : Bloomberg]

Faut-il jouer la dette de MDA et Molson Coors ? La question s'est présentée il y a quelques jours, alors que le hasard a amené les actions de MacDonald, Dettwiler and Associates (MDA, 69,21 $) et Molson Coors (TAP, 95,71 $US) sur notre radar. Les deux titres sont sous pression. MDA depuis environ un mois, Molson depuis plus longtemps. Pour une simple raison : une acquisition qui a fait grimper leur niveau d'endettement.

Personnellement, on ne court pas après des sociétés lourdement endettées, mais on jette régulièrement un oeil sur celles dont l'endettement est un peu plus élevé que ce qu'aimerait voir le marché. L'approche nous a notamment valu un coup de circuit, avec Atrium Innovations.

À l'époque, la société se négociait autour de 11 $, soit à 7 ou 8 fois le bénéfice par action. La direction s'attendait à une croissance annuelle interne de son bénéfice de l'ordre de 7à 8 %. C'était, à nos yeux, un signal d'achat. D'ordinaire, des sociétés promettant des croissances de bénéfices de ce genre sont davantage aux environs de 15 fois les bénéfices. Comment expliquer pareille situation ?

Une chose semblait agacer les investisseurs : un niveau d'endettement équivalent à 3,2 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA). Ceux-ci semblaient se dire «Atrium est une société de produits naturels, il y a un risque d'intervention réglementaire et les dernières acquisitions n'ont pas fonctionné. Elle ne livrera pas ce qu'elle fait reluire, et son taux d'endettement l'empêche maintenant de poursuivre sa stratégie d'acquisitions. Peu de croissance à venir.

Le niveau de dette faisait curieusement notre affaire. Atrium avait de bons flux de trésorerie, il n'y avait pas de danger imminent lié à la réglementation, et puisqu'elle était endettée, elle ne ferait pas de mauvaises acquisitions. Elle rembourserait simplement de la dette, ce qui ne manquerait pas de faire grimper sa valeur. La valeur d'une entreprise s'établit en additionnant la dette à sa capitalisation boursière. Moins de dette, plus de valeur pour les actionnaires. Faible risque de recul supplémentaire, potentiel haussier intéressant pour qui saura être patient, était notre raisonnement. Un an et demi plus tard, la société faisait l'objet d'une offre d'achat à 24 $ l'action. La mise était plus que doublée.

MDA a-t-elle les caractéristiques d'Atrium ?

Le titre est sous pression après l'acquisition de DigitalGlobe pour une valeur d'entreprise de 3,6 G $ US. Les principales activités de MDA sont dans la construction de satellites. Avec DigitalGlobe, elle obtient cette fois une exposition à l'industrie de l'observation et de l'imagerie satellite. L'entreprise peut apparemment fournir des images satellitaires assez précises d'objets qui ne font que 30 centimètres.

Marchés mondiaux CIBC indique que le marché de l'image satellite croît de 11 % par année depuis 10 ans et qu'il devrait passer de 2,6-2,7 G $ à plus de 6 G $ en 2021. Or, à la suite de la transaction, les deux tiers des bénéfices de MDA proviendront désormais du créneau.

Problème, la dette grimpe à 4,1 fois le BAIIA. La direction indique cependant que le niveau devrait être revenu à 3 fois le BAIIA en 2020. Aussi intéressant qu'Atrium ? En supposant que l'entreprise conserve les mêmes bénéfices et multiples qu'actuellement, c'est une plus-value potentielle de 15 % pour un actionnaire sur le remboursement de la dette. Évidemment, le gain est sur trois ans.

Si la tendance du secteur de l'imagerie satellite des 10 dernières années se maintient, on peut cependant présumer que sur l'horizon 2020 le bénéfice continuera d'avancer, ce qui pourrait ajouter du rendement. À moins que la direction ait voulu dire que le ratio dette/BAIIA baisserait grâce à la croissance du BAIIA plutôt que par remboursement de dette. Ce n'est pas clair.

Il faut en outre considérer que l'industrie du satellite demande des immobilisations (dépenses en capital) très importantes et que les flux de trésorerie sont beaucoup plus difficiles à prévoir. Si bien qu'il ne faudrait pas non plus totalement écarter la possibilité d'une émission d'actions un jour pour diminuer la dette. Ce qui viendrait diluer le bénéfice et effectivement diminuer la valeur de l'action.

Verdict : c'est peut-être bon, quelque chose nous dit qu'il y aura à la fois croissance du bénéfice et réduction de la dette. D'autant que les budgets de la Défense américaine semblent devoir augmenter. Cependant, il y a quand même pas mal de brouillard.

Molson Coors (TAP, 95,71 $) a-t-elle les caractéristiques d'Atrium ?

L'histoire est un peu différente ici. À l'automne 2016, la société a annoncé l'acquisition de l'intérêt de 58 % qu'elle ne détenait pas dans MillerCoors. Dans les mois suivants, son titre a progressé de 25 %. Il a franchi le cap des 110 $ sur l'espoir des synergies de coûts qu'elle pourrait tirer de l'acquisition.

Depuis cependant, l'action a reculé de près de 15 %, alors que le marché semble davantage préoccupé par son ratio dette/BAIIA de 4,8. C'est en effet un ratio élevé. Cela dit, tout comme pour Atrium, les flux de trésorerie de Molson Coors sont élevés et relativement réguliers. Si bien que la direction croit que le ratio pourrait être ramené autour de 3 fois le BAIIA d'ici 2019.

Crédit Suisse prévoit que la dette devrait reculer de 11,5 G $ à 8,5 G $ sur cet horizon. Si le bénéfice et les multiples demeurent égaux, c'est ici aussi un gain potentiel de 15 % pour les actionnaires, cette fois sur deux ans.

La maison prévoit aussi qu'en parallèle, les bénéfices devraient grimper de 18 %. Simplement en raison de nouvelles synergies à réaliser. Soyons prudents et postulons qu'en 2019, le multiple actuel aurait un peu fondu, les synergies présentement anticipées dans le multiple ayant été réalisées. Il y a probablement quand même un gain additionnel de 10 % à aller chercher.

Potentiel sur 2019 donc : peut-être un 25 %.

Verdict : il y a plus de visibilité pour Molson Coors, mais, dans un contexte où les ventes de bière sont plutôt stagnantes, le signal d'aubaine est nettement plus faible que pour Atrium et ses produits naturels. Le vieillissement de la population a l'effet inverse sur les revenus.

Recommandations

MDA (MDA, 69,21 $)

4 Conserver

0 Acheter

7 Surperformance

Cible moyenne : 84 $

Molson Coors (TAP, 95,71 $)

4 Conserver

3 Acheter

5 Surperformance

Cible moyenne : 115,75 $ US

Source : Bloomberg

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?