Les 2/3 des CA ne comprennent pas la stratégie de leur entreprise

Publié le 15/12/2015 à 11:29

Les 2/3 des CA ne comprennent pas la stratégie de leur entreprise

Publié le 15/12/2015 à 11:29

Par Diane Bérard

Seuls 1/3 des conseils d’administrations comprennent vraiment la stratégie de l’entreprise qu’ils accompagnent.

À peine 1/5 (22%) peuvent expliquer comment l’entreprise crée de la valeur.

Moins de 20% assimilent pleinement les enjeux sectoriels.

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Ces résultats proviennent d’un sondage mené en 2013 par la firme McKinsey auprès de 772 administrateurs. Vous pouvez lire ici l’article du Harvard Business Review à ce propos.

Qu'est-ce que ça change que les 2/3 des administrateurs ne maîtrisent pas la stratégie de l’entreprise qu’ils accompagnent?

Ils pressent la direction pour qu’elle affiche des résultats à court terme au détriment de la création de valeur à long terme. C’est ce que nous apprend une autre étude de McKinsey, celle-là datée de 2014, auprès de 604 cadres et administrateurs à travers le monde.

Donc, parce que le CA comprend mal la stratégie de l’entreprise qu’il accompagne, la façon dont elle crée de la valeur et les bouleversements auxquels son secteur fait face, il garde le nez collé sur ce qu’il comprend : le présent. Du coup, le CA empêche la direction de regarder dans le rétroviseur et de faire ses angles morts. Conduite dangereuse, accidents en perspective…

Le témoignage d’une administratrice

Ce matin, j'ai assisté à un petit déjeuner de l'Institut des administrateurs de sociétés sur le thème: «La planification stratégique et la gestion de risques dans un monde ambigu». Trois conférenciers se sont partagés le micro: Line Rivard, ex-banquière et administratrice chez Métro et Invanhoe Cambridge, Michael Boychuck, président et pdg de Bimcor gestion de fonds et administrateur de GDI et la Banque Laurentienne, et Gilles Labbé, pdg d’Héroux Devtek.

«J’ai déjà vu une entreprise s'enliser parce que ni la direction ni le conseil ne possédaient les compétences requises pour s’attaquer aux changements de son secteur», a raconté Line Rivard. Elle poursuit, «L’entreprise s’en est éventuellement sortie, mais il a fallu que les ressources compétentes - au sein de la direction et du conseil - fassent preuve de courage pour que la transformation ait lieu. Le changement s’est fait lentement, mais pas doucement.»

Comment éviter qu’une entreprise frappe un mur

Il faut suivre la planification stratégique… et ne pas la suivre. «J’ai connu une entreprise qui a frappé un mur parce qu’on avait décidé d’un plan et qu’on l’a suivi. Il aurait fallu l’adapter», a reconnu Michael Boychuck.

La planification stratégique est un exercice annuel, mensuel et quotidien, rappelle Line Rivard. «Un administrateur n’a pas à attendre le moment opportun pour parler de planification stratégique. Il l'évoque lorsque des questions surviennent dans son esprit. Et puis, toutes les composantes de l’entreprise comportent des éléments stratégiques.»

Mon expérience d'administratrice ou se tenir au milieu de sables mouvants

Le rôle d'administrateur n'est pas facile. Je le sais. Je siège moi-même à un CA depuis plusieurs années. Je suis vp d'une OBNL, la Maison-Théatre (MT). C'est un lieu de diffusion théâtrale pour l'enfance et la jeunesse. La MT est une pionnière. Aujourd'hui, les concurrents se multiplient. Les Maisons de la culture offrent des spectacles gratuits ou à faible coût. Les théâtres pour adultes diffusent désormais des pièces pour adolescents. Et puis il y a le Centre des Sciences, les festivals, etc. Lorsque vient le temps de divertir les enfants, les parents et les grands-parents ont le choix. Car, il a bien fallu de rendre à l'évidence, la MT diffuse du théâtre, mais aux yeux de ses clients, elle se situe dans le vaste secteur du divertissement. Comme CA, il a fallu comprendre cette évolution et analyser son impact sur notre modèle d'affaires: de nouveaux concurrents, les goûts et les habitudes des consommateurs qui changent, des nouveaux parents qui n'élèvent pas leurs enfants comme la génération précédente Sans cette prise de conscience, comment comprendrions-nous le pourquoi des nouvelles initiatives marketing de la MT? Et puis, je suis une grande consommatrice de spectacles, ce qui me permet de saisir les tendances à mesure qu'elles se dessinent.

Comme je le disais, siéger à un CA est exigeant. Et ça n'arrête jamais, parce que «Nous vivons dans un monde ambigu, poursuit Line Rivard. Être administrateur aujourd’hui équivaut à gérer des sables mouvants. L’agilité est devenue un sport extrême. L’entreprise a besoin d’employés et d’administrateurs forts, capables de se remettre en question.»

Les trois sortes de veilles à mettre en place

Comme administratrice, c'est ma responsabilité de me tenir au courant des enjeux sectoriels. La direction de la MT, elle, doit alimenter son conseil. Gilles Labbé a identifié trois types de veilles nécessaires, pour la direction autant que pour le CA :

• la veille stratégique : où s’en va le marché et les concurrents ?

• la veille technologique : quelles nouvelles technologies peuvent influencer la production et /ou la livraison des biens et des services ?

• la veille internationale : comment d’autres pays sont en train de développer ou de réinventer notre secteur?

Je terminerai sur cette citation de Line Rivard, «Le plan stratégique c’est un outil, ce n’est pas la bible.» Il est préférable que les administrateurs ne considèrent pas le plan stratégique de leur entreprise comme la bible. Parce que la Bible est un très gros livre que très peu d’entre nous ont lu d’un couvert à l’autre. Ça c’est pour ceux qui l’ont déjà ouvert ;-)

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